Économie

Gazoduc GME : pourquoi l’Algérie maintient le suspense

L’avenir du gazoduc GME qui relie l’Algérie à l’Espagne via le Maroc n’est pas définitivement tranché. Si l’Algérie a décidé officiellement de ne plus approvisionner l’Espagne via le Maroc, elle n’a pas encore tranché sur le renouvellement de son contrat qui expire le 31 octobre prochain.

C’est ce qu’a dit en substance le président Abdelmadjid Tebboune dans son entretien à des médias algériens, diffusé dimanche sur l’ENTV.

« Nous avons convenu avec les amis espagnols de les approvisionner en gaz naturel via le gazoduc Medgaz », a expliqué le président Abdelmadjid Tebboune.

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Inquiète des conséquences de l’abandon par l’Algérie du GME sur la sécurité de ses approvisionnements en gaz algérien et des conséquences d’une dépendance d’un seul gazoduc (Medgaz), l’Espagne a eu des garanties fortes de la part d’Alger. « En cas d’éventuelles pannes, l’approvisionnement se fera à bord de navires algériens », a révélé le président de la République.

L’Espagne est l’un des principaux clients du gaz algérien, et l’Algérie veut sauvegarder sa position de fournisseur fiable de l’Europe, dans un contexte de concurrence rude de la part d’autres producteurs de gaz.

Si l’Algérie a définitivement tranché sur le choix de la voie pour approvisionner l’Espagne, elle n’a pas encore tranché la question du renouvellement du contrat du GME.

« Aucune décision n’a encore été prise à cet effet », a indiqué M. Tebboune, en indiquant que l’Algérie continuera à pomper le gaz via ce gazoduc jusqu’à la fin du contrat en vigueur le 31 octobre prochain. L’essentiel du gaz acheminé via le GME, dont la capacité est de 13,5 milliards de m3 par an, est destiné à l’Espagne et au Portugal.

Les quantités pompées par le Maroc sont très faibles, de l’ordre de 800 millions à un milliard de m3 par an, en plus des droits de passage. En 2020, l’Algérie a exporté 9,6 milliards de m3 de gaz à l’Espagne, dont elle est le premier fournisseur de cette énergie, alors que la capacité du Medgaz devrait être portée à 10 milliards de m3, au lieu de 8,5 milliards initialement.

En déconnectant l’approvisionnement de l’Espagne du GME pour l’orienter au Medgaz qui relie directement Beni Saf (extrême ouest algérien) à la péninsule ibérique, l’Algérie ne veut plus dépendre du Maroc pour alimenter l’un de ses plus grands clients au monde.

Soucieuse de ne pas provoquer un précédent en coupant le gaz au Maroc, ce qui serait mauvais pour son image de fournisseur fiable de cette énergie, l’Algérie garde une petite porte ouverte pour le maintien en vie de ce gazoduc. « L’Algérie ne veut pas apparaître comme celui qui a lancé les hostilités », explique un expert algérien des questions énergétiques.

Mais les conditions vont sans douter changer avec le Maroc qui bénéficiait d’un approvisionnement bon marché du gaz algérien via ce gazoduc. « Il n’y a aucune intention de faire des cadeaux au Maroc. S’il veut acheter le gaz algérien, il doit payer le prix en vigueur sur le marché international », estime l’expert algérien.

Ce gazoduc a été inauguré en 1996, avec un objectif double : approvisionner l’Espagne et le Portugal en gaz algérien ainsi que le Maroc, et contribuer à l’édification du Grande Maghreb.

L’Algérie avait ainsi affiché sa volonté de contribuer au développement économique du Maghreb, en permettant au Maroc d’accéder facilement au gaz algérien pour son développement.

Mais la donne a complètement changé avec les tensions politiques récurrentes entre les deux pays voisins qui ont culminé le 24 août dernier, avec la décision de l’Algérie de rompre ses relations diplomatiques avec le Maroc.

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