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« Il faut que « la rue » accepte de payer le prix de sa liberté »

« Il faut que « la rue » accepte de payer le prix de sa liberté »

Selon le politologue Mohamed Hennad, il est fort à parier que les arrestations au sein du mouvement citoyen vont continuer au fur et à mesure que la date de l’élection approche.

Le chef de l’État a convoqué le corps électoral pour l’élection présidentielle qui aura lieu le jeudi 12 décembre prochain. Comment expliquez-vous cette célérité à tenir des présidentielles ?

Mohamed Hennad, politologue. À vrai dire, cette convocation était attendue depuis que le chef d’état-major en a « préconisé » la date à partir d’une enceinte militaire. Il ne restait que l’aspect formel dont s’est acquitté le chef de l’État par intérim.

De prime abord, cette façon de faire et cette célérité traduisent surtout une volonté de maintenir l’ancien système, même légèrement amélioré et avec un staff nouveau. Pour ma part, j’estime que le pouvoir de fait actuel est incapable d’agir autrement !

Ainsi, les choses semblent se présenter à l’envers ; ce qui démontre encore une fois le dysfonctionnement de nos institutions politiques au moment où les responsables qui sont à leur tête continuent à se prévaloir d’une constitution déjà en lambeaux.

Le chef de l’État a-t-il pris en compte les voix qui s’expriment dans la rue chaque vendredi et mardi ?

Apparemment non. Ceci dit, il ne faut pas oublier que nous continuons à vivre sous un système qui, depuis sa genèse, a pris sur lui de ne pas écouter « la rue ». La seule « sollicitude » dont le pouvoir -se disant « novembriste »- fait preuve, de temps à autre, à l’égard de cette rue c’est de lui servir quelques miettes quand les caisses de l’État sont renflouées.

La question est maintenant de savoir quelle tournure va prendre les développements au niveau du Hirak après cet affront. On pourrait facilement imaginer une escalade qui prendrait des formes graduées de désobéissance civile. L’on se demande aussi si la manœuvre ne va pas aboutir à un troisième échec après ceux du 18 avril et du 4 juillet 2019. L’ampleur des marches, notamment celle du vendredi dernier, donne à penser que les gens n’iront pas voter.

Que pensez-vous du choix de l’ancien ministre de la justice, Mohamed Charfi, désigné à la tête de l’autorité de surveillance des élections ?

Je ne connais pas la personne. Mais je sais qu’il est dans l’habitude du pouvoir, surtout après le 22 février, de faire appel à des gens qui ont la réputation d’avoir essayé de préserver leur dignité au sein du régime de Bouteflika, histoire de gagner en crédibilité afin de réussir la manœuvre.

Cela relève, donc, du recyclage puisqu’il s’agit de gens qui ont fait partie dudit système à un moment donné. Et c’est pour cette raison que des analystes parlent toujours de « clans » au sein du pouvoir. Les rapports de forces entre ces clans varient selon la conjoncture.

Ceci dit, l’authenticité d’une élection n’est pas une question de commissions et de personnes, aussi nécessaires soient-elles. Elle est bien une question de mœurs politiques dans le sens où vous pouvez avoir tout ce qu’il faut du point de vue formel mais tout restera en fonction de l’éthique électorale ambiante.

22 manifestants ont été placés sous mandat de dépôt le jour de la convocation du corps électoral. Le climat est-il favorable à la tenue des présidentielles ?

L’arrestation de gens pour leurs opinions n’augure rien de bon pour une élection incontestable et incontestée. Malgré tout, le pouvoir actuel est cohérent avec lui-même dès lors qu’il a décidé une élection au pas de charge. Il est fort à parier que les arrestations vont continuer au fur et à mesure que la date de l’élection approche. Et à la limite, c’est tant mieux ! Il faut que « la rue » accepte de payer le prix de sa liberté.

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