Économie

L’Algérie met le cap sur la culture du tournesol

Avec le développement local d’usines de trituration dont celle de Cevital, l’Algérie ambitionne de produire une partie des oléagineux transformés localement. L’objectif est de réduire de 30 à 40 % des importations annuelles de l’ordre d’un milliard de dollars, et de produire ses propres huiles de table.

Après avoir misé durant deux ans sur le colza, les services agricoles algériens encouragent désormais la culture du tournesol. L’objectif est de cultiver 45.000 hectares durant la campagne agricole en cours. Un programme ambitieux dans la mesure où actuellement les surfaces en tournesol sont insignifiantes.

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Algérie : priorité au tournesol

L’industrie locale est longtemps restée cantonnée au seul raffinage d’huile brute importée. Avec le développement d’usines de trituration des graines oléagineuses en Algérie, le secteur des oléagineux connaît un nouvel essor.

Le département américain de l’agriculture (USDA) note que les importations de soja sont passées de moins de 150 000 tonnes en 2017/2018 à plus de 550 000 tonnes en 2019/2020.

Après l’unité de trituration de AGC-SIM d’El Hamoule entrée en production en 2020, c’est celle de Cevital qui devrait être opérationnelle en avril. Sur le chantier situé au niveau du port, les équipes s’affairent 24h sur 24. Dans une déclaration à l’agence APS, Ouazene Zahir, un des responsables du projet, indique que l’usine aura la capacité de triturer quotidiennement 11.000 tonnes de soja, 6.000 tonnes de tournesol et 5.000 tonnes de colza.

Enfin, au niveau du port de Djen Djen (Jijel), l’usine de trituration du groupe public Madar devrait entrer en production fin 2023.

Cette activité devrait s’accompagner de la production de co-produits. Les tourteaux ainsi produits devraient permettre la fabrication d’aliments pour bétail. Les volumes importés ont été réduits de 1,51 million de tonnes en 2018 à 1,14 million de tonnes en 2019.

Culture du tournesol en Algérie : un programme ambitieux

Les services agricoles ont répertorié les surfaces susceptibles d’être cultivées en tournesol. Selon Mohamed El Hadi Sakhri, responsable des productions végétales au ministère de l’Agriculture, les 45.000 hectares de tournesol envisagés pourraient trouver place au niveau des 600.000 hectares de jachère.

C’est lors d’une récente rencontre organisée avec la Chambre nationale d’agriculture que Mohamed El Hadi Sakhri a présenté les grandes lignes du programme tournesol et notamment son dispositif financier.

Ce dispositif prévoit l’attribution de primes : 3.000 DA par quintal aux agriculteurs, 500 DA par quintal aux unités de transformation disposant d’un contrat avec les producteurs et enfin 200 DA par quintal aux Coopératives des céréales des légumes secs (CCLS).

Tournesol : une culture rustique

Le tournesol n’est pas une culture totalement inconnue en Algérie. Des essais ont été réalisés à la fin des années 1970 avec des rendements honorables, malgré les dégâts occasionnés par les oiseaux.

Déjà cultivé au Maghreb, le tournesol a un potentiel de rendement de 15 à 20 quintaux par hectare. Encore faut-il qu’il puisse bénéficier d’une pluviométrie annuelle de 400 mm. Le tournesol devrait permettre de diversifier les cultures en Algérie. Trop d’exploitations souffrent encore de la monoculture des céréales et des parasites associés à ces cultures.

Le tournesol présente cependant des handicaps. Semée à la fin de l’hiver, la floraison intervient au printemps avec le risque que les pluies soient insuffisantes. Ce qui oblige à lui réserver les meilleures terres. Et comme la plante dispose de profondes racines, le labour est indispensable, enfin en sol calcaire, un apport de bore est recommandé.

Pour éviter toute concurrence entre les plants, un semoir monograin est indispensable. De la même façon, à la récolte, une barre de coupe spécifique doit être installée sur les moissonneuses-batteuses à céréales.

