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« La Banque d’Algérie a contribué bêtement à déprécier le dinar »

« La Banque d’Algérie a contribué bêtement à déprécier le dinar »

TSA

Badreddine Nouioua est ancien gouverneur de la Banque d’Algérie. Il vient de publier aux éditions Casbah à Alger, « Le dinar algérien, passé et présent ». Entretien.

Le dinar algérien fait parler de lui ces derniers temps. Il perd sa valeur face à d’autres monnaies. L’Algérie a-t-elle une monnaie faible ?

Nous avions un certain temps une monnaie stable. C’était le cas entre 1964, date de la création du dinar, et 1989. La Banque centrale a veillé à ce que la monnaie soit stable. Cela a évité à l’Algérie de connaître une inflation incontrôlée malgré le financement qu’elle accordait directement au trésor public.

Dans toute économie, il est indispensable d’avoir une monnaie stable. C’est l’objectif essentiel fixé à toutes les banques centrales y compris celles des grands pays occidentaux qui ont une monnaie négociée sur les marchés internationaux.

Pourquoi justement le dinar algérien n’est pas convertible ?

Notre monnaie n’est pas convertible pour que nous ayons le moyen de la contrôler. Le FMI recommande, à chaque fois, sans distinction et sans chercher à savoir la situation réelle du pays et ses caractéristiques, de dévaluer la monnaie. Cela fait perdre la valeur de la monnaie et contribue à appauvrir davantage la population et à créer d’autres problèmes.

En ce moment, la Banque d’Algérie, qui va être obligée de financer le Trésor public, doit veiller à la stabilité du dinar vis-à-vis des monnaies extérieures. L’instabilité de la monnaie provoque un renchérissement de toutes les importations.

Cela risque de provoquer aussi une fuite du dinar vers l’étranger du fait de la perte de confiance en la monnaie par la population. Ce qui est grave. Il est donc indispensable pour la Banque d’Algérie de veiller à la stabilité du dinar. En 2000, un dollar valait 75 dinars algériens. Aujourd’hui, un dollar vaut 115 dinars.

Quelles sont les raisons de cette perte de valeur ?

La Banque d’Algérie a contribué bêtement à déprécier le dinar. On voit aujourd’hui le résultat. Est-ce que cela a apporté quelque chose ? Quand on déprécie une monnaie, c’est pour encourager les exportations et attirer les capitaux étrangers. Nous n’avons pas de produits à exporter et nous n’avons pas attiré de capitaux étrangers. Par contre, le dinar a perdu sa valeur inutilement et sans aucun profit pour l’économie algérienne.

D’où la question : pourquoi la Banque d’Algérie a-t-elle décidé de déprécier le dinar ?

La Banque d’Algérie a suivi les recommandations du FMI pour, soi-disant, assurer un certain équilibre et préserver la compétitivité de l’Algérie. Mais quelle compétitivité ? Pour exporter ? Encore une fois, nous n’avons rien à vendre à l’étranger en dehors du pétrole et du gaz.

Il faut d’abord commencer par encourager la production intérieure. Après, on peut penser à rendre le dinar compétitif. De toute façon, nos produits ne sont pas compétitifs à cause de leur qualité et de leur prix, pas à cause de la valeur du dinar, de la monnaie. On cite souvent l’exemple de Mercedes. Quelle que soit la valeur de l’euro, les Mercedes allemandes se vendent toujours bien parce que la qualité est bonne.

Est-ce que le dinar algérien sera un jour convertible ?

Il ne peut pas être convertible parce qu’il y a le contrôle des changes qui pose des restrictions énormes et qui prive les Algériens. Le contrôle des changes a été assoupli en ce concerne les importations. À l’heure actuelle, n’importe quel commerçant, même s’il est escroc – et ils sont nombreux – qui importe de la marchandise peut disposer de la quantité de devises qu’il veut. Cela contribue à transférer les devises à l’étranger.

Par contre, un citoyen qui veut envoyer un malade pour soins à l’étranger ne bénéfice de rien du tout. C’est cela le paradoxe du contrôle de change qui n’est pas appliqué avec justesse. Il faudra l’assouplir dans certains domaines et le renforcer dans d’autres. Ce n’est pas le cas aujourd’hui.

Le gouvernement veut recourir à la planche à billets (financement non conventionnel). Est-ce une solution ?

Pour que cela soit une solution, il faut poser des limites. Il faut qu’on sache dès le début, combien la Banque d’Algérie va-t-elle tirer comme billets durant les cinq ans. Il faut aussi que l’argent qu’émet la banque centrale en faveur du trésor soit utilisé à bon escient, c’est-à-dire dans des projets productifs, créateurs de richesses.

Malheureusement, cela risque de ne pas être le cas. Le risque serait qu’on utilise l’argent créé à couvrir les déficits engendrés par le gaspillage qui se fait au niveau de toutes les institutions publiques. Maintenant, il est difficile de prévoir ce qui va se passer tant que le gouvernement n’a pas indiqué d’une manière précise ce qu’il compte obtenir de la Banque d’Algérie, la quantité de monnaie qu’il veut avoir et comment il va l’utiliser.

Il y a aussi le risque d’inflation…

Le risque de l’inflation est là lorsqu’on crée de la monnaie sans contrepartie. Si la création de la monnaie est accompagnée d’une contrepartie bénéfique à l’économie algérienne, on limite le risque d’inflation. Ce que j’espère est qu’on prenne des mesures pour qu’on n’utilise pas l’argent émet par la Banque d’Algérie n’importe comment, comme cela a été le cas par le passé.

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