Économie

Industrie pharmaceutique : l’Algérie affiche ses ambitions

Le secteur de l’industrie pharmaceutique opère sa mue. A la tête de ce département depuis plus d’une année, le Dr Lotfi Benbahmed se fixe l’objectif de développer la production nationale.

« Une production nationale à forte valeur ajoutée, créatrice de ressources et d’emplois », a affirmé ce mardi 7 décembre M. Benbahmed, dans un entretien à la radio nationale.

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« Actuellement, les laboratoires locaux progressent très fortement », s’est-il notamment félicité. Cette ambition passe nécessairement par un transfert de technologies via un partenariat avec les étrangers.

« Pour les produits qui ont besoin d’un transfert de technologie (production d’insuline, produits bio similaires d’oncologie), forcément des coopérations se nouent et des joint-ventures sont signés. Des associations se créent entre laboratoires internationaux et locaux. Cela passe par l’application du dispositif réglementaire que nous avons mis en place», a expliqué le ministre.

Lequel dispositif, a-t-il dévoilé, oblige les laboratoires basés en Algérie à avoir un taux d’intégration suffisant et à se projeter, quand il s’agit de multinationales, vers l’exportation.

« La valeur ajoutée est créée à partir du moment où ce que nous produisons localement n’est plus importé », a expliqué le Dr Benbahmed, qui a précisé qu’au cours des deux dernières années, le montant des produits pharmaceutiques soumis à des programmes d’importation est passé de 2 milliards de dollars à 1,2 milliard de dollars. Soit une baisse de 800 millions de dollars.

« Nous voyons bien que c’est du concret en termes de valeur ajoutée », se réjouit-il. D’autre part, les laboratoires qui passent de l’importation à la production sont invités à baisser la facture des intrants d’au moins 30%.

« Nous n’allons pas sur une production totalement démagogique où nous faisions des formes « CKD/SKD ». Le dispositif réglementaire qu’on a mis en place oblige les producteurs à aller au fur et à mesure vers des taux d’intégration de plus en plus élevés, et pourquoi ne pas aller vers la R&D (recherche et développement). Nous ambitionnons également de créer un tissu de sous-traitants et à travers lui des emplois », a développé Lotfi Benbahmed.

Le système SKD/CKD fait allusion  à l’industrie de montage de voitures en Algérie qui a été qualifiée par le président de la République de « gonflage des pneus ». Dans le médicament, ce système consiste à ramener des produits finis pour faire le remplissage ou la mise en boite en Algérie.

« Pas de système SKD/CKD » dans le médicament

Le ministre de l’Industrie pharmaceutique promet d’œuvrer pour la relance des investissements pharmaceutiques en souffrance. « La création même de notre ministère vise justement à débloquer une situation qui était préjudiciable à l’économie nationale. Depuis 2017, nous avions près de 60 projets qui étaient bloqués. Et des milliers de produits étaient bloqués à l’enregistrement », a déploré Lotfi Benbahmed.

Le ministre se fait fort de rappeler que son département n’est pas « juste pour être le réceptacle des demandes des laboratoires » mais qu’il œuvrera à les aider pour acquérir de nouvelles technologies, étoffer leurs portefeuilles, etc.

« C’est une véritable relance du secteur qui s’est opérée ces deux dernières années avec de nouvelles entreprises et celles qui ont développé de nouvelles lignes de production », a-t-il martelé.

L’Algérie veut imiter les exemples de la Jordanie et de la Corée du sud qui ont réussi à développer une industrie pharmaceutique performante.

S’agissant de l’aspect lié à l’export, Lotfi Benbahmed annonce que 2022 sera marquée pour la première année depuis l’Indépendance par la mise en place des programmes prévisionnels d’exportation.

« Nous démarrons quasiment de zéro. Les chiffres de nos exportations sont infimes », a-t-il fait remarquer, avant d’exhorter les multinationales qui investissent en Algérie de se projeter au-delà du marché national, c’est-à-dire vers l’exportation.

Quant à l’Etat à travers le ministère de l’Industrie pharmaceutique, note Benbahmed, son rôle est de réguler. « On n’intervient pas mais nous devons réguler ce type d’investissements en orientant les investissements selon nos besoins. La meilleure façon pour sauvegarder notre sécurité et notre souveraineté sanitaires c’est de produire localement », a-t-il insisté.

Le ministère de l’Industrie pharmaceutique envisage aussi de s’attaquer au phénomène de la spéculation qui touche des produits essentiels tels que les médicaments d’oncologie médicale.

Pour y arriver, Lotfi Benbahmed a invité la Pharmacie centrale des hôpitaux (PCH) à intégrer le système de numérisation et de traçabilité mis en place par son département relatif à la production et l’importation.

Il a annoncé avoir donné des instructions au groupe pharmaceutique public Saïdal en vue d’importer auprès d’un de ses partenaires 17.000 boites d’un médicale d’oncologie, médicale destinés aux enfants cancéreux.

« Il n’est pas normal qu’en 2021 nous ayons encore des problèmes de prise en charge dans des maladies aussi graves. Le paradoxe dans l’industrie pharmaceutique mondiale c’est que ce sont ces produits pas chers qui manquent souvent. Du fait que les laboratoires s’orientent vers des médicaments à forte valeur ajoutée en négligeant ce type de produits destinés aux enfants. Nous ferons tout pour que ces produits soient, à l’horizon 2022/2023, fabriqués localement. Et pour qu’on ne dépende plus des laboratoires internationaux au préjudice de nos enfants ».

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