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Irrigation : les « pivots algériens » attirent les Saoudiens

Irrigation : les « pivots algériens » attirent les Saoudiens

Si El Oued est devenue aujourd’hui un grand bassin de production de la pomme de terre en Algérie, elle le doit à ses agriculteurs mais aussi aux hommes qui ont mis au point le pivot rotatif.

Tidjani Khiyech est l’un de ces précurseurs. Un riche Saoudien lui a demandé de produire les « pivots algériens » dans son usine au Soudan.

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Venant directement de Khartoum (Soudan), Tidjani Khiyech a accordé un entretien à Anouar Laïb lors du 6e Salon de l’agriculture d’El Oued. La cinquantaine, collier de barbe impeccablement taillé et aussi blanc que ses cheveux, cet inventeur de génie a bien voulu retracer son parcours en Arabie saoudite et au Soudan.

Le pivot d’El-Oued a rencontré son public

C’est à Khamar, daïra de Guemar (El Oued) qu’en mars 1995 il met au point la première version du pivot rotatif qui devait révolutionner l’agriculture de la région.

Il confie modestement qu’il avait quelques connaissances en électro-technique et que c’est cela qui l’a aidé. Installé chez un agriculteur, le premier pivot ne passe pas inaperçu.

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Certes, sa taille modeste ne permet d’irriguer qu’un seul hectare, contre 30 dans le cas des pivots géants. Paradoxalement, c’est cette taille réduite qui va faire son succès.

Pour les petits agriculteurs d’El Oued désirant se lancer dans la production de la pomme de terre, commencer par un hectare correspondait à leurs moyens financiers. Rapidement la demande en pivot explose à travers la daïra puis la wilaya. En quelques années, le pivot artisanal rencontre son public.

Dès 2020, les services agricoles de la wilaya pourront annoncer qu’avec plus de 13 millions de quintaux de pomme de terre produites par an, El Oued est la première wilaya productrice en Algérie et contribue à plus de 30 % à la production nationale.

Un ami d’un ami qui connaît un Saoudien

Le succès est tel que la réputation du « pivot algérien », comme l’appellent les Saoudiens, passe les frontières. En 2017, confie Tidjani Khiyech : « Un ami, ami d’un ami connaissant Cheikh Fayçal, un Saoudien, m’informe de son intérêt pour le pivot ».

Dans un premier temps, il se renseigne pour exporter l’engin en le démontant et en le mettant dans un conteneur. « Mais je suis à la tête d’une petite entreprise et les procédures d’exportation se sont avérées longues et compliquées », explique-t-il.

Qu’à cela ne tienne, une solution est trouvée. Le « pivot algérien » sera construit au Soudan où Cheikh Fayçal souhaite l’installer dans les vides existants entre les grands pivots de 30 hectares. Tidjani Khiyech se déplace donc au Soudan puis en Arabie saoudite.

En 2008 en Arabie saoudite, le décret royal 335 annonce la suppression progressive de la culture du blé avec pompage d’eau dans les nappes souterraines.

Le décret intervient car les principales nappes du royaume sont pratiquement à sec. De nombreux investisseurs se déplacent alors au Soudan. En 2015, les surfaces exploitées dans ce pays par les Émirats arabes unis et l’Arabie saoudite dépassent 500.000 hectares. Au Soudan, l’eau ne manque pas, il suffit de pomper l’eau du Nil.

Rencontre avec les technologies photovoltaïques

Dans ce pays, un premier prototype de pivot d’El Oued est construit. Pour son alimentation en énergie, le commanditaire saoudien souhaite que l’ensemble des moteurs électriques de l’engin soit alimenté par des panneaux solaires.

Problème, Tidjani Khiyech n’est pas habitué aux panneaux solaires.  Modestement, il confie : « C’est eux qui m’ont formé concernant l’usage de l’énergie solaire car je n’avais pas de connaissances dans ce domaine ».

Il côtoie des experts syriens et palestiniens et fait la connaissance d’un ingénieur saoudien, Ahmed El Aamache. Le courant passe immédiatement entre les deux hommes.

« L’expert saoudien nous a donné beaucoup d’informations dans différents domaines. Ma spécialité, c’est seulement l’électro-technique », ajoute-t-il humblement.

L’engin est progressivement modifié et testé dans la localité d’El Guessim. Installé dans un champ et muni des panneaux solaires correspondant, l’engin se met à fonctionner sans qu’il soit raccordé au réseau électrique. Seul le courant fourni par les panneaux suffit.

Le chemin parcouru depuis 1995

Tidjani Khiyech parle du chemin parcouru depuis les premiers modèles construits en 1995 à Guemmar dans le sud-est de l’Algérie.

Reconnaissant, il tient à associer et à rendre hommage à tous ceux qui étaient présents au début de cette aventure. « Je remercie également l’équipe d’enseignants présente de 1993 à 1995 au centre de formation de Guemmar et son directeur, Aderrahim Zaatallah, aujourd’hui disparu ».

Entre 2017 et 2018, il y a eu plusieurs allers-retours entre El Oued et l’Arabie saoudite. Les négociations dureront de 2018 à 2021 avec des interruptions dues à la pandémie du Covid-19.

Mais, aujourd’hui à 200 km de Khartoum, dans l’usine située au niveau de la wilaya Fleuve du Nil, c’est au tour du pionnier algérien de former des ouvriers soudanais et jordaniens pour la construction et le montage de pivots.

L’objectif est d’en fabriquer plusieurs milliers. « Le projet avance», ajoute-t-il avec un accent et des expressions plus souvent entendues au Caire qu’à Alger.

Quand son interlocuteur l’interroge sur ce point, il sourit et avoue : « Auparavant, les ouvriers soudanais me disaient qu’ils ne me comprenaient pas. Au début, je ne voulais pas changer ma façon de parler, mais j’ai vu que je perdais mon temps. Je ne me faisais pas comprendre. Ils me reprenaient à chaque fois. Mais 4 mois ont suffi pour que je m’adapte ».

Cheikh Fayçal a « dépensé beaucoup d’argent » pour le pivot

Interrogé sur les caractéristiques d’origine du pivot. Il répond : « Au Soudan, c’est le même modèle de pivot qu’à El Oued. Un pivot de 60 mètres de rayon pour une surface de 12 000 mètres carrés ».

Les modifications concernent seulement l’alimentation par panneaux solaires. Le sourire aux lèvres, il ajoute : « J’ai une anecdote. C’est Cheikh Fayçal qui suit le programme de construction. Et il ne manque jamais de me rappeler, certes gentiment, combien il a dépensé pour ce petit pivot. Le pivot algérien, comme ils disent ».

De la Vallée du Nil à El Bayadh

Loin du Nil, à Rogassa (El Bayadh), l’agriculteur Mohamed ne produit plus de blé. Il a replié les travées de son pivot rotatif acheté à El Oued. En cause, l’absence de raccordement au réseau électrique. Debout, à côté du pivot, il fait part de son désespoir : « Mon projet d’aménagement est remis en cause par l’absence de réseau électrique », confie-t-il en cette fin décembre à Ennahar TV.

Et si la solution venait de Tidjani Khiyech et de l’ingénieur saoudien, Ahmed El Aamache ?

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