Les titres de séjour deviennent une denrée rare en France. De nombreux étrangers galèrent pour se maintenir en situation régulière, bien qu’il s’agisse parfois d’une question de vie ou de mort…
Les étrangers (non-européens) peuvent s’installer en France pour diverses raisons. Certains le font dans le cadre de leurs études, d’autres pour le travail, mais aussi pour des raisons familiales.
Depuis 1998, la France a aussi instauré le titre de séjour pour des raisons de santé. Ce document permet aux étrangers non-européens atteints de maladies graves et qui ne peuvent pas être soignés dans leur pays d’origine de séjourner régulièrement en France.
Titre de séjour pour raisons médicales
Ceci dit, avec le durcissement de la politique migratoire de la France ces dernières années, le nombre des titres de séjour pour des raisons médicales est en nette baisse. En 2018, l’on comptait 30.400 étrangers bénéficiant de titres de séjour portant cette mention. En 2022, il n’y en avait plus que 20.600, indique MediaPart.
Selon un communiqué publié en 2022 par La Cimade, cette baisse enregistrée dans la délivrance des titres de séjour pour des raisons de santé découle principalement d’une réforme de la loi datant de 2017, qui transfère la tâche de l’évaluation médicale des demandeurs des agences régionales de santé aux services du ministère de l’Intérieur.
Camille Boittiaux, référent appui technique et plaidoyer à Médecins du monde, tout en précisant que l’évaluation des demandes de titres de séjour pour des raisons médicales se fait « au cas par cas », insiste sur le fait que « ces dernières années, le ministère de l’intérieur prend de plus en plus l’ascendant sur le ministère de la santé ».
Une situation qui ne joue pas à la faveur des malades. Cette professionnelle alerte d’ailleurs sur « une mise au premier plan des enjeux de gestion des flux migratoires, au détriment de ceux de la santé publique ».
Après deux greffes de foie en France, on lui refuse sa demande de titre de séjour
Karim Kafouni, un ressortissant marocain sous OQTF malgré sa situation médicale fragile, est un exemple frappant du durcissement auquel font face les étrangers gravement malades en France. Il s’agit même d’un « cas d’école », estime Camille Boittiaux, citée par Médiapart.
Ce ressortissant marocain âgé de 52 ans, a été diagnostiqué en 2002, au Maroc, d’une cholangite sclérosante primitive. Alors que son état se dégradait, il s’est retrouvé obligé de se rendre en France pour subir une transplantation du foie, vu que cette intervention ne se faisait pas encore à cette époque au Maroc.
Karim est alors transféré au centre hospitalier universitaire de Lille, où il bénéficie d’une greffe, avant de revenir au Maroc six mois après. Mais dans son pays d’origine, ce patient peine à mettre la main sur les médicaments nécessaires. « J’étais contraint régulièrement de faire des allers-retours Maroc-France, à mes frais. C’était une vraie galère », a-t-il confié au journal français.
En 2016, il apprend, lors d’une visite de contrôle au CHU de Lille, que son corps rejette la greffe et qu’il doit subir une nouvelle intervention. En 2017, après son opération, Karim décide de s’installer en France. Il quitte alors son travail au Port de Casablanca et laisse sa famille au Maroc. « Pour moi, la priorité, c’était de rester en vie », a-t-il décidé.
Mis sous OQTF, il sombre dans une dépression
Karim décroche un premier titre de séjour d’un an en 2019, suivi d’un autre de deux ans. A l’approche de l’expatriation de son document, Karim tente de le renouveler en 2022. Il reçoit deux récépissés de trois mois avant de se heurter à un refus de la part du collège de médecins de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii).
Le ressortissant marocain remplit pourtant les trois conditions prévues par la loi : la nécessité d’une prise en charge médicale en France, un grave danger en cas d’absence de prise en charge appropriée, ainsi que l’impossibilité de se soigner dans son pays d’origine, détaille le média français.
Malgré ses efforts pour régulariser sa situation, Karim se heurte au refus de l’administration. En mars 2023, en rentrant de son travail, il trouve une lettre de la préfecture dans sa boîte aux lettres. La peur au ventre, il l’ouvre et découvre qu’il s’agit d’une OQTF. Pour lui, « retourner au Maroc, c’est la mort ».
Bien que parfaitement intégré en France, où il travaille dans la logistique et où il active dans une association caritative, Karim est donc invité à plier bagage, sans aucun égard pour sa santé fragile. Désespéré, il fait actuellement un séjour à l’hôpital psychiatrique pour dépression, fait savoir Médiapart.