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Justice : Zeghmati critique l’obligation de traduire les documents en langues étrangères

Justice : Zeghmati critique l’obligation de traduire les documents en langues étrangères

Le ministre de la Justice, Garde des sceaux Belkacem Zeghmati a présenté samedi à Alger les principaux axes de la feuille de route du secteur de la Justice dans le cadre du Plan d’action du Gouvernement.

Cette feuille de route vise « l’amélioration de la qualité et du rendement de l’action judiciaire » ainsi que la « préservation de l’indépendance et l’intégrité du magistrat », rapporte l’agence officielle.

M. Zeghmati a présenté le plan d’action de son département dans une allocution à l’occasion de l’ouverture des travaux de la réunion des présidents et des commissaires d’État près les tribunaux administratifs.

Dans ce cadre, le Garde des sceaux a affirmé que cette feuille de route ambitionnait d’améliorer la qualité et le rendement de l’action judiciaire à travers une révision du système de recrutement et de formation des magistrats prenant en ligne de compte à la fois le lourd héritage du passé, et une vision prospective concernant les exigences renouvelées pour une justice de qualité protégeant les droits et mettant fin à l’abus sous toutes ses formes, selon la même source.

« La classification des juridictions et la révision de la cartographie judiciaire » sont également au cœur de cette feuille de route, étant, poursuit le ministre, « une préoccupation majeure au vu de ce qu’elle sous-tend en terme de rationalisation de l’utilisation de la ressource humaine (magistrats, greffiers, corps communs) en mettant un terme aux dépenses inutiles ».

M. Zeghmati a expliqué que « la révision du statut de la magistrature, de la loi régissant le Conseil supérieur de la magistrature (CSM), et de la charte de déontologie sont l’autre facette de notre vision pour le secteur ».

Le ministre a ajouté que la feuille de route de son secteur prévoit dans ce volet « la création de mécanismes devant préserver l’indépendance et l’intégrité du magistrat tout en lui en reconnaissant sa position sociale ». « Même si l’indépendance de la justice préserve le magistrat de nombre d’entraves, il existe d’autres obstacles issus de l’arsenal législatif qui entravent la concrétisation d’une justice de qualité ».

Par ailleurs, le ministre de la Justice a fait état de la révision de plusieurs textes de loi, notamment le Code de procédure civile et administrative, rappelant avoir présidé « le 10 mars en cours l’installation de plusieurs ateliers dont celui chargé de la révision de ce Code, disposant des prérogatives de proposer tout ce qu’il juge approprié ».

Il a indiqué avoir demandé aux présidents des ateliers « de réaliser le travail requis à partir de la réalité algérienne en tirant profit des expériences d’autres pays et du droit comparé avec ses divers systèmes », outre « l’impératif d’élargir la concertation pour englober les métiers du droit, les partenaires de justice, les universitaires et les institutions pertinentes ». Le ministre a exprimé, dans ce cadre, son ouverture à « toute contribution ».

Soulignant l’importance de la révision de ce Code, M. Zeghmati a indiqué que « les statistiques pour la période 2015-2019 confirment que le taux des actions déclarées irrecevables en la forme et le rejet des actions au fond s’élèvent à 50,64% (30776 actions). Les jugements rendus avant dire droit au fond s’élèvent à 14,21% (8634 actions), portant ainsi le taux des jugements rendus au fond à 35,15 %, ce qui est un taux très faible ».

Après avoir salué « la conscience de nombreux magistrats ayant appelé à la révision de ce Code dans ses aspects relatifs aux procédures (de forme) donnant lieu à des jugements déclarant les actions irrecevables », le ministre a affirmé « qu’il partage également cet avis ».

Il a expliqué, à ce propos, que « l’obligation de traduire les documents établis en langues étrangères est une mesure contradictoire avec la réalité algérienne d’autant que les institutions publiques continuent à délivrer des documents en langues étrangères », s’interrogeant sur « la logique d’obliger le citoyen, en conflit avec l’administration, de traduire des documents établis par cette dernière. En outre, « la traduction de plusieurs documents dans certaines affaires coûtent des frais inappropriés et contradictoire avec le principe de gratuité de la justice ».

