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L’Arabie saoudite s’ouvre sur le monde et sur la culture

L’Arabie saoudite s’ouvre sur le monde et sur la culture

Hiba Tawaji, la future Fairouz de la chanson arabe, a chanté en Arabie saoudite. L’artiste libanaise, qui a succédé au compositeur grec Yanni, est la première femme à monter sur scène et à chanter en public dans le Royaume Wahabite. La presse mondiale en a parlé parce que c’était un événement. Le concert, organisé au Centre culturel du roi Fahd à Ryad, uniquement pour les femmes, s’est déroulé en sold out, le mercredi 6 décembre.

« Ce concert s’inscrit dans la vision 2030 que veut le prince héritier Mohammed Ben Salmane pour l’Arabie saoudite », a écrit le journal libanais EN Nahar. L’Autorité publique du divertissement (General Entertainment Authority, GEA), qui a organisé le spectacle musical, a annoncé, sur son site internet, qu’elle envisage le lancement de plusieurs activités dans le futur en vue d’ « enrichir la vie et de dessiner la gaieté » dans tout le Royaume.

La GEA a pour mission aussi d’appuyer le secteur privé saoudien et étranger qui veut investir dans les industries du spectacle. Plus de 300 activités sont déjà inscrites sur l’agenda de l’Autorité pour cet hiver dont la projection du film d’animation « Ice Age », le jeu de société « Kitchen Mission », de l’exposition « Cafeine II » (consacrée à la dégustation du café et du chocolat) et au festival « Le village japonais », avec au programme des arts vivants et des spectacles son et lumière.

Cheb Khaled est aussi de la fête !

Dans le cadre du programme de la chaîne MBC, « ActionHaa », l’algérien Cheb Khaled sera en concert le 14 décembre prochain aux côtés du rappeur américain Nelly à Djeddah. Les deux artistes ne chanteront que pour les hommes. Il en sera de même pour les deux stars de la chanson saoudienne actuelle Rabah Saqr et Ramy Abdallah à Ryad. La mixité, dans les endroits de spectacle, n’est pas encore à l’ordre du jour dans un pays qui tente péniblement de sortir de plus de cinquante ans de fermeture et de conservatisme.

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Pour 2018, la GEA souhaite « une année riche en sourires ». Pour ce faire, elle a lancé « Ideas Portal » (Minassatou al afkar), une sorte d’une boite à idées ouverte aux organisateurs de spectacles et aux professionnels de l’événementiel. Le but est d’enrichir l’agenda culturel de l’année d’une manière interactive continue. La GEA donne les autorisations et s’assure de « la bonne qualité du contenu » de ce qui est proposé au public et de la présence des événements dans tout le Royaume, selon une vidéo de promotion.

L’ouverture des salles de cinéma autorisée

La GEA a retenu quatorze catégories : les vacances scolaires, la fête nationale, le Ramadhan, les deux Aids (El Fitr et El Adha), la littérature, la Coupe du monde de football, le patrimoine, la culture du monde, etc. Elle offre trois formes de soutien aux prestataires : financier, logistique ou promotionnel.

Dans le même ordre d’idées, l’Autorité en charge de l’audiovisuel a donné son accord, ce lundi 11 décembre, pour l’ouverture de salles de cinéma en Arabie saoudite. Le Fonds souverain saoudien (PIF) a signé ce mardi un accord avec le plus gros exploitant de salles de cinéma américain AMC Entertainment Holdings.

Cette décision historique met fin à une interdiction qui a duré 35 ans et va à contre sens des avertissements du Mufti Cheikh Abdelaziz Ben Abdallah pour qui le cinéma est porteur « de corruption et de dépravation ».

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Les films, qui seront projetés courant 2018, seront soumis toutefois à un contrôle, « selon les paramètres politiques, médiatiques et moraux » de l’Arabie saoudite. Ces dernières années, le cinéma saoudien, créé dans les années 1950, est revenu aux devants de la scène grâce notamment aux longs métrages, « Wajda » de Hayfaa Al Mansour et « Baraka meet Barak » de Mahmoud Sabbagh, projetés dans plusieurs festivals internationaux.

« Vision 2030 », un plan des réformes graduelles

Cette autorisation d’ouvrir des salles de cinéma et la création de la GEA font partie d’un vaste programme de réformes économiques, sociales et culturelles « Vision 2030 » proposé par Mohammed Ben Salmane (désormais connu par le diminutif de MBS) et mis en application depuis plus d’une année à cadence accélérée. La levée d’interdiction de conduire des voitures pour les femmes, la permission donnée aux femmes d’accéder aux stades de football et le lancement de plusieurs projets touristiques sur la côte de la Mer Rouge (Est) s’inscrivent dans la logique de ces réformes graduelles.

Le tourisme était une activité presque interdite en Arabie saoudite, plus grand producteur et exportateur de pétrole au monde. Ryad ne délivre pas de visas touristiques depuis plus de 30 ans. Et, il est très compliqué pour un journaliste d’avoir un visa de circulation en Arabie saoudite sauf à être invité par un organisme officiel ou à être « parrainé » par un saoudien. Les seuls touristes autorisés à pénétrer sur le territoire du Royaume sont les pèlerins d’El Hadj ou de la Omra.

« Détruire les idées extrémistes »

MBS, qui cultive désormais l’image du moderniste réformateur, entend diversifier l’économie du pays en s’appuyant sur le tourisme et sur l’industrie du spectacle. En ce sens, des facilités seront accordées aux Saoudiens ou aux étrangers qui souhaitent créer des PME activant dans ces deux domaines. MBS, qui a décidé d’une purge ayant touché des princes, des ministres et des hommes d’affaires accusés de « corruption et de malversations », entend en finir avec le rigorisme du wahabisme.

« 70% de la population saoudienne a moins de 30 ans. Franchement, Nous n’allons pas passer 30 ans de plus de notre vie à nous accommoder d’idées extrémistes et nous allons les détruire maintenant et tout de suite (…) Nous allons simplement revenir à ce que nous étions avant, à un islam du juste milieu, modéré, ouvert sur le monde, l’ensemble des religions et l’ensemble des traditions et des peuples », a-t-il déclaré, le 24 octobre 2017, lors d’un forum économique.

Il a détaillé son plan dans un entretien au journal The New York Times, fin novembre 2017. « Nous voulons vivre une vie normale. Une vie où notre religion signifie tolérance et bonté », a-t-il dit. Les réformes de MBS sont suivies de près par les voisins de l’Arabie saoudite comme le Koweït, l’Égypte et les Émirats arabes unis, et par les principaux partenaires étrangers du Royaume à l’image des États-Unis, de la Grande Bretagne, du Japon et de l’Inde. MBS veut mettre 500 milliards de dollars dans de gros projets d’investissement en faisant profiter les voisins.

Cela, inévitablement, suscite l’intérêt de tout le monde et, dans la foulée, l’appui des grandes capitales occidentales, surtout que MBS s’est dit déterminé à lutter contre le terrorisme.

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