search-form-close
L’Algérie atteint une autosuffisance fragile en ail

L’Algérie atteint une autosuffisance fragile en ail

Avec une production estimée à 1,4 million de quintaux, l’Algérie devient autosuffisante en ail. Un succès qui intervient après celui de la tomate de conserve.

Une bonne nouvelle qui fait suite à une mauvaise récolte de céréales après la sécheresse de cette année. Cette réussite est à rapprocher de la décision prise en 2017 de ne plus recourir aux importations de l’ail.

C’est Mohamed El Hadi Sakhri, directeur des productions végétales au ministère de l’Agriculture et du Développement rural qui l’a confirmé à la mi-juin lors d’un entretien accordé à Echourrouk TV.

« Dans un passé pas si lointain, l’Algérie importait plus de 30.000 tonnes d’ail. Aujourd’hui avec une production de 1,4 million de quintaux en hausse de 400.00 quintaux, le pays a atteint l’autosuffisance », a-t-il dit. Non seulement, l’Algérie produit suffisamment d’ail pour son marché intérieur, mais elle compte même exporter l’excédent. M. Sakhri a assuré en effet de l’approvisionnement du marché et « qu’une partie devrait être stockée et le surplus exporté ».

Ail : l’Algérie change de statut

Au niveau de la zone d’activité de Draâ Ben Khedda (Tizi-Ouzou), un camion semi-remorque chargé à ras bord de bottes d’ail est stationné dans la cour des établissements Yaker dont la chaîne Web TV Hacène Zizi a consacré un reportage.

L’entreprise est spécialisée dans la conservation des produits agricoles en chambre froide. Juchés sur le camion, des ouvriers empilent les bottes d’ail sur des palettes de bois disposées au même niveau que la remorque. Un chariot élévateur emmène ensuite les palettes pleines sous un immense hangar.

Avant d’être mises en chambre froide, les gousses d’ail doivent être détachées de leur tige et nettoyées de divers débris.

Sous le hangar une vingtaine d’ouvrières armées de sécateurs s’affairent au niveau de tables disposées le long des murs. Sur un des murs une enseigne : espace de triage. L’installation est sommaire, les tables sont constituées de simples planches posées sur des caisses.

Avec des gestes cent fois répétés, les ouvrières détachent les gousses de leur tige. Un ouvrier vient régulièrement les approvisionner en bottes d’ail et enlever les caisses remplies de gousses d’ail. Un ail aux reflets roses particulièrement apprécié des consommateurs.

Ce sont ces caisses disposées sur des palettes qui seront ensuite stockées dans les chambres froides. L’espace ne manque pas. Avec 7.400 m3 de stockage, l’ail mais aussi des pommes de terre sont régulièrement mises en réserve par les établissements Yaker.

Sous le hangar de triage, en milieu de journée, la chaleur est accablante. Une dizaine de ventilateurs de grande taille ont été installés sur les murs et au plafond.

Une partie des ouvrières préparent l’ail pour la vente directe. À l’aide d’un ruban, elles réunissent une quinzaine de gousses encore munies de leur tige.

Quelques coups habiles de sécateur et une nouvelle botte est formée. Une étiquette complète le packaging, on peut y lire différentes mentions : Complexe frigorifique Yaker, Ail de qualité supérieure ou encore Production algérienne. Ces bottes approvisionneront le marché de détail et les grandes surfaces.

Une main d’œuvre constituée de subsahariens

À Teleghma dans la wilaya de Mila, la même opération se déroule, mais cette fois-ci en plein air. Au niveau d’un immense terrain entouré de murs en parpaing sont dispersées des dizaines de palettes remplies d’ail. Trois immenses hangars occupent le fonds du terrain.

Ici, pas de main d’œuvre féminine, mais de jeunes hommes dont une grande partie de Subsahariens. Ils s’affairent à détacher les gousses de leur tige. Les gestes sont nets et précis, certains ouvriers sont munis de gants, mais casquette et chapeaux sont de rigueur.

Lunette de soleil et polo à rayures, Farid le jeune propriétaire des lieux confie à Filaha TV : « Les bottes d’ail sont mises à sécher une vingtaine de jours avant d’être séparées de leur tige ».

D’un geste, il montre comment les gousses à l’état brut doivent être ensuite séparées de la terre qui adhère encore ainsi que divers débris. Comme à Draâ Ben Khedda, les opérations de nettoyage des gousses sont manuelles.

Il existe bien à l’étranger des machines avec un tapis roulant munis de doigts en caoutchouc pour effectuer cette tâche, mais elles restent encore peu connues en Algérie.

Au marché, spéculation sur l’ail

Il indique employer jusqu’à 150 ouvriers. Une fois les gousses nettoyées, les caisses d’ail sont mises en chambres froides dans le cadre de contrats passés avec l’Office national interprofessionnel des légumes et de la viande (Onilev).

En 2020, au niveau de la wilaya, il n’y avait qu’un seul entrepôt frigorifique contre trois l’année suivante. Les propriétaires des entrepôts reçoivent une prime de 5 DA par mois pour chaque kilo stocké.

