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Jusqu’où ira Donald Trump ?

Brusque retour à la case départ dans le compliqué dossier coréen. Ce qui devait être un sommet historique entre Kim Jong-Un et Donald Trump n’aura finalement pas lieu.

C’est le président américain qui a pris la décision ce jeudi 24 mai d’annuler le rendez-vous pris avec le leader nord-coréen pour le 12 juin à Singapour, un peu trop vite présenté comme le point de départ d’une nouvelle ère.

C’est peut-être un mini coup de théâtre, un petit coup de tonnerre dans le ciel imprévisible de l’actualité internationale, mais au vu de la voie empruntée par le locataire de la Maison blanche depuis janvier 2017, c’est le contraire qui aurait étonné.

Le contraire, c’est-à-dire le maintien du sommet et éventuellement le lancement d’un processus de règlement définitif de la question coréenne, que ce soit le dossier nucléaire ou celui des rapports entre le nord et le sud de la péninsule.

En 18 mois, le monde a eu tout le loisir d’observer le 45e président des États-Unis et de conclure qu’il n’est ni un faiseur de paix ni un homme de compromis.

Croire un instant qu’il puisse obtenir la paix là où Barak Obama n’a essuyé que des échecs, c’est faire preuve d’ingénuité. Il est évident que si Kim Jong-Un a consenti à rencontrer son homologue américain, ce n’est pas pour capituler, mais bien pour lancer un processus devant déboucher sur un compromis, donc des concessions de part et d’autre. Cela, Trump et son staff sont les premiers à le savoir, et c’est précisément ce dont le chef de la Maison blanche ne veut pas.

Ce n’est pas dans son style, lui qui vient juste de tordre le cou à un autre arrangement du genre, celui de l’accord nucléaire conclu entre son prédécesseur et les dirigeants iraniens après d’après négociations entre ce pays et les grandes puissances.

Avant même d’accéder à la Maison blanche, le candidat Trump avait juré que l’Iran n’allait pas s’en sortir comme ça et il a tenu parole. Il avait aussi promis fermeté et intransigeance face à la Corée du Nord et la promesse est en passe d’être tenue aussi.

C’est le style Trump : promettre les plus improbables des décisions et prouver qu’il ne bluffe pas en passant à l’acte au moment où le monde s’y attend le moins.

Dès son élection, il s’est attelé à concrétiser ses promesses de campagne, de l’interdiction d’entrée sur le territoire américain pour les musulmans à la dénonciation de l’accord sur le nucléaire iranien, en passant par la révocation de la loi sur la santé dite Obama Care, le retrait de l’accord mondial sur le climat et le transfert de l’ambassade US en Israël de Tel-Aviv vers Jérusalem.

La Corée du Nord ne sera donc pas l’exception qui confirme la règle et on ne sait pas jusqu’où Trump est prêt à aller.

La « colère » et « l’hostilité » des dirigeants nord-coréens, avancées comme prétexte à l’annulation du sommet, n’ayant rien de nouveau, les véritables raisons de ce revirement sont par conséquent à chercher ailleurs. D’abord du côté des calculs du président américain et son staff, qui appréhendent sans doute d’être mis au pied du mur par une probable posture de souplesse de Pyongyang qui, ces dernière semaines, a multiplié des initiatives inimaginables il y a seulement une année, comme l’arrêt des essais nucléaires et le rapprochement avec le Sud, concrétisé par le premier sommet des dirigeants des deux pays en plus de six décennies.

À propos de calculs, l’administration américaine ne doit pas en manquer dans une conjoncture géopolitique marquée par des tensions extrêmes avec la Russie, des divergences avec l’Union européenne et des différends économiques profonds avec la Chine, principal soutien de Pyongyang.

Il est peut-être trop tôt pour cerner les enjeux géostratégiques de la décision de Donald Trump de renoncer à rencontrer Kim Jong-Un, mais pour la dénonciation de l’accord conclu avec l’Iran, c’est déjà fait et ce sont ses alliés européens qui ont vendu la mèche : neutraliser l’exploitation des énormes réserves de gaz iraniennes, grâce aux sanctions sur le nucléaire, afin que le GNL américain puisse atteindre l’Europe plus facilement, sans concurrents. Voilà une autre facette du style Trump : business is business.

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