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Hirak : le pouvoir algérien face aux limites de sa stratégie répressive

Hirak : le pouvoir algérien face aux limites de sa stratégie répressive

Il fallait s’y attendre. Le Haut-commissariat des droits de l’Homme de l’ONU a fini par réagir à ce qui se passe en Algérie depuis l’été 2019 en matière de libertés et de droits humains.

Les griefs retenus contre les autorités algériennes ne relèvent pas de la banalité et la partie qui les pointe du doigt n’est pas une de ces ONG qu’on peut facilement soupçonner de servir quelques agendas hostiles au pays.

Le pouvoir algérien se serait volontiers passé d’une telle situation au moment où s’accumulent les défis internes et externes. La montée au créneau de l’institution onusienne est survenue simultanément à la confirmation du retour du Hirak par des manifestations aux quatre coins du pays pour le deuxième vendredi consécutif.

C’est toute la stratégie des autorités algériennes face au mouvement de contestation politique qui s’en trouve ainsi vilipendée dans ce qu’elle a de plus central : la répression et la dissuasion.

Que feront-elles maintenant ? Laisser tomber ce qui semble être leur unique arme dans leur entreprise de mettre fin au Hirak, ou lui réserver la même réponse qu’aux précédentes et nombreuses remontrances d’organisations non gouvernementales et du Parlement européen, c’est-à-dire l’ignorer royalement ?

Cette dernière option n’est pas sans risques non plus. Continuer à privilégier la manière forte maintenant que le mouvement de protestation algérien « favorable à la démocratie » est scruté par l’ONU et des dizaines d’ONG pourrait donner lieu à des interpellations plus fermes et plus audibles.

Ce que l’Algérie, en tant qu’État, ne peut se permettre dans cette conjoncture précise. C’est de sa crédibilité d’abord que dépendra le poids de sa diplomatie dans les dossiers régionaux et bilatéraux sur lesquels elle est appelée à s’exprimer et à peser.

La règle est simple et vieille comme la diplomatie : il n’est pas très confortable de défendre ailleurs un principe qu’on bafoue devant sa porte. L’Algérie pouvait bien voir venir une telle mise au pilori et anticiper les retombées de sa politique interne dans un monde qui, selon toute vraisemblance, offre une nouvelle réalité depuis la fin du mandat de Donald Trump comme président des États-Unis.

Cela est au moins valable pour le Moyen-Orient. Sans être un modèle à conseiller, l’Égypte de Sissi, après quatre ans d’obstination, a remis en liberté le journaliste d’Al Jazzera Mahmoud Hussein dès qu’elle a compris que Joe Biden sera moins permissif sur les atteintes aux droits de l’Homme que son prédécesseur. C’était mieux que d’avoir à le faire sur une injonction publique venant de l’étranger.

Les autorités algériennes pouvaient ne pas en arriver là si elles avaient emprunté une autre voie que celle de la confrontation avec un mouvement pacifique qui ne demande qu’un changement en douce du système de gouvernance.

Changer de cap

Non seulement elles n’ont pas fait une once de concession sur les questions politiques soulevées, mais un recul notable est constaté sur quelques acquis démocratiques qui ont traversé presque indemnes le long règne de Bouteflika.

Difficile de contester la régression en matière de libertés quand on a arrêté et condamné des dizaines de jeunes pour avoir manifesté ou posté quelques mots sur les réseaux sociaux, emprisonné des journalistes pour avoir fait leur travail, quand on a bloqué des journaux électroniques en dehors de tout cadre légal.

Quant aux accusations de « torture » et « de violences sexuelles », même si elles sont encore au stade d’ « allégations », comme les décrit le Haut-commissariat des Nations-Unies, elles sont suffisamment choquantes et inacceptables pour susciter des enquêtes sérieuses et éventuellement des châtiments fermes.

Sur cette question précise, l’enjeu n’est plus le sort du bras de fer politique. Il s’agit de préserver ce qui reste de l’aura du pays héritée de la Guerre de libération nationale.

Les autorités algériennes peuvent encore changer de cap et d’attitude vis-à-vis du Hirak et elles ont une autre bonne raison de le faire : la manière forte privilégiée jusque-là ne leur a servi à rien, sinon à les mettre dans le collimateur de la communauté internationale, et à aggraver la crise politique dans le pays.

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