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L’application de l’Article 102 : trop peu, trop tard

L’application de l’Article 102 : trop peu, trop tard

CONTRIBUTION. C’est en mai 2013 que l’article 88, devenu 102 à la suite de la modification de la constitution en 2016, aurait dû être mis en œuvre.

Depuis cette date, le président n’était plus en mesure d’assurer sa charge à la suite d’un AVC aux séquelles irréversibles.

Le 4è mandat, imposé en 2014, sous prétexte de stabilité et de continuité, était de trop. Notre pays a sombré plus vite que durant les années précédentes, dans un immobilisme sclérosant propice à toutes les corruptions, à tous les corrupteurs, à un moment où la chute drastique du prix du baril commandait une gestion rigoureuse des deniers publics. Le gouvernement, dans sa fuite en avant coutumière, en est arrivé à fabriquer de faux billets, sous le fallacieux justificatif de « financement non conventionnel », détruisant la monnaie nationale avec les conséquences inflationnistes que l’on sait sur le pouvoir d’achat des masses populaires, auxquelles certains affairistes arrogants offraient le spectacle indécent de leur opulence et de leur proximité avec certains décideurs « non constitutionnels », selon le mot de l’un des caciques du régime.

La révolution du 22 février 2019 était prévisible, car les lois de la physique enseignent que la pression excessive engendre l’explosion. Mais, dans leur aveuglement, les forces obscures qui menaient inexorablement le pays à sa perte, n’on rien vu venir. D’un vendredi à l’autre, les Algériens, par millions, ont exigé, pacifiquement et dans leur dignité retrouvée, le départ du système opaque qui étrangle le pays depuis 1962, et plus encore, depuis 1999.

L’aberration du 5ème mandat fut suivie de la promesse d’une élection présidentielle anticipée, ce qui, en soit, constituait un aveu que le trucage du scrutin du 18 avril 2019 était programmé. Puis ce fut la feuille de route, c’est-à-dire le maintien d’un président hors du temps et de l’espace, mais sans élection. Les Algériens, de l’intérieur du pays et de la diaspora, ne se sont pas laissé abuser. Ils ont continué à manifester, par millions, dans le calme et la dignité recouvrée, faisant l’admiration du monde entier. Soudain, nous sommes devenus fiers de nous dire algériens, alors que pendant des années, nous en avions eu honte, tant le spectacle offert par notre président, muet, paralysé et inerte, était insoutenable.

Il est question, désormais, de l’application l’article 102 d’une loi fondamentale que ses concepteurs eux-mêmes foulent aux pieds, au point qu’un observateur impartial a pu écrire : « le conseil constitutionnel algérien est le seul du genre, dans le monde, à ne pas connaitre le texte qu’il est censé défendre ».

Nous sommes, à ce jour, comme nous l’avons toujours été, hors constitution. La présence de l’actuel président du Conseil constitutionnel, pour la 2ème fois à ce poste, est illégale, l’article 184 du texte ne lui permettant qu’un mandat. Le report de l’élection présidentielle, la nomination d’un vice-Premier ministre, fonction non prévue par le texte fondamental, ainsi que la présence d’un PDG jouissant de la triple nationalité à la tête de l’entreprise phare du pays, Sonatrach, sont autant d’entorses à la constitution. Il y en a d’autres.

Dans ces conditions, le recours à l’article 102 ne peut engendrer que rejet et complications, et, peut-être, des conflits dont notre pays n’a nul besoin, dans la mesure où ceux qui seraient chargés .de l’application sont fortement contestés par le peuple. La vieille sagesse populaire enseigne que l’on ne peut résoudre les problèmes avec ceux qui les symbolisent, ni faire du neuf avec du vieux. Les hommes de la « nomenklatura », les partis de la prétendue alliance présidentielle et ceux de l’opposition de façade sont définitivement discrédités.

Alors, quelle solution ? Elle réside dans le recours immédiat et sans arrière-pensée de l’article 7, le seul qui vaille dans cette constitution taillée sur mesure par et pour ses concepteurs : « la souveraineté appartient au peuple »

C’est dans ce cadre qu’il importe de mettre en place au plus tôt, des mécanismes consensuels par lesquels le peuple souverain désignera une structure présidentielle, de 5 à 7 membres, dont l’appellation importe peu, puisqu’elle est transitoire et par conséquent éphémère. À ceux qui craignent un retour du HCE de triste mémoire, il convient de rappeler que cet organisme a découlé de l’entente de décideurs controversés, alors que le Conseil présidentiel à mettre en place sera le fruit de la volonté d’une majorité de la population.

Ce Conseil désignera, à son tour, une personnalité chargée de former un gouvernement resserré d’union nationale, composé de technocrates et de spécialistes pour gérer le pays et préparer l’élection d’une assemblée constituante appelée à faire table rase des pratiques du passé dans le cadre d’une Constitution destinée à faire entrer notre pays, enfin, dans la démocratie et la modernité.

Les Algériens savent ce qu’ils ne veulent plus. Ils ne veulent plus de l’actuelle APN, élue, ou plutôt désignée, par à peine 15% du corps électoral et composée de « députés » milliardaires et caricaturaux, souvent incompétents et dénués d’intégrité. À l’exception, notable, de personnalités, femmes et hommes, qui ont su émerger du lot, mais dont les voix et les mises en garde sincères été noyées par celles d’une prétendue majorité aux ordres.

Les Algériens ne veulent plus du Conseil de la Nation, organe inutile, budgétivore et dont la composition est sujette à controverse, dans la mesure où ses membres ne sont là que pour jouir d’une sinécure non méritée.  La dissolution de ces deux entités ferait l’unanimité dans le pays.

