Économie

Importations : ce que révèle le feuilleton de la rubrique « Autres »

Le feuilleton de l’importation des produits désignés sous la position tarifaire « Autres » se poursuit avec une nouvelle clarification du ministère du Commerce via l’Association des banques et établissements financiers (Abef).

C’est à un véritable cafouillage que l’on assiste depuis le 7 octobre dernier, date de la première notification concernant la mesure.

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La décision a été prise par le Premier ministre, à la demande du ministère du Commerce, qui a constaté des abus dans le recours des importateurs à la déclaration de leurs importations sous cette rubrique.

Après les entreprises et organismes publics, les producteurs du secteur privé sont aussi exemptés de la suspension. Ces clarifications ont été rapportées suite aux difficultés d’application de ladite mesure et aux réclamations des entreprises pénalisées.

Si une mesure d’une telle simplicité, et sans doute sans grande incidence sur le volume global des perceptions de droits de douanes, a fait l’objet d’autant de précisions et de rectificatifs en seulement un mois, cela renseigne au moins sur la précipitation avec laquelle elle a été élaborée et le manque de concertation avec tous les secteurs et acteurs concernés.

Une improvisation qui a très vite montré ses limites. Et ce n’est sans doute pas fini. Car dans la dernière note de l’Abef relative à la question, il est stipulé que les importateurs qui importent des produits pour la revente en l’état ainsi que des matières premières sont concernées par la mesure.

L’anomalie qui pourrait faire l’objet d’une énième correction c’est que beaucoup de « petits » producteurs achètent leurs matières premières auprès des importateurs.

La gestion saine et optimale d’une entreprise implique parfois l’externalisation des activités qui ne constituent pas son cœur de métier. Ceux qui se penchent depuis maintenant un mois sur cette question peuvent-ils l’ignorer ? Cela trahit au moins un manque de coordination, mais pas que.

La décision entre dans le cadre de la panoplie de mesures prises ces dernières années pour « rationnaliser » les importations. La hausse vertigineuse de la facture des importations (60 milliards de dollars en 2014) conjuguée au recul des revenus des exportations d’hydrocarbures, a fortement impacté le niveau des réserves de change de l’Algérie, désormais sous la barre des 50 milliards de dollars.

Conséquences non calculées

Pour amortir cette érosion, le gouvernement a tablé sur l’augmentation des exportations hors hydrocarbures et la réduction de la facture des importations.

Dans ce dernier registre, il a opté pour l’interdiction ou la restriction de l’importation de certaines marchandises non indispensables ou produites localement, et la lutte contre toutes les formes de fraudes et de surfacturation qui ont contribué à saigner les réserves de change du pays. Officiellement, la suspension des domiciliations sous la rubrique « Autres » répond à cet objectif.

Les services du Premier ministre ont expliqué que la suspension des importations sous la rubrique « Autres » a été décidée parce qu’ « il a été constaté un recours exagéré à la domiciliation sous cette rubrique à des fins de fraude et de surfacturation ».

On ne peut pas dire que l’objectif premier du gouvernement n’est pas atteint, puisque la facture globale des importations a été ramenée à seulement 30 milliards de dollars et le président de la République a même annoncé que l’Algérie retrouvera dès cette année l’équilibre de sa balance des paiements.

Mais à quel prix ? Cette histoire de la rubrique « Autres » nous met devant un énième exemple de gestion à la hussarde de l’économie du pays aux conséquences non calculées : pour empêcher des fraudeurs de sévir, on inflige une punition collective quitte à créer des dysfonctionnements dans des pans entiers de l’économie.

Deux précédents 

En changeant sa directive plusieurs fois en seulement deux mois, le gouvernement tente de rectifier le tir et c’est à première vue une bonne chose. Sauf que le signal envoyé aux investisseurs et aux opérateurs économiques d’une façon générale est très mauvais.

Cette manière de faire n’est pas faite pour rassurer ceux qui se plaignent régulièrement de l’instabilité juridique dans la sphère économique algérienne. D’autant que ce n’est pas la première fois que le gouvernement procède à des rectifications après avoir pris des décisions économiques.

Il y a plus d’une année, le 7 septembre 2020, une décision a été prise de mettre fin à la subvention du blé destiné à la fabrication des pâtes alimentaires et du couscous.

La mesure, qui avait été actée par un décret publié au Journal officiel, a provoqué une hausse des prix et un début de pénurie des pâtes alimentaires sur le marché.

Deux mois après, le gouvernement annule la décision, mais il a récidivé sur un autre dossier dans la Loi de finances 2022, en introduisant une mesure obligeant les entreprises importatrices détenues par les étrangers en Algérie de céder 51 % de leur capital social à des nationaux, avec effet rétroactif, et ce dans un délai de six mois.

Constatant son erreur, il a rectifié le tir, dans la Loi de finances complémentaires 2021 (LFC 2021), en retirant carrément la mesure. Entretemps, certaines entreprises détenues par des étrangers ont quitté le pays.

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