Ne pas disposer à temps de ce matériel, c’est exposer la récolte à l’appétit vorace des oiseaux qui raffolent de ce type de graines. Enfin, en cas d’irrigation, l’apport d’eau doit être positionné de telle façon à ne pas favoriser le développement des feuilles au détriment des fleurs et de leurs graines.

Algérie : échec prématuré de la culture du colza

Bien que rustique, la culture du tournesol nécessite donc un savoir-faire. Non prises en compte, ces particularités peuvent amener à de graves déconvenues telles celles qu’ont connues des producteurs de colza.

En 2020, lors du démarrage du programme colza, des opérateurs privés ont été autorisés à importer des semences de colza. Des semences notamment en provenance de la multinationale Basf et du groupe français Lidea.

Si lors de la première année, les résultats obtenus ont été honorables, l’année suivante a été marquée par le scandale de semences de colza présumées non conformes. Un problème qui a concerné les semences de marque Lidea. Cet incident est survenu dans un contexte marqué par des importations de blé impropres à la consommation et qui en 2020 avaient abouti à la démission du directeur général de l’OAIC.

De façon étonnante, les semences de colza en question ont abouti à des parcelles non récoltables alors que d’autres parcelles semées à des dates différentes ont obtenu des rendements honorables. Le ministère de l’Agriculture et du Développement rural avait dû mettre sur pied une commission d’enquête.

Autre déconvenue à l’été 2022 : l’échauffement des sacs de type big-bag contenant une partie du colza récolté. En l’absence de ventilation, la respiration naturelle des graines de colza avait provoqué une augmentation de la température des sacs. Jusqu’à 40°C dans certains cas.

Enfin, si pour les céréales, l’existence de 460 moulins répartis sur tout le territoire national permet de raccourcir les distances aux agriculteurs et transformateurs, dans le cas du colza, durant les 2 campagnes écoulées, l’existence d’un seul triturateur situé à El Hamoule (Oran) a occasionné des coûts logistiques non négligeables.

Malgré tout, les équipes de l’Institut Technique des Grandes Cultures qui pilotaient le programme colza avaient pu présenter à l’été 2022 les premiers litres d’huile de colza produits à 100% en Algérie.

Considéré comme une culture « stratégique », le programme tournesol devrait être étendu au sud du pays. En effet, l’attribution de concessions agricoles par l’Office de Développement de l’Agriculture Saharienne (ODAS) se fait à la condition que les investisseurs consacrent une partie de la surface reçue à ces cultures stratégiques : tournesol et betterave sucrière.

Des essais de culture de tournesol sont en cours à Ouargla. A El-Arfiane, Halima Khaled, ingénieur agronome et directrice d’une ferme publique a testé avec succès différentes dates de semis.

Tournesol, tirer les leçons du colza

En Algérie, l’échec relatif du programme colza a pâti du manque d’expérience de la filière. A raison de 9.500 DA le quintal avec un rendement potentiel de 25 à 30 quintaux par hectare, les erreurs liées aux dates de semis ont été financièrement préjudiciables aux exploitations concernées.

Pourtant, le programme Maghreb Oléagineux vise l’accompagnement technique des agriculteurs. Comme l’indiquent les promoteurs de ce programme : « Maghreb Oléagineux est un programme initié par Terres Univia, l’interprofession française des huiles et protéines végétales, et cofinancé par l’Union européenne. »

Il vise à promouvoir l’intérêt des semences européennes de colza et de tournesol au Maghreb. La vente de ces semences s’accompagne d’un transfert de technologie à travers des échanges avec les techniciens et agriculteurs des pays concernés.

Malgré l’importation de semences européennes par les opérateurs privés algériens, l’Algérie n’a pas participé et bénéficié de ce programme.

Bien que relativement simple, la culture du tournesol exige un savoir-faire indispensable. Il serait regrettable que ne soit pas tirée de leçon des erreurs qui ont entaché le programme colza.

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