Consommation

Importation de véhicules : « Nul ne peut empêcher un Algérien de rêver »

Ferhat Ait Ali a une nouvelle fois provoqué une polémique en évoquant les rêves des Algériens et l’importation de véhicules. Les critiques ont rapidement pris de l’ampleur, et ont débordé des réseaux sociaux.

Le président de l’Association de protection des consommateurs (Apoce) a vivement critiqué le ministre de l’Industrie. « Dire qu’(acquérir un véhicule) est un rêve inaccessible, nous disons non », corrige d’emblée Mustapha Zebdi, dans une déclaration à TSA, ce dimanche 14 février. « De telles déclarations ne doivent pas être faites, dès lors qu’il y a des alternatives », critique-t-il.

« Il y a des alternatives »

« Ne pas trouver des alternatives et des solutions ne veut pas dire que c’est une tâche impossible. Nous maintenons qu’il y a encore des alternatives et nous (Apoce) en avons même proposé : comme par exemple autoriser les immigrés à faire rentrer des véhicules en Algérie et les vendre sur le marché national en dinars. Comme ça le Trésor ne perdra pas et les véhicules seront disponibles », répète M. Zebdi qui considère que les déclarations de Ferhat Ait Ali « traduisent une incapacité à trouver des solutions ».

« Il est vrai que le véhicule n’est pas le rêve de tout le monde, comme le dit le ministre, mais c’est un rêve pour une partie de la population. Pour un citoyen qui habite dans une zone d’ombre, peut-être que le véhicule est un rêve plus que ça ne peut l’être pour ses compatriotes des villes, parce que lui ne dispose pas de transports publics pour se déplacer », développe le président de l’Apoce qui s’adresse directement au ministre : « Nous demandons à ce qu’il y ait une révision de position et de choisir des propos affinés pour être acceptés par la population ».

« On a le droit de rêver »

Pour Mustapha Zebdi, l’échec « est total » dans le traitement du dossier relatif à l’importation des véhicules.  « Nous attendons la réaction du président. Ne pas trouver une solution (à un problème), ne signifie nullement que c’est impossible à réaliser. Cependant, il y a des alternatives, proposées par des professionnels. Malheureusement les administrations concernées ne veulent ni entendre ni étudier ces propositions. Le véhicule est une nécessité pour tous les Algériens. D’ailleurs, il n’y a qu’à voir les véhicules en circulation sur nos routes qui datent de plusieurs années », relève-t-il.

« On a le droit de rêver. Et nul ne peut empêcher un Algérien de rêver », estime M. Zebdi, en réponse aux déclarations de Ferhat Ait Ali, qui a dit hier samedi qu’« on a inculqué aux Algériens quelques rêves destructeurs de l’économie », en parlant de l’importation de véhicules.

« Nous partageons une partie de ce que le ministre dit concernant l’aspect relatif à tout ce qui peut nuire au Trésor public. En tant qu’organisation de défense du consommateur, nous avons été les premiers à dénoncer les importations de produits inutiles qui coûtent de l’argent au Trésor. Nous avons toujours veillé à la préservation du denier public en tant que citoyens responsables », remarque-t-il.

« Qui a dénoncé durant les années précédentes, ce qui m’a coûté très cher, l’importation de l’eau minérale, de cuisses de grenouilles ou encore en 2020 de yaourt alors que le pays est en pleine crise ?  Le véhicule est un bien nécessaire et ne manque pas d’importance que le pain », revendique le président de l’Apoce qui récuse toute vision « unilatérale ». Il se demande : « où est la démocratie participative autour de cette question ? »

Le ministre de l’Industrie « fait cavalier seul » 

Le sénateur Abdelouahab Benzaim, pointe aussi ce manque de dialogue et de concertation autour de l’importation des véhicules. Le ministre de l’Industrie « fait cavalier seul contre tous », accuse-t-il, dimanche 14 février, dans une déclaration à TSA.

« Un responsable a le devoir de réaliser les aspirations du peuple. Ce n’est pas à lui de déterminer ce que peut être son rêve. Le véhicule est un moyen de locomotion et n’est pas un rêve », recadre Benzaim.

« En Europe, un salarié peut acquérir un véhicule avec un crédit bancaire en payant 100 euros par mois et sans apport initial. Ce n’est ni un luxe, ni un rêve », assène le sénateur. « Si un responsable ne peut pas réaliser les aspirations du peuple, il ne doit pas être un facteur de destruction, non plus », fait valoir le membre de la commission des finances du Conseil de la nation (Sénat). « Il parle de crise (économique). Nous avons la loi. Laissez les gens acheter les (véhicules) de moins 3 ans, moins de 6 ans… avec leur argent. Laissez les gens travailler », réclame Benzaim qui plaide pour l’octroi des autorisations d’importation aux citoyens dans le « cadre de la loi ».

« C’est grave d’accuser les pays de l’Union européenne de s’adonner au trafic de documents »

Le sénateur dit s’en remettre au président de la République pour « trancher » sur cette question, et permettre aux citoyens d’acheter les véhicules par leurs propres moyens. « On applique cette loi (celle relative à l’importation des véhicules de moins de trois ans, NDR) pendant une année. Et d’ici à là on peut revoir la copie. Il reste que l’État n’a rien à perdre », plaide Benzaim qui conteste l’affirmation du ministre de l’Industrie devant les parlementaires selon laquelle les documents des véhicules d’occasion sont facilement falsifiables avec la complicité des autorités des pays de provenance, européens en particulier.

« Je persiste et signe : il est impossible de trafiquer et c’est grave d’accuser les pays de l’Union européenne de s’adonner au trafic de documents. En Europe, il est quasi impossible de trafiquer une carte grise. Et dans le cas où il y aurait fraude, il y a le contrôle dans les ports, ces gens ne vont tout de même pas faire rentrer leurs véhicules par effraction ? », appuie le sénateur qui assure que « l’État est gagnant à 100 % ».

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