Les bombardements indiscriminés de l’armée israélienne sur la bande de Gaza ne font pas que des victimes dans les rangs des civils palestiniens. Comme inévitable effet boomerang, ils font aussi des dégâts pour l’image d’Israël et la position et l’influence de son premier soutien, les États-Unis. Ces derniers le constatent chaque jour davantage.
Le refus de nombre de leurs alliés de les suivre dans la coalition contre les Houthis en Mer rouge est un signe qui ne trompe pas. La crédibilité et l’influence de la première puissance mondiale est en train de prendre un sérieux coup.
L’agression sur la bande de Gaza, qui a commencé le 7 octobre, a fait déjà plus 21.000 morts, dont une majorité de femmes et d’enfants. Une barbarie qui a d’abord fait son effet sur les opinions publiques occidentales qui acceptent de moins en moins le silence de leur gouvernement devant ce qui se passe dans l’enclave palestinienne.
Si la Russie était relativement isolée après le déclenchement de la guerre en Ukraine, les États-Unis et Israël le sont encore plus sur cette guerre de Gaza, comme l’a montré le vote de la dernière résolution de l’assemblée générale des Nations Unies appelant à un cessez-le-feu, le 12 décembre. Seuls huit autres pays ont voté avec eux pour le rejet de la résolution. La méfiance a atteint même les alliés historiques de l’Amérique.
Le Royaume-Uni s’est abstenu tandis que la France est aux avant-lignes des pays qui réclament un cessez-le-feu. Au Conseil de sécurité, les États-Unis étaient seuls à mettre leur véto pour une résolution similaire le 8 décembre.
Parallèlement à la guerre de Gaza, les rebelles Houthis du Yémen ont ouvert un autre front en Mer rouge et dans le golfe d’Aden en soutien au Hamas palestinien. Les navires marchands ayant un lien avec Israël ou se dirigeant vers l’un de ses ports, quelle que soit leur nationalité, sont systématiquement saisis ou attaqués à l’aide de drones ou de roquettes.
Un dernier décompte fait état d’une douzaine de navires ciblés depuis la première attaque, le 19 novembre. De nombreuses grandes compagnies mondiales ont annoncé la suspension de leurs activités dans la région où transite 12 % du commerce international.
Force navale contre les Houthis : les Européens réticents à suivre les États-Unis
Israël est touché de plein fouet. Les Houthis ciblent les navires qui approvisionnent cet État qui se comporte au-dessus des lois internationales et qui impose un blocus inhumain à Gaza, sans que le monde occidental ne bouge le petit doigt, sauf pour le soutenir.
Pour justifier la constitution d’une coalition internationale contre les Houthis, les États-Unis mettent en avant que c’est toute l’économie mondiale qui risque de subir les conséquences de l’insécurité dans ce passage maritime névralgique. Le détour par le cap de Bonne Espérance, à la pointe sud du continent africain, envisagé comme alternative par les armateurs, induira des délais plus longs et des surcoûts.
Et même avec de tels risques pour les chaînes d’approvisionnement de l’économie mondiale, les États-Unis n’arrivent pas à convaincre tout le monde parmi leurs alliés. À une autre époque, lorsqu’il s’agissait de lutter contre la piraterie des groupes rebelles somaliens, deux opérations avaient été mises en place, une dirigée par les États-Unis et une autre par l’Union européenne, et avaient été soutenues avec une quasi-unanimité.
Washington a annoncé le 19 décembre la mise en place d’une force navale multinationale baptisée « Prosperity Guardian » avec la participation de 20 pays. Or, seuls les noms de 12 États ont été dévoilés.
La moitié des pays semblent réticents, et même trois grands pays d’Europe, ont fait des déclarations qui laissent penser qu’ils prennent leurs distances avec l’initiative. L’Italie a fait savoir qu’elle enverrait des navires seulement à la demande d’armateurs italiens, l’Espagne a refusé de participer et s’oppose à l’utilisation de la force européenne mise en place pour lutter contre les pirates somaliens et la France a décidé de ne pas mettre ses forces sous commandement américain.
Signe supplémentaire de la perte d’influence des États-Unis, même leurs alliés de la région, les Émirats arabes unis et surtout l’Arabie Saoudite qui combat pourtant les Houthis depuis 2014, ne prennent pas part à la force multinationale.
Cette méfiance généralisée n’est pas sans lien avec ce qui se passe à Gaza. Les crimes commis par l’armée israélienne sont de plus en plus décriés par les opinions publiques en Europe.
« Les gouvernements européens sont très inquiets de voir une partie de leurs électeurs se retourner contre eux », explique le politologue espagnol David Hernandez, cité par le site Euractiv. Cela s’est déjà vérifié par les positions adoptées par de nombreux gouvernements européens en faveur d’un cessez-le-feu. Continuer à se ranger aveuglément derrière les États-Unis équivaudrait à assumer en partie la responsabilité du génocide que commet Israël.
L’Amérique, elle, a vu son image voler en lambeaux dès les premiers jours de la guerre. À force de mener des guerres sanguinaires dans cette région, les deux pays ne font plus peur, comme en témoignent les attaques incessantes du Hezbollah, l’émergence des rebelles Houthis et leurs actions en mer Rouge, l’incapacité d’Israël à détruire le Hamas malgré le soutien massif de leur allié américain.
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