Économie

La réduction fragile du déficit commercial en 2018 cache des tendances préoccupantes

Les résultats du commerce extérieur pour l’ensemble de l’année 2018 ont enfin été rendus publics par les douanes algériennes. Ils confirment la réduction sensible du déficit commercial. C’est sur cet aspect de nos échanges extérieurs que la communication officielle a choisi d’insister.

Cette bonne nouvelle s’ajoute à l’augmentation des exportations pétrolières et à celle des exportations hors-hydrocarbures. Elle masque en revanche des tendances nettement plus préoccupantes qui sont liées essentiellement à l’absence de réduction des importations et sans doute plus encore à la composition de ces importations.

Un déficit commercial réduit de moitié

En 2018, le déficit commercial n’est plus que de 5 milliards de dollars. C’est beaucoup mieux que les 11 milliards de milliards de déficit enregistrés l’année dernière ou le record de plus de 17 milliards de 2016.

On doit cependant noter que ce qui apparaît depuis 2 ans comme un processus de rétablissement de l’équilibre de la balance commerciale est en réalité imputable essentiellement à l’augmentation des recettes pétrolières.

En effet, si en 2018 les exportations ont grimpé à 41 milliards de dollars contre 35 milliards en 2017, c’est grâce aux hydrocarbures. Ils ont encore représenté l’essentiel des ventes algériennes à l’étranger en s’établissant à 38,3 milliards de dollars contre 33,2 milliards en 2017, en hausse de plus de 15%.

La « performance » globale de nos exportations en 2018 souligne donc la fragilité du résultat obtenu en matière de réduction du déficit commercial. Il est dû pour l’essentiel  à la bonne tenue du pétrole en 2018 avec un cours moyen du baril qui a atteint 72 dollars l’année dernière, selon des chiffres communiqués récemment par le ministère des Finances.

Des exportations « hors hydrocarbures » en forte hausse

Au chapitre des bonnes nouvelles, les exportations hors-hydrocarbures sont en hausse de plus de 47%. Elles se sont rapprochées de la barre symbolique des 3 milliards de dollars. Elles représentent désormais près de 7% de nos exportations globales.

Un bémol cependant à propos du contenu de ces exportations « hors-hydrocarbures ». Les responsables de l’association des exportateurs algériens (Anexal) ne manquent pratiquement aucune occasion de souligner que la plus grande partie est en réalité constituée de dérivés des hydrocarbures comme les engrais ou les produits de la pétrochimie.

Cela a été encore le cas en 2018 avec des « demi-produits » qui constituent, selon les Douanes algériennes, plus de 80% des exportations hors-hydrocarbures tandis que les exportations de produits alimentaires, qui sont proches de 400 millions de dollars en fin d’année, comptent pour un peu plus de 13%. Les exportations de biens de consommation non alimentaires (produits électroménagers notamment) sont en hausse très sensible mais ne représentent encore que le montant peu significatif de 33 millions de dollars en 2018.

Les importations font de la résistance

Dans la colonne des mauvaises nouvelles, on doit d’abord inscrire la résistance des importations qui accusent encore une toute petite hausse de 0,3%. Elles se sont élevées à un peu plus de 46 milliards de dollars en 2018. En dépit de la mise en place de dispositifs administratifs très lourds, les importations ne diminuent pratiquement plus depuis 2 ans. Elles avaient atteint 47 milliards de dollars en 2016 et 46 milliards en 2017.

Mais l’évolution du contenu des importations constitue sans doute un motif d’inquiétude plus important que leur montant. Les Douanes relèvent en effet de nouveau une hausse quasi générale des importations de biens de consommation tandis que les importations de biens d’équipement ont encore été en diminution sensible au cours de l’année dernière.

Biens de consommation en hausse…

Si la facture des produits alimentaires est en augmentation de seulement 1,6%, les importations des produits alimentaires à l’état brut augmentent de 24%. La facture alimentaire globale est proche de 8,6 milliards de dollars en fin d’année.

De leur côté, les biens de consommation non alimentaires ont été importés pour le montant record de 9,75 milliards de dollars. Ils sont en hausse de près de 15% sur un an en dépit des mesure d’interdiction qui ont frappé cette année beaucoup de ces produits à l’image notamment des téléphones portables.

…Et biens d’équipement en baisse

C’est la tendance inverse qui est confirmée pour les produits destinés à l’investissement. Les biens d’équipements industriels ont été importés pour 13,4 milliards de dollars en 2018, en baisse de 4% selon les Douanes. Les importations de biens d’équipement agricole reculent également de près de 8%.

Cette évolution préoccupante du contenu de nos importations date déjà de plusieurs années. Elle avait été relevée officiellement pour la première fois en octobre dernier par la Banque d’Algérie.

Les chiffres mentionnés par la Banque d’Algérie sont impressionnants. Ils indiquent que les importations de biens d’équipements industriels avaient déjà baissé très sensiblement entre 2014 et 2017  en « passant de 9,2 milliards de dollars au second semestre de 2014 à 6,3 milliards au second semestre de 2017 ». Une baisse de pas moins de 31% en 3 ans

Selon la Banque d’Algérie, cette chute considérable s’est poursuivie en 2018. Elle mentionne une baisse sensiblement plus importante que celle relevée par les douanes, avec « des importations de biens d’équipement industriels nécessaires à l’investissement qui ont encore reculé au premier semestre de 2018 de près de 14,5 %, par rapport au second semestre de 2017 ».

L’institution dirigée par Mohamed Loukal épinglait au passage le reclassement par les douanes des importations de CKD dans la catégorie des « biens d’équipement industriels ».

Fournisseurs : la Chine en tête, forte progression de la Turquie et de l’Argentine

En 2018, la Chine pointe encore en tête de nos fournisseurs avec près de 8 milliards de dollars de marchandises vendues à notre pays. Sa part de marché est néanmoins en baisse de près de 6%.

La France occupe la deuxième position avec près de 5 milliards de dollars d’exportations vers l’Algérie et une part de marché en progression de plus de 11%.

De nouveaux partenaires commerciaux se rapprochent du top 5 de nos fournisseurs. Il s’agit de la Turquie dont la part de marché est en progression de 15% mais également de l’Argentine qui progresse de près de 25% et exporte désormais près de 2 milliards de dollars de marchandises vers notre pays.


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