Économie

Importation de la viande : la solution pour casser les prix ?

La viande rouge est devenue depuis quelques mois inaccessible non seulement aux couches défavorisées mais à de larges franges de la population en Algérie.

Les prix ont dépassé l’entendement. Pour les casser, les autorités songent à retourner à l’importation. Cette fois sera-t-elle la bonne ?

Pour s’offrir un kilogramme de viande de bonne qualité (steak), il faut débourser 2500 dinars, soit à peu près quatre jours de travail au SMIG.

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Pour un kilo de foie (4000 dinars), c’est une semaine de travail. A l’approche du mois de ramadan, où la demande sur les viandes augmente habituellement, des craintes légitimes sont exprimées quant à une éventuelle hausse encore plus conséquente des prix.

L’arrêt de l’importation de la viande fraîche et congelée a aggravé la hausse des prix en Algérie, dans un contexte d’inflation généralisée qui n’épargne que les produits subventionnés par l’Etat.

La situation pose un véritable problème de santé publique car c’est une partie importante de la population algérienne qui se trouve privée des quantités requises en protéines d’origine animale, sachant que la viande de poulet, les poissons et les œufs ont eux aussi pris des ailes.

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L’arrêt de l’importation de la viande rouge répond à un double souci des autorités : contribuer à l’effort de réduction de la facture globale des importations pour préserver les réserves de changes du pays, et encourager la production nationale en soutenant les producteurs locaux.

Ces derniers font face à de nombreuses difficultés, dont la plus notable est la hausse des prix des aliments de bétail.

Or cette stratégie a montré ses limites, pas seulement pour les viandes, mais pour tous les autres produits agricoles touchés par les restrictions sur les importations.

C’est le cas notamment de la pomme, devenue elle aussi inaccessible pour une partie des Algériens aux revenus modestes.

Certaines variétés de pommes produites en Algérie sont actuellement vendues sur le marché jusqu’à 1000 dinars le kilogramme, en l’absence de la pomme importée.

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Entre l’encouragement de l’agriculteur local et la création de monopoles qui font flamber les prix, il y a un équilibre qu’il faut trouver. Autrement dit, la protection de la production nationale ne doit pas être mise à profit par des producteurs sans scrupules pour réaliser de gros gains au détriment du citoyen.

Viande rouge en Algérie : des mesures pour quel effet sur les prix ?

En décembre dernier, le directeur de l’organisme public l’Algérienne des viandes rouges (Alviar), a brandi le retour à l’importation comme une menace.

Il a indiqué que si les prix ne baissaient pas dans un délai d’un mois, le ministère de l’Agriculture aura recours à l’importation pour inonder le marché. Le seuil raisonnable est fixé à 1200 dinars le kilogramme, soit la moitié du prix actuel.

Les autorités se sont rendues à l’évidence que l’unique solution pour faire face à la flambée des prix est d’inonder le marché. Car de deux choses l’une : où les producteurs locaux (ou des intermédiaires) tirent excessivement profit de la fermeture du marché algérien à la viande importée, ou les éleveurs n’arrivent pas à produire une viande à des prix raisonnables malgré toutes les mesures prises en leur faveur dont l’arrêt de l’importation et les différentes aides qui leur sont accordées sous diverses formes. Quoi qu’il en soit, la situation ne peut plus durer.

Prix des viandes en Algérie : des mesures conjoncturelles pour un problème structurel

Le recours à l’importation est acté quelques semaines après la mise en garde du directeur d’Alviar. Jeudi 16 février, le ministre de l’Agriculture, Abdelhafid Henni, a annoncé une série de mesures visant à rendre les prix des viandes abordables pendant le mois de ramadan prochain.

La mesure phare est l’importation de quantités importantes de viande bovine des grands pays producteurs d’Amérique du Sud, à vendre sur le marché national à un prix fixé à 1200 DA le kilogramme.

Pour les viandes blanches, le ministre a usé d’un ton menaçant pour faire respecter la décision de plafonner les prix. Alors que ceux-ci ont été fixés à 350 dinars au niveau de l’Office national des aliments de bétail, c’est tout le contraire qui s’est produit chez les vendeurs de détails avec le kilogramme de poulet dépassant les 500 dinars.

Sans évoquer le problème de fond qui est celui des difficultés de l’Algérie à produire des viandes à des prix accessibles, le ministre de l’Agriculture a menacé, « si les prix ne baissent pas », de prendre des mesures en coordination avec le ministère du Commerce et même les services de sécurité.

Reste à savoir quel effet auront ces annonces sur le terrain. Car ce n’est pas la première fois que des mesures sont prises à la veille du mois de ramadan, sans véritable incidence sur le marché pendant le reste de l’année. Sachant que les parts de marchés de l’ONAB et d’Alviar demeurent faibles pour peser lourdement sur le marché.

Autre question : si le gouvernement réussit à faire baisser les prix de la viande avec l’importation durant le Ramadan, que fera-t-il après le mois sacré ? Face à un problème structurel, il faut des solutions perennes.

On se souvient, à sa nomination comme ministre du Commerce en 2020, Kamel Rezig avait promis de ramener le prix de la viande rouge à 800 dinars.

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