Les élections de la nouvelle assemblée se feront sous l’autorité et la supervision d’une commission électorale véritablement libre et indépendante, totalement différente des supercheries de naguère, soumises et complices d’un pouvoir opaque.

L’élection d’un président de la République, qui ne sera plus le monarque qui nous fut imposé pendant deux décennies, interviendra dans le cadre de la nouvelle constitution qui sera consacrée par un référendum et de débats auxquels les Algériens participeront avec le sens du devoir qui les caractérise

Les délais ? Hâtons-nous avec lenteur. On peut fixer la période transitoire entre un et deux ans.

Le plus difficile de cette démarche, qui, au demeurant, tombe sous le sens, sera le choix des personnes.

Il n’est plus question, désormais, à tous les échelons de l’autorité, élue ou administrative, de SE servir, mais de SERVIR, chacun ayant des comptes à rendre à la fin de sa mission.

Les slogans brandis par les manifestations ont un dénominateur commun : il faut que le système dégage. Mais qu’est-ce que le système ? Vaste question ! Seule la Constitution nouvelle détruira le « système », ou le « pouvoir honni », en instaurant la démocratie et en bannissant définitivement la gestion opaque de la chose publique.

Il n’est pas possible, il n’est pas sain, il n’est pas souhaitable de renvoyer tout le personnel politique sans distinction et de limoger indistinctement tous les cadres de l’Administration et de l’État.  

De nombreuses voix se sont élevées pour réclamer la restitution du sigle FLN, détenu abusivement par le parti du même nom, à la mémoire collective. En effet, le Front de Libération Nationale appartient à tous les Algériens et ne saurait être l’apanage de personnes ubuesques, qui l’ont souillé, surtout ces dernières années. Les militants de ce parti devront se trouver une autre appellation

Ne pourront pas faire partie des structures de la transition toutes les personnes, quelles qu’elles soient, liées à un titre ou à un autre, à la gabegie et à la corruption qui ont tant fait de mal au pays. Il est des visages et des noms qui sont devenus des symboles de la corruption, de la gabegie, de la servilité, de l’indignité de l’incompétence, de l’arrogance, en un mot, de la décadence de l’Algérie. Ceux-là, il faut, d’évidence, les écarter. Mais il serait aberrant de se priver des compétences d’un ambassadeur, d’un wali ou de tout autre responsable ou gestionnaire intègre. Aucune chasse aux sorcières ne doit être envisagée. Mais les Algériens n’accepteront pas que ceux qui se sont constitué des fortunes mal acquises, colossales et indécentes, tant à l’intérieur du pays qu’à l’étranger, puissent les conserver au détriment du peuple. Une justice, devenue, enfin, un véritable pouvoir indépendant tranchera sereinement et fera la part du vrai et du fantasme.

Les membres des organismes de la transition, seront tenus de rendre compte de leurs missions à son terme. De nombreux noms circulent sur les réseaux sociaux. Mais peu importent les noms. Il existe tant de compétences, tant de bonnes volontés, tant de personnalités intègres et expérimentées que nous n’avons que l’embarras du choix.

Pourraient faire partie, à titre indicatif et non limitatif, des structures de la transition :

Djamila, Bouhired, ainsi que l’auteur de ces lignes, pour leur passé sans tâche dans la guerre de libération nationale, Maitres Mustapha Bouchachi et Mokrane Ait Larbi, Karim Tabou, Sofiane Djilali, Mohsen Bellabès, Mme Benabbou, constitutionaliste, M. Benbitour, Mme Amira Bouraoui, le jeune juge qui a si bien déclamé la déclaration des magistrats membres du Club 1000. Nous avons tellement de juristes de renom, compétents et dévoués qu’il est impossible de citer chacun nommément. Notre jeunesse est impatiente de servir. Notre université regorge d’économistes, de spécialistes et d’experts dans tous les domaines. Notre diaspora est constituée de compétences de niveau mondial dans tous les secteurs, qui ne demandent qu’à servir le pays, mettant à fin à l’exclusion aberrante et injuste et dont elles ont été l’objet dans la Constitution de 2016, disposition voulue, de notoriété publique, par l’ancien Premier ministre.

Le pouvoir opaque, qui devait instituer un Conseil national de l’émigration, à l’instar de nos voisins, en a finalement bloqué la mise en place pour des raisons évidentes ou obscures, c’est selon.

Il est impossible de citer, dans le cadre de cette modeste contribution, toutes les personnalités qui pourraient être utiles à la présidence de l’État, dans le gouvernement d’union nationale ou la commission électorale à l’échelle nationale ou locale.

En définitive, peu importent les personnes. Ce qui compte par-dessus tout, c’est l’Algérie.

Le chef d’État-major de l’ANP a formulé une proposition. Bienvenue dans la forme, sa proposition est, comme on le voit, discutable dans le fond.  Mise sur la table bien plus tôt, elle aurait permis au pays d’échapper à la situation mortifère dans laquelle il était plongé depuis des années. Le patriotisme et le désir de servir l’Algérie sont indéniables et ne peuvent pas être mis en doute.

Il nous faut, cependant, sortir des carcans du passé. Il est temps d’instaurer, dans les faits comme dans les textes, la primauté du civil sur le militaire et de remettre les décisions du Congrès de la Soummam à l’honneur. Les membres du CNRA qui a décidé, en 1957, de retirer cette disposition du texte original en conviendraient au regard de ce qu’à enduré le pays depuis l’indépendance.


*Fondateur de l’Association Nationale des Anciens Condamnés à Mort de la Guerre de Libération

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