Économie

Investissement : le patronat décrit une situation totalement bloquée

Près d’une année et demie après l’élection d’un nouveau président de la République, venu avec un ambitieux programme de relance économique, l’investissement ne démarre toujours pas en Algérie.

Il n’y a pourtant rien d’utopique ou d’insurmontable à vouloir à relancer l’outil productif et réduire la part léonine des hydrocarbures dans les recettes du pays.

Un pays de surcroît qui ne manque pas d’atouts et qui sort de deux décennies de politique volontariste en matière de développement de l’infrastructure de base.

Où se trouve donc la faille ? Est-ce à cause de l’impéritie de l’équipe gouvernementale ou, comme le soutiennent de nombreuses voix, du fait de l’action malfaisante de lobbies tapis dans l’administration et qui ne désespéreraient pas de voir ressusciter « l’ancien régime » ?

Inutile de s’attarder sur les retombées de la crise sanitaire. Elle y est sans doute pour quelque chose, mais personne ne lui prête une incidence déterminante. Pas même le président Tebboune qui préfère pointer du doigt ce qu’il a appelé « la contre-révolution ». Le chef de l’État a trouvé « anormal » l’absence d’investissements, lors de son interview télévisée diffusée début mars.

Sur le terrain, ces blocages vrais ou supposés se manifestent par le retard pris dans la promulgation de certaines lois vitales, comme les textes d’application  de la nouvelle sur les hydrocarbures et surtout le nouveau code des investissements, ainsi que par les complaintes, plus audibles et plus explicites des investisseurs qui dénoncent quotidiennement toutes sortes d’entraves.

Il est en effet « anormal » qu’un investisseur comme le patron de Cevital se plaigne dans « l’Algérie nouvelle » des mêmes infortunes que lui faisait subir « l’ancienne ».

La main malfaisante est aussi pointée du doigt dans les crises et tensions successives que connaissent plusieurs secteurs et produits ces derniers mois.

L’été dernier, une enquête a même été ordonnée par le chef de l’État pour déterminer les causes de feux de forêt simultanés et d’une série de dysfonctionnements qui avaient touché l’approvisionnement en eau potable, les liquidités dans les bureaux de poste, la disponibilité de la semoule dans les magasins…

La bureaucratie, bête noire du patronat

Quelles sont ces parties qui enrayent la machine économique et menacent la stabilité du pays ? De quels leviers disposent-elles pour contrarier ainsi la volonté de tout un État ?

Si le président Tebboune s’est contenté à chaque fois d’émettre des soupçons sans aller au fond des choses, peut-être à cause de la réserve que lui dicte son rang, d’autres voix ont été plus explicites, notamment dans les milieux du patronat.

Saïda Neghza, président de la Confédération générale des entreprises algériennes (CGEA) désigne sans ambages la « Issaba », ceux qui étaient dans les centres de décision ou dans leur proximité durant le règne le président déchu.

En visite au début du mois dans une unité de Cevital, la femme d’affaires a pris la défense d’Issad Rebrab et de l’investissement productif, dénonçant la « Issaba cachée », qui a « brisé tous les hommes honnêtes » et qui est « toujours présente en force et continue à casser l’Algérie et à saboter le programme du président de la République ».

Ces déclarations lui ont valu des attaques anonymes sur les réseaux sociaux, des attaques qu’elle attribue à une autre organisation patronale, la Confédération algérienne du patronat citoyen (CAPC), anciennement Forum des chefs d’entreprise (FCE), présidé pendant de longues années par l’homme d’affaires Ali Haddad, aujourd’hui emprisonné.

« Il y a une association qui s’appelait le FCE. Ils ont juste changé de nom, mais les personnes sont les mêmes. On ne peut pas dire que la Issaba est partie », assène-t-elle.

La CGEA et la CAPC ont beau ne pas s’apprécier, elles sont sur la même longueur d’onde quand il s’agit de dénoncer le blocage de l’investissement.

« La bureaucratie est le plus grand danger pour tout investissement, que ce soit dans l’industrie, l’agriculture ou dans d’autres domaines (…) Nous avons senti une volonté chez le président de la République et le Premier ministre, il y a une nouvelle vision, mais nous avons des craintes quant à son application par l’administration. C’est le spectre qui hypothèque la réussite du processus », déclare Samy Agli, président de la CAPC sur les ondes de la radio algérienne.

Et les exemples concrets ne manquent pas pour motiver son appréhension.

« Il est anormal, dit-il, qu’en une année, pas un seul dossier d’investissement industriel n’a été étudié ». Sur le nouveau code de l’investissement qui tarde à voir le jour, Sami Agli espère que le nouveau texte soit promulgué rapidement et surtout qu’il réponde aux réalités de l’économie nationale et mondiale, et protège le produit algérien.

Il y a décidément beaucoup de monde à trouver  « anormal » ce qui se passe dans la sphère économique algérienne.

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