Économie

La datte algérienne s’exporte mal : Ali Bey Nasri explique les raisons

Ali Bey Nasri est le président de l’Association nationale des exportateurs algériens (Anexal). Dans cet entretien, il explique pourquoi la datte algérienne ne s’exporte pas bien.

Quel est l’état de la filière dattes en Algérie ?  

Ali Bey Nasri : La filière se porte bien.  En 2019, nous avons exporté 58 000 tonnes de dattes pour une valeur de 63 millions de dollars. Nous sommes en progression constante, puisque nous avons multiplié par 3 le chiffre en six ans. L’Algérie est le 3e producteur mondial de dattes, après l’Égypte (1,5 million de tonnes) et l’Iran. La production algérienne tourne autour d’un million à 1,15 million de tonnes/an. Nous en exportons environ 5 à 6 %. La Tunisie exporte, elle, 40 % de sa production qui est d’environ 350 000 tonnes annuelles.

Pourquoi la datte algérienne s’exporte-t-elle si mal ?

Le problème de la datte algérienne je le situe autrement. Le prix de la tonne de datte algérienne est d’environ 1 200 dollars contre 2 400 dollars pour la tonne de la datte tunisienne. On dit que nous produisons une datte de qualité. Mais lorsqu’on examine le prix on s’aperçoit qu’on n’exporte pas les meilleures qualités de dattes. À mon avis, on n’a pas construit une stratégie de marchés de niche. On a bien mis en place un label « Deglet Nour » mais qui n’existe pas sur le terrain alors que c’est un facteur de valorisation et d’identification de la datte algérienne. Ce qui m’amène à dire que la valorisation de la qualité de la datte algérienne n’a pas été faite. Il n’est pas normal que la datte tunisienne coûte le double de la datte algérienne. Fondamentalement, le problème de la datte algérienne est agricole. Le protocole phytosanitaire n’est pas maîtrisé. L’amélioration en amont de la qualité de la datte est impérative.

Que faut-il faire pour faire que la datte algérienne s’exporte mieux ?  

Nous ne sommes qu’au début d’un processus d’apprentissage d’exportation de la datte à l’international. Il y a une vingtaine d’années, l’Algérie exportait 90 % de sa production vers la France. Il y a 3 ou 4 ans, nous étions à 52-60 %. Actuellement, le taux a régressé à 31 %. Cela signifie que le marché français ne représente plus pour nous ce qu’il était par le passé. Tout simplement parce que des opérateurs algériens ont découvert des marchés en Chine, au Canada, aux États-Unis d’Amérique, au Moyen-Orient et dans d’autres pays d’Europe orientale et d’Amérique latine. Nous avons ainsi diversifié nos destinations. J’ai personnellement vu des emballages de dattes algériennes au Sénégal, un pays vers lequel la France réexportait autrefois la datte achetée d’Algérie. Petit à petit des opérateurs algériens se sont installés dans ce pays africain.

Comment expliquez-vous qu’une bonne partie de la datte algérienne soit réexportée par la Tunisie sous label tunisien ?  

Officiellement, la date algérienne est interdite sur le sol tunisien. Elle est déclarée comme étant contaminée par ce qu’on appelle le bayoudh. Par conséquent, les dattes algériennes qu’on retrouve en Tunisie le sont par la voie informelle. Maintenant, il est à se demander sous quelle forme ces dattes sont « exportées » de façon informelle vers la Tunisie. D’autre part, le commerce de réexportation est un phénomène mondial, c’est une pratique courante. Nous recevons des bananes à travers des traders et des négociants, même chose pour le sucre et le cacao, etc. L’Algérie achète le coton malien de France parce que les négociants sont en France. Tout cela pour dire que le commerce de la réexportation est reconnu mondialement. Pour revenir à votre question, il s’agit de voir en amont les causes de tout cela.

La pandémie de Covid a-t-elle impacté les exportations algériennes de dattes ?   

Oui. Beaucoup même à tel point qu’actuellement les chambres froides regorgent du stock de l’année dernière. Avec des chambres froides pleines et une récolte qui est à son summum, une crise très importante va voir le jour au sein de la filière dattes. L’État doit absolument intervenir immédiatement à travers les différents ministères (commerce, agriculture, transports…) pour voir comment éviter son effondrement.

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