Sur le marché de gros de Teleghma, les allées sont occupées par des alignements de camions et de camionnettes bâchées chargées d’ail. Un ail proposé à la vente en bottes ou en gousses.

À côté de sa camionnette, au milieu d’un groupe de curieux, un agriculteur est mécontent : « Ils nous proposent d’acheter à 10 DA le kilo alors qu’il y a quelques jours il était à 14 DA. Ils essaient de nous casser. À ce prix, on ne rentre pas dans nos frais ».

Il ajoute en montrant son chargement : « Tout a augmenté. Cette caisse de plastique là, avant elle coûtait 20 DA, on l’achète maintenant à 100 DA ».

Fédérer les producteurs d’ail autour d’une coopérative

Mohamed Djazy est un des responsables de la coopérative locale. Il confie à Filaha TV: « J’ai été à l’origine de la création d’une coopérative multiservices. On propose aux agriculteurs qu’ils procèdent à leur récolte et de vendre leurs produits de façon groupée au nom de la coopérative. Mais chacun veux commercialiser tout seul sa production. Ils n’ont pas encore l’esprit de la coopérative ».

Un adage paysan dit : « La coopérative est fille de la misère ». Seule la misère serait à même d’ouvrir les yeux des agriculteurs sur les avantages qu’ils ont à travailler ensemble.

Mohamed Djazy poursuit : « La coopérative, c’est elle qui protège le fellah des variations de prix du marché. Puis, s’il veut exporter sa production, importer des semences ou acheter des engrais et des produits phytosanitaires, la coopérative est là pour l’aider. On peut même s’occuper des formalités pour l’obtention d’un prêt de campagne de type RFIG ».

Dans la région de Biskra, nombreux sont les grainetiers qui fournissent à crédit semences, engrais et produits phytosanitaires aux agriculteurs produisant des légumes sous serres. Des universitaires ont montré que lorsqu’ils sont en position dominante pour un produit très recherché, leur marge peut être de 500 %.

Des charges de culture en augmentation

Debout au milieu de son champ, Mohamed Djazy détaille ses charges de culture : « Elles atteignent 1,5 à 1,6 million DA par hectare. Et c’est sans compter la récolte, car dans ce cas, il faut ajouter 250.000 à 300.000 DA ».

Dans le champ, l’ail à récolter s’étend à perte de vue. Fini le temps ou la culture de l’ail se pratiquait dans un potager à côté d’un carré de tomate et un autre de courgette.

Aujourd’hui la demande des villes est telle que les agriculteurs cultivent chacun plusieurs hectares d’ail. Cette spécialisation fait d’eux des entrepreneurs avec équipement en matériel de semis, kit d’irrigation et camionnette. Pour éviter le retour trop fréquent de l’ail sur une même parcelle, ils n’hésitent pas à louer des terres.

Si pour semer, ils ont pu mécaniser l’opération en se procurant des semoirs spécifiques, la plus grande partie des opérations de récolte restent manuelles.

Avec plusieurs centaines d’hectares d’ail dans la région, la tâche est immense. Une fois les plants d’ail déterrés par un tracteur tirant une lame d’acier, le reste des opérations est manuel.

En un mouvement tournant de la main, il faut arracher les racines et la terre restée accrochée à la gousse, lier les plants en bottes puis les rassembler en bout de champs.

Une fois les bottes d’ail sèches, elles sont rassemblées en de longs andains dans une cour de ferme puis des équipes d’ouvriers se chargent durant plusieurs jours de détacher les gousses des tiges.

Les ouvriers sont payés à la tâche

À l’étranger, il existe des machines qui déterrent les plants d’ail et les lient en bottes tandis que d’autres nettoient les gousses et les classent selon leur taille. « Les engins de récolte coûtent cher », confie Mohamed Djazzy qui ajoute : « Il faudrait qu’on puisse les acheter à crédit dans le cadre d’un prêt bancaire de type Rfig et qu’on rembourse progressivement ».

Il revient sur la question des frais de culture et de stockage de l’ail en Algérie : « Les charges ont été multipliées par 3. Ce qu’on achetait à 100 da coûte aujourd’hui 300. Le stockage, ce n’est pas l’agriculteur mais le commerçant qui en a les moyens. Il n’y a que 2 à 3 % des agriculteurs qui stockent, la norme devrait être de 30-40 % ».

Ail : une autosuffisance qui reste fragile

Après la tomate en conserve, l’Algérie devient autosuffisante en ail. Face à la surproduction, des producteurs demandent que les surplus soient exportés.

La production d’ail se déroule dans un contexte de hausse des charges, manque d’eau et de main d’œuvre. Sans les migrants subsahariens, en l’état des choses, la récolte de l’ail ne pourrait pas être assurée.

Quant à l’irrigation, nombre de producteurs de tomates ou d’oignons restent sujets à des coupures d’eau comme récemment à Tiaret suite à un problème technique selon l’Office national d’irrigation et de drainage (Onid). Malgré l’arrêt des importations, le succès de la filière ail reste fragile.

SUR LE MÊME SUJET :

Souakri veut exporter des tomates cerise algériennes vers la Russie

  • Les derniers articles

close