« Numérisation du dossier juridique »

Concernant les tribunaux administratifs, le secteur compte, dans le cadre de sa feuille de route, assurer une « large modernisation des outils de gestion », « la numérisation du dossier juridique étant placée en priorité », d’où l’appel du ministère à l’adresse des présidents et commissaires d’État près les tribunaux administratifs à évaluer le processus de modernisation de l’action judiciaire au niveau des tribunaux administratifs en prévision de la généralisation de l’opération ».

« Il ne s’agit pas d’introduire des fonctions ou de nouveaux mécanismes partiels dans la gestion du dossier judiciaire, mais de mettre en place un système intégré qui tienne compte de toutes les exigences du magistrat, des justiciables, de la défense et de l’administration judiciaire, conformément à une vision élaborée en coordination avec les services techniques du ministère, englobant les différents degrés de juridictions », a-t-il soutenu, ajoutant que cette vision « tient compte du développement des pratiques utilisées de par le monde en fonction des outils technologiques disponibles ».

Dans ce sens, M. Zeghmati a demandé aux participants de se « préparer pour cette étape », arguant « nous comptons sur votre ferme engagement et votre conviction de l’importance de cette démarche ».

La Constitution « a jeté les fondements d’un État social, de par les avantages et les aides publiques qu’il offre et les projets d’utilité publique », estimant que « la réalisation d’un équilibre entre les parties en litige (administration et citoyen) n’exige en aucun cas la négligence ou un manque de vigilance pour protéger l’intérêt général dans le cadre de la loi ». « Il est demandé du juge administratif de contribuer à la préservation de l’État social y compris la protection de l’intérêt du citoyen », a-t-il ajouté.

Parmi les volets de protection de l’État social « la contribution à la lutte contre la corruption dans le cadre des mécanismes garantis par la loi », rappelant avoir déjà affirmé, depuis août 2019, qu’il est inutile de nier le phénomène de corruption qui frappe nos administrations et entreprises publiques qui a altéré sa réputation et celle de ses fonctionnaires, et impacté son efficacité et fait perdre la confiance du citoyen ».

Il a précisé, dans le même cadre, que dans la conjoncture que traverse notre pays, une grande responsabilité incombait à la justice administrative pour contribuer sérieusement à la lutte contre ce phénomène abject en dénonçant et en frappant de nullité les décisions illégales conformément à la loi et en toute neutralité et indépendance, a-t-il souligné.

Le ministre a, dans ce cadre, salué la proposition de renforcement des prérogatives du commissaire d’État en lui conférant le pouvoir de saisir le parquet concernant les crimes de corruption », précisant que cette question sera examinée lors de l’atelier consacré à l’amendement du Code de procédure civile et administrative, au même titre que « la possibilité de conférer au commissaire d’État le pouvoir de faire appel de décisions, notamment lorsqu’il relève un manque d’intérêt et de sérieux de la part du représentant de l’administration en charge de la gestion du litige dans l’usage des voies de recours ».

Une étude réalisée par le Conseil d’État et le Centre de recherche juridique et judiciaire a fait ressort de graves dysfonctionnements en la matière, a-t-il dit.

Évoquant la justice administrative, le Garde des sceaux a mis en avant son importance dans le système constitutionnel algérien, rappelant, dans ce cadre, que l’article 161 de la loi fondamentale lui conférait le pouvoir de « connaître des recours à l’encontre des actes des autorités administratives ».

Dès lors que le litige administratif oppose une partie forte, l’administration, et une partie faible, le citoyen, « la justice administrative demeure l’ultime recours pour cette partie faible », d’autant que « la plupart des recours restent sans suite en raison de l’inaction de l’administration », a soutenu M. Zeghmati.

La programmation de cette rencontre avec les présidents et commissaires d’État près des tribunaux administratifs s’inscrit dans le cadre de la promotion de la justice administrative, de l’amélioration de la qualité de l’action judiciaire, du développement de l’arsenal juridique et de la modernisation des instruments de gestion, dont la numérisation des procédures judiciaires, a-t-il conclu.

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