Près de 20 mois après le début de ce qui est considéré comme le premier génocide du 21e siècle, celui que commet Israël dans la bande de Gaza depuis octobre 2023, l’Europe se réveille enfin et commence à tenir un discours qu’elle aurait dû adopter dès le premier jour.
Le sursaut du vieux continent, du moins de la France et du Royaume-Uni – L’Allemagne reste un soutien inconditionnel de l’Etat hébreu-, est toutefois tardif. Il survient après le massacre de plus de 53 000 civils palestiniens, dans une majorité de femmes et d’enfants. Après des scènes de destruction, des images insoutenables d’enfants amputés et d’une population affamée qui hanteront l’humanité pendant longtemps.
Le massacre est imputable au gouvernement de Benyamin Netanyahou mais l’Europe et l’Occident en sont pleinement responsables, voire complices pour certains pays. Dans les premiers mois de la guerre, Netanyahou avait reconnu dans une déclaration publique qu’Israël devait « tenir » encore quelques semaines car la pression internationale ira crescendo. Le Premier ministre israélien n’ignorait pas la gravité des crimes que commettait son armée et s’attendait évidemment à un ras-le-bol international. Or, la pression qu’il redoutait n’est jamais vraiment venue.
« Le droit d’Israël à se défendre »
Si l’on excepte quelques pays qui ont eu une position digne dès le début, comme l’Irlande, l’Espagne et la Norvège, l’Occident a fait bloc derrière Israël, l’a fourni en armes et a tout fait pour lui éviter la moindre sanction internationale.
« Le droit d’Israël à se défendre », décrété en chœur immédiatement après les attaques du 7 octobre avant même le début de la riposte israélienne, est devenu un mot d’ordre, voire un dogme sans lequel le massacre de la population de Gaza n’aurait peut-être pas eu lieu, du moins pas dans l’ampleur à laquelle l’on assiste.
Comme si tout avait commencé le 7 octobre, qu’il n’y avait pas de violation du droit international depuis 1967, de déni, de colonisation, de blocus sur Gaza pendant près de deux décennies, de massacres sporadiques…
Ceux qui ont soutenu Israël ont fini par comprendre qu’Israël ne s’arrêtera pas tant qu’il subsiste des Palestiniens à Gaza. C’est Netanyahou lui-même qui l’a dit, presque explicitement, en dévoilant son plan de réoccupation de l’enclave palestinienne. Et sur ce point, il a le soutien de la majorité des israéliens.
Un silence complice sans lequel le génocide de Gaza n’aurait peut-être pas eu lieu
La situation à Gaza, avec la poursuite des bombardements et le blocage de l’aide humanitaire assumé par le gouvernement israélien, est d’une gravité telle que le monde n’en a pas connu depuis la seconde Guerre mondiale. Le recul est terrible pour l’humanité. Les dernières lignes de l’horreur sont franchies et le monde n’en peut plus. Car c’est d’un génocide, d’une épuration ethnique qu’il s’agit et personne ne pourra dire devant l’Histoire qu’il ne savait pas.
« Nous ne resterons pas les bras croisés pendant que le gouvernement Netanyahu poursuit ses actions scandaleuses », ont fait savoir lundi 18 mai trois grands pays occidentaux, la France, le Royaume-Uni et le Canada.
Les trois pays ont menacé de prendre « d’autres mesures concrètes en réponse » et exprimé leur opposition à « toute tentative d’expansion des colonies en Cisjordanie ».
Le même jour, 22 pays occidentaux parmi lesquels la France, le Royaume-Uni, le Canada, l’Allemagne, le Japon et l’Australie, ont exigé d’Israël une « reprise complète de l’aide à la bande de Gaza, immédiatement ».
Menaces de sanctions
Plus explicite, le ministre français des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot a évoqué la possibilité de la suspension de l’accord d’association entre l’Union européenne et Israël. La porte-parole du gouvernement français a utilisé le mot « honte ». « Nous n’acceptons plus la honte de la rupture de l’aide humanitaire à Gaza et nous condamnons toutes les déclarations d’Israël » a déclaré Sophie Primas.
Dominique de Villepin, l’ancien Premier ministre et chef de la diplomatie française qui avait tenu tête aux États-Unis sur l’invasion de l’Irak il y a plus de 20 ans, a, lui, proposé des actions qui devraient faire mal à Israël : suspendre immédiatement l’accord d’association, imposer un embargo sur les armes et traduire tout le gouvernement d’Israël et ses responsables militaires devant la Cour pénale internationale.
Des bruits provenant des États-Unis font état d’une grogne dans l’entourage de Donald Trump, menaçant de « lâcher » Israël.
Ce mardi, Londres a annoncé la suspension des négociations commerciales avec Tel-Aviv et convoqué l’ambassadrice d’Israël pour protester contre l’escalade à Gaza considérée comme « moralement injustifiable, totalement disproportionnée et contre-productive ».
Après avoir perdu la bataille des opinions publiques occidentales, Israël est peut-être en passe de perdre le soutien de ses alliés.
Si toutefois la colère entendue ces derniers jours se traduit en actes, l’Histoire retiendra que l’Europe à agi après coup, laissant se perpétrer un horrible génocide. Elle retiendra aussi qu’au moment où l’Occident se réveillait, les dirigeants de nombreux pays arabes ont ouvert leurs caisses au principal protecteur d’Israël, sans la moindre contrepartie pour les Palestiniens.