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Journal Liberté : une mort qui ne profite à personne

Journal Liberté : une mort qui ne profite à personne

« Après trente ans d’une aventure intellectuelle,  »Liberté » s’éteint. Merci et au revoir ».

Ce titre de Une fera date dans l’histoire de la presse algérienne. C’est celui de la Une de la dernière édition du quotidien Liberté, parue ce jeudi 14 avril 2022.

Le journal, fondé en juin 1992, ne fêtera pas ses 30 ans. Son fondateur et propriétaire a décidé de le fermer pour des raisons qui lui sont propres.

Au-delà des motivations de cette décision extrême du patron du groupe Cevital, Issad Rebrab, il reste le fait et la conjoncture : un des fleurons de la presse indépendante algérienne disparaît dans un contexte politique et économique difficile pour le libre exercice de la profession et, comme le montre cet épisode, pour l’existence même de médias indépendants.

Avec El Watan, El Khabar et Le Soir d’Algérie, Liberté était l’un des derniers survivants des titres créés dans les années qui ont suivi les événements d’octobre 1988 et l’ouverture démocratique.

Dans le cas de Liberté, c’était la conjugaison des moyens d’un industriel à succès avec le métier de professionnels chevronnés. Pour d’autres, la fougue et l’ambition de journalistes organisés en sociétés de rédaction.

Les formules variaient, mais le succès était presque toujours au rendez-vous tant la volonté politique de doter le pays d’une presse libre, pour accompagner la démocratie naissante, y était. Et c’est sans doute ce qui fait la différence avec ces temps d’incertitude que vit la presse algérienne.

Les démons du passé ont toujours tenté de revenir, mais à chaque fois la presse indépendante a trouvé la force de résister et de subsister. Chantage à la publicité à travers le monopole de l’État, pressions judiciaires et administratives et terrorisme islamiste pour lequel Liberté, pour ne citer que ce journal, a payé un lourd tribut. Plusieurs de ses employés, dont deux journalistes, ont été assassinés dans les années 1990.

À qui le tour ?

Pendant toutes ces années, Liberté et d’autres titres ont accompagné, à leur corps défendant, la marche du pays vers la démocratie et la modernité. En 2005, Le Matin, a été fermé sur décision politique du duo Bouteflika-Zerhouni et ce fut peut-être le début du compte à rebours pour les autres journaux.

Depuis, les choses n’ont fait qu’empirer, de surcroît que d’autres éléments, comme le recul mondial de la presse papier, le rétrécissement en Algérie du lectorat francophone et la crise économique qui a fait tarir même la publicité du secteur privé, sont venus se greffer sur l’hostilité politique pour créer une situation définitivement intenable.

Après les journalistes qui se demandaient ‘à qui le tour’ à chaque fois qu’un de leurs collègues tombait sous les balles du terrorisme dans les années 1990, le temps est venu pour les journaux de se poser la même question morbide. El Watan se plaint depuis plusieurs années de sa situation financière asphyxiante et menace régulièrement de mettre la clé sous le paillasson. A qui profite tout cela ?

A personne bien sûr. Surtout pas au pays. Dans leurs adieux aux lecteurs, les journalistes de Liberté l’on souligné à juste titre : cette « politique médiatique pour le moins hostile » et « inefficiente » est « dommageable pour les intérêts et l’image du pays ».

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