Économie

« Il y a trois ordonnances qui culpabilisent l’exportateur algérien »

L’Algérie peine à développer ses exportations hors hydrocarbures. Quelles sont les principales raisons ? Dans cet entretien, le président de l’Anexal Ali Bey Nasri liste les obstacles à l’exportation, et plaide pour la dépénalisation de l’acte d’exportation.

L’avant-projet de loi de finances 2021  introduit des dispositions visant à encourager l’acte d’exportation, en prévoyant une exonération permanente en matière d’IRG pour les opérations réalisées par les personnes physiques. Une bonne nouvelle pour vous ?

Ali Bey Nasri, président de l’Association nationale des exportateurs algériens (Anexal). C’est une bonne chose pour les personnes physiques. Il faut savoir que pour les personnes morales, il y avait une exonération de l’IBS à l’export. Mais la personne physique payait l’IRG (Impôt sur le revenu global). Par le passé, nous avons demandé à ce qu’il y ait une mesure commune et que les personnes physiques bénéficient elles aussi de l’exonération.

Une autre mesure contenue dans l’article 111 stipule que « les litiges susceptibles de naître après souscription de la déclaration en douane d’exportation ne doivent aucunement retarder l’exportation effective des marchandises déclarées ». Quelle est votre réaction ?

Pour ce qui est des douanes, nous n’avons pas de soucis à l’exportation. Depuis 2016 pratiquement nous exportons sans problèmes. Dans tous les postes-frontières, nous bénéficions de toutes les facilitations. En revanche, nous attendons d’autres mesures plus importantes dans la loi de finance 2021.

Quelles sont-elles ?

Nous voudrions des modifications dans la réglementation des changes en faveur des exportateurs. Certains articles nous gênent. Nous avons élaboré une liste de propositions. Il y a trois ordonnances qui culpabilisent l’exportateur algérien. Nous avons notamment demandé à ce que l’ordonnance pénalisant les exportateurs soit revue, c’est très important, du fait que la réglementation des changes ne reconnaît pas les incidents de paiement. Vous avez deux ordonnances, la 96/22 et la 03/01, la première assimile les incidents de paiement à des fuites de capitaux. Nous avons dit que cette mesure n’encourage pas les exportateurs. Beaucoup d’entre eux, surtout les débutants, ont des incidents de paiement parce qu’ils ont cet enthousiasme pour exporter. En outre, l’assurance Cagex n’est pas reconnue au niveau des tribunaux. Vous vous présentez devant le procureur, il vous dit que cette compagnie d’assurance à l’export ne figure pas dans la réglementation officielle, alors même que la Cagex a été créée en 1996 pour garantir les exportations. Il y a donc une contradiction au niveau des textes. Et surtout ce que nous contestons c’est l’ordonnance 03/01 instituée à la suite de l’affaire Khalifa, stipulant que « toute bonne foi ne saurait être retenue ». Que cela veut-il dire pour les exportateurs ? Notre revendication est qu’il y ait mise en place d’un environnement attractif à l’export.

Que suggérez-vous ?

Nous disons : dépénalisons l’acte d’exportation. C’est une condition sine qua non. Nous avons demandé que la Cagex soit reconnue juridiquement au niveau des tribunaux. Étant un exportateur assuré Cagex, je ne voudrais pas avoir des incidents de paiement. Pourquoi je dis ça, parce que nous sommes en phase d’apprentissage du marché international. Il y a beaucoup de primo exportateurs qui ont cet enthousiasme à exporter et qui sont arnaqués de l’autre côté. Et on a des incidents de paiement dommageables pour les exportateurs qui ne maîtrisent pas la réglementation de change.

Quel pourrait-être votre appel pour faciliter l’acte d’exportation ?

Nous disons ‘levons les verrous qui pénalisent les exportations’. Cela veut dire accordons de la confiance aux exportateurs. Tout simplement en faisant en sorte que les exportateurs assurés par la Cagex soient reconnus par les tribunaux. Si je contracte une assurance Cagex, cela veut dire que je vais être payé. La Cagex se porte garante qu’un tel client (exportateur) est solvable. Il y a des prérequis à l’export. Les grandes entreprises ne veulent pas se lancer dans l’exportation à cause de cette réglementation. Je connais des entreprises qui ont failli être traînées en justice pour 7 000 euros à cause d’un incident de paiement. Il y a deux sanctions, l’une pénale c’est-à-dire la prison jusqu’à 7 années, et il y a aussi l’interdiction au commerce extérieur. Des entreprises ont arrêté d’exporter pour ces raisons. Nous avons aussi demandé que le compte exportateur qui contient de la devise générée par l’entreprise soit utilisé librement pour la création de showrooms ou des bureaux de représentation à l’étranger. C’est devenu une obligation car c’est cela le commerce international. L’investissement à l’étranger à partir du compte exportateur doit être libre.

 

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