Dévaluation du dinar, retombées de la crise sanitaire sur les entreprises, soutien aux entreprises, relance économique, informel, sont autant de thèmes qu’aborde dans cette interview l’économiste et chef d’entreprise, Nassim Dali-Bey.
L’année 2020 n’a pas été facile pour l’Algérie qui a fait face à une crise sanitaire et économique. En votre qualité de chef d’entreprise et d’économiste, quel est le principal enseignement économique à tirer de cette crise ?
La pandémie de Covid-19 a déclenché une crise économique internationale. Ceci est un fait dont l’impact a été largement commenté. Cependant, l’analyse que je fais de cette crise économique globale porte sur les points suivants : l’hégémonie révélée de la Chine sur la production mondiale.
Les industriels à travers le monde ont été obligés de constater que la plupart de leurs intrants et leurs produits étaient produits en Chine. À partir de là, les industriels ont été poussés à revoir leurs stratégies d’approvisionnement.
À titre d’exemple, les industriels européens ont décidé de s’approvisionner dans un rayon de 2.000 km de leur territoire. Ceci est une opportunité pour l’Algérie qui pourrait profiter de cette crise plutôt que de la subir et ce, par la relance et le développement de son industrie et ses services.
L’économie algérienne est en panne et ne peut pas pour le moment profiter de cette nouvelle donne. Quelles sont les mesures à prendre pour relancer l’économie ?
Tout d’abord, apporter un soutien massif aux entreprises existantes car il coûterait moins cher de les soutenir et de les accompagner durant cette période de crise plutôt que de les laisser s’éteindre et disparaître.
La Banque d’Algérie centrale doit impérativement revoir ses textes afin de permettre aux banques de retrouver leur rôle. C’est-à-dire accompagner les opérateurs économiques.
Dépénaliser l’acte de gestion pour relancer les initiatives avec les prises de risques qui en découlent. Il est important de distinguer l’erreur de gestion et la gestion frauduleuse. Digitaliser l’administration pour lutter contre le favoritisme et la corruption.
Ceci serait un préalable pour rétablir la confiance entre l’administration et les opérateurs économiques. Cela permettrait aussi de relancer la dynamique et donner l’envie d’investir.
En réunissant ces conditions, les opérateurs économiques pourront relever le défi de passer d’un pays consommateur à un pays producteur et exportateur.
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Le dinar algérien a fortement baissé par rapport aux principales devises en 2020. Quel est l’impact sur les entreprises ?
La dévaluation du dinar ne peut être profitable qu’aux industries ayant un taux d’intégration important car cela leur permettrait d’être compétitifs sur le marché de l’exportation. D’où la nécessité de produire au maximum nos intrants.
Le soutien du dinar ne peut intervenir qu’avec la croissance de la production en Algérie. Sans création de richesse, la valeur du dinar continuera d’être faussée.
De nombreuses réformes économiques ont été annoncées, mais aucune n’a été lancée. Comment l’absence de réformes économiques impacte-t-elle les entreprises algériennes ?
Les opérateurs sont prêts pour relever les défis de la relance économique en Algérie. De nombreux textes, plans et réformes ont été annoncés mais nous attendons toujours les décrets d’application pour qu’ils puissent être implémentés. La question qui doit se poser est : a-t-on les moyens d’attendre encore ? Le temps passe et les opportunités avec…
L’informel a une part importante de l’économie nationale. Comment lutter efficacement contre ce phénomène ?
Il doit y avoir une décision politique ferme pour réduire le marché de l’informel, de la contrefaçon et de la contrebande.
L’informel est rentré dans les mœurs en Algérie. Le temps nous a prouvé qu’on ne pouvait construire une économie en ayant une part aussi importante de l’informel dans l’économie algérienne.
C’est un ensemble de mesures qui pourrait réduire la part du marché informel dans notre économie dont celles liées à la relance économique comme cité ci-dessus. Elles permettraient, par les mesures d’encouragement à l’investissement, d’inciter les barons de l’informel de passer vers le formel.
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Une des mesures importantes serait de marquer et de tracer (trace and track) les produits fabriqués et importés. Cela consiste à mettre un identifiant unique sur chaque produit. Cette solution digitale permettrait au Trésor public de recenser précisément la quantité des produits mis sur le marché.
À titre d’exemple, depuis trois ans, les 27 pays de la communauté européenne ont sélectionné cette solution dans l’industrie du tabac. Cela a permis à ces pays de collecter toutes les taxes et a réduit la contrebande de manière drastique.
La même solution a été implémentée pour les produits pharmaceutiques et dans l’industrie agroalimentaire. Cette solution a l’avantage d’élargir l’assiette fiscale et donc de réduire la fiscalité en Algérie pour la rendre plus compétitive et plus équitable.
L’Algérie ambitionne de développer ses exportations hors hydrocarbures. Le ministère des Affaires étrangères s’implique avec la mise en place d’un Bureau d’information et de promotion des investissements et des exportations (Bipie). Est-ce que c’est une bonne initiative ?
Comme vous le savez, l’exportation doit être une partie importante de notre développement économique. Cette initiative est une mesure concrète et importante pour aider les exportateurs à conquérir de nouveaux marchés.
La collecte des données facilitera la concrétisation de prises de parts de marchés sur ces territoires et contribuera à soutenir l’investissement algérien à l’étranger dès que la réglementation le permettra. Donc oui, cette initiative est une excellente nouvelle !
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