Suite aux informations de Reuters évoquant l’ exclusion des blés français des achats algériens, l’Office algérien des céréales (OAIC) a publié un démenti jeudi 10 octobre.
Dans son communiqué, l’Office algérien des céréales a qualifié ces informations d’erronées indiquant que l’importation de blé est soumise à des critères purement techniques.
Précision importante d’autant plus que l’Algérie est signataire d’un Accord d’association avec les pays de l’Union Européenne (UE) et que les échanges économiques ne peuvent faire l’objet de quelconque discriminations.
Ce que dit l’accord d’association avec l’UE
L’agence Reuters à l’origine de l’information cite des « sources commerciales ». Les mêmes sources liant cette décision de l’Algérie à la crise diplomatique en cours avec la France.
Le motif initialement invoqué par Reuters serait difficilement justifiable dans le cadre de l’Accord d’association signé en 2005 entre l’Algérie et l’UE. En effet, le texte de l’accord, qui compte 60 pages, encadre strictement les échanges entre les deux parties.
À ce titre, une éventuelle exclusion du blé français n’est pas envisageable à moins qu’une telle décision corresponde à un motif dûment justifié et envisagé par les signataires.
Dans le cas de l’arrêt des importations par l’Algérie de bovins français sur pied, celui-ci est motivé par la présence de la maladie hémorragique épizootique (MHE) en France. Un arrêt qui entre dans le cadre de l’article 27 qui prévoit des « interdictions ou restrictions d’importation, d’exportation ou de transit, justifiées par des raisons de (…) de protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ».
L’article 20 interdit toute « discrimination », il stipule en effet que « Les deux parties s’abstiennent de toute mesure ou pratique de nature fiscale interne établissant directement ou indirectement une discrimination entre les produits de l’une des parties et les produits similaires originaires de l’autre partie ».
Par ailleurs, en cas de modification de la réglementation des échanges par une des deux parties, l’article 16 prévoit dans son alinéa 2 que « La partie procédant à cette modification en informe le Comité d’association. A la demande de l’autre partie, le Comité d’association se réunit pour tenir compte, de manière appropriée, des intérêts de ladite partie ».
Les articles 41 et 43 de l’Accord évoquent respectivement l’interdiction de fausser la concurrence ou d’adopter des mesures perturbant les échanges.
L’arme des normes
La définition de normes techniques détermine grandement le niveau des échanges. Une modification des normes peut avoir pour effet de modifier la liste des fournisseurs d’un pays.
Ainsi, la modification en 2020 du taux de blé punaisé passé de 0,5 à 1% s’est traduite par l’ouverture du marché algérien aux blés de la mer Noire. Des blés qui peuvent présenter un prix inférieur de 20 à 30 dollars la tonne par rapport aux fournisseurs de l’UE.
Dans la mesure où les blés français issus de la récolte présentent en 2024 un poids spécifique inférieur (PS) à 76 kg/hl et un Temps de Chute d’Hagberg (TCH) supérieur à 220, si d’éventuelles nouvelles normes étaient édictées par l’OAIC avec comme paramètres un PS supérieur à 76 et un TCH inférieur à 220, un tel cahier des charges exclurait automatiquement des transactions les blés français.
Le cas de l’Espagne
En juin dernier, l’UE a lancé une procédure contre l’Algérie. La Commission européenne dénonce des « restrictions aux exportations et aux investissements européens prises par les autorités algériennes depuis 2021 ».
Le gel des échanges commerciaux entre l’Espagne et l’Algérie est également mentionné. La décision de geler le commerce avec l’Espagne a été prise en juin 2022 suite au ralliement du gouvernement espagnol à la position marocaine à propos de la question du Sahara occidental.
Le même mois, l’Algérie a procédé à « la suspension du Traité d’amitié, de bon voisinage et de coopération », un traité conclu en 2002 avec l’Espagne.
Depuis, les échanges commerciaux entre les deux pays ont nettement régressé. En octobre 2022, le quotidien Le Monde notait que « Entre juin et juillet, l’arrêt des transactions entre les deux pays a entraîné 235 millions d’euros de manque à gagner pour l’économie espagnole. »
Dans le secteur l’élevage, un professionnel espagnol confiait également : « Avant 2020, l’Algérie était notre première destination pour l’exportation hors de l’Union européenne [UE], avec près de 20 000 tonnes vendues par an » et regrettait que « la crise diplomatique a empêché que les flux se rétablissent » après la période du Covid-19.
Un tarissement des échanges notamment observé dans le domaine de la céramique et même dans la maintenance des usines de dessalement de mer, un secteur auparavant géré par des entreprises espagnoles.
La guerre des normes
Dans le cas des restrictions à l’importation des produits espagnols, celles-ci pourraient être éventuellement motivées par l’évocation de l’article 74 par la partie algérienne.
Dans son alinéa 1, cet article stipule que « Les parties reconnaissent l’importance du développement social qui doit aller de pair avec le développement économique » et à ce titre « Elles donnent en particulier la priorité au respect des droits sociaux fondamentaux ».
Des droits sociaux peu respectés dans le cas de la main-d’œuvre étrangère qui travaille dans le secteur agricole espagnol.
Enfin, dans son titre V qui concerne la coopération économique l’article 47 stipule dans son alinéa 1 que « Les parties s’engagent à renforcer leur coopération économique, dans leur intérêt mutuel et dans l’esprit du partenariat qui inspire le présent accord ».
L’alinéa est encore plus explicite puisqu’il indique que « La coopération économique a pour objectif de soutenir l’action de l’Algérie, en vue de son développement économique et social durable ».
Or, les exportations espagnoles de viande ne se sont jamais accompagnées d’une coopération technique avec les professionnels algériens dans l’esprit d’un partenariat comme le prévoit l’Accord d’association.
Dans le cadre des importations algériennes de céréales, la partie française est loin de briller par un quelconque soutien en faveur du développement de la culture des céréales en Algérie.
Les propos recueillis par TSA font part que la principale préoccupation des céréaliers du nord du bassin parisien : réunir suffisamment de grains pour remplir un train céréalier à destination du port de Rouen à des fins d’exportation.