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Grèves, réponses de Tebboune, répression : entretien avec le Dr Lyes Merabet

Grèves, réponses de Tebboune, répression : entretien avec le Dr Lyes Merabet

Le Dr Lyes Merabet, président du Syndicat national des praticiens de la santé publique (SNPSP) revient dans cet entretien sur la situation sociale en Algérie, et les mesures annoncées hier par le président Tebboune en réponse à la contestation des travailleurs de plusieurs secteurs.

Le président de la République Abdelmadjid Tebboune a, lors du Conseil des ministres de dimanche 2 mai, instruit les ministres de la Santé et de l’Éducation « d’engager un dialogue avec les différents partenaires sociaux ». Quelle est votre réaction ?

Nous saluons cette volonté affichée au plus haut sommet de l’État pour accompagner les différents secteurs à travers le dialogue et la négociation, pour justement trouver avec l’ensemble des partenaires sociaux des solutions aux problèmes posés. Et trouver les mécanismes, voies et moyens pour améliorer les conditions socioprofessionnelles, ce qui a été clairement dit. Pour le secteur de la santé, je rappelle que le dialogue est en panne.

Le 7 avril dernier était une journée de protestation nationale des blouses blanches. L’objectif était d’attirer l’attention des autorités. Je pense que M. le président de la République vient de réagir après avoir constaté la légitimité des revendications, mais surtout la patience des professionnels de la santé notamment ces deux dernières années à travers cette situation sanitaire (Covid) dans laquelle ils se sont engagés à fond.

Espérons que ses instructions trouveront écho sur le terrain, par la programmation rapide de ces réunions de négociation entre le ministère de la Santé et les partenaires sociaux.

Nous voulons justement que cela soit accompagné d’un parrainage du gouvernement à travers les services du Premier ministère pour garantir les engagements pris lors de ces réunions de travail.

Le problème depuis des années est que même s’il y a eu des réunions de travail qui ont été sanctionnés par des PV et que des accords ont été mis en place, l’application n’a pas suivi.

Aujourd’hui, pour cette étape nous demandons en tant que syndicat des garanties de la part des services du Premier ministre pour que les engagements soient respectés.

Comment décrivez-vous la situation sociale actuellement en Algérie ?

La situation est difficile sur le plan social. Différents secteurs sont en train de bouger : grèves, rassemblements, marches… Chaque secteur et corps essaie de s’organiser avec les moyens qu’il voit les plus adéquats pour porter sa voix au plus haut niveau afin d’obtenir des solutions aux problèmes qui sont posés. Les points communs à toutes ces protestations sont la dégradation du niveau de vie, les difficultés financières, et toute cette pression sociale et économique qui pèse sur les travailleurs et leurs familles.

En tant que syndicats autonomes, nous nous attendions à tout cela. Depuis des années, nous n’avons pas cessé d’attirer l’attention sur le fait que la situation était en train d’évoluer vers le pire, à une explosion sociale.

Je pense qu’aujourd’hui on assiste à ses prémices. Ce qu’il s’est passé à Alger (marche dimanche 2 mai des agents de la Protection civile réprimée par la police, NDLR) nous a vraiment choqués.

Une répression s’est abattue sur la marche pacifique des éléments de la Protection civile qui ont manifesté dans la capitale et ailleurs pour des considérations socioprofessionnelles, une manière d’exprimer leur ras-le-bol et les difficultés d’exercer leur métier.

Ce qu’il s’est passé (la répression) n’est pas justifié et est démesuré, on ne peut qu’appeler à la retenue et au calme, l’essentiel est dans le dialogue, la concertation et la négociation mais jamais dans la répression.

En agissant de cette manière, cela veut dire que nous avons failli en amont, en l’occurrence en matière de dialogue et de concertation. Je pense qu’on ne l’a pas fait ou on n’en a pas fait assez. Nous exprimons par là notre solidarité avec les agents de la Protection civile.

Que signifient tous ces mouvements de protestations ?

Toutes ces manifestations, dans le secteur de la santé, l’éducation, la Poste et  la Protection civile, et je sais que dans d’autres secteurs la situation bouillonne, sont les indices d’une situation sociale et économique difficile, explosive, et qui risque de déborder rapidement sur d’autres situations plus compliquées.

Il est important de mettre en place les espaces de dialogue et de concertation à propos desquels nous, au sein de la Confédération des syndicats algériens (CSA), nous avons saisi M. le Premier ministre et nous avons aussi adressé une lettre à M. le président de la République dans lesquels nous demandons la mise en place d’une bipartite gouvernement-syndicats des travailleurs.

C’est une manière d’anticiper sur les situations et de proposer des projets de solutions aux problèmes qui risquent d’éclater dans la rue à travers des grèves. La réaction des pouvoirs publics, que nous attendons depuis un moment, n’est pas arrivée.

Quelle est la place accordée aux syndicats autonomes ?

Ces syndicats représentent des pans entiers des travailleurs en Algérie, tout le monde le sait y compris les autorités. Mais dans les faits et la pratique on continue à tourner le dos à cette réalité et à ne fonctionner qu’avec une tripartite avec un seul syndicat pour les travailleurs, l’UGTA (Union générale des travailleurs algériens), et les syndicats des patrons, qui discutent des conditions de travail, de l’approche économique qui a un impact direct et indirect sur les travailleurs, sur les conditions sociales et les salaires…

Cette volonté d’aller vers une nouvelle ère pour l’Algérie que nous voulons construire, n’est pas encore vraiment orientée sur la bonne fréquence. Nous espérons qu’à travers la réunion d’aujourd’hui (hier) du Conseil des ministres et les instructions données par le président de la République, les choses vont rapidement s’organiser dans le bon sens.

Ce qui va permettre à tout le monde de se retrouver à travers la concertation et le dialogue, mais surtout la négociation pour trouver des solutions aux problèmes posés.

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