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Le Cnapeste, ange ou démon ?

Le Cnapeste, ange ou démon ?

Le Cnapeste tient bon. Son bras de fer avec le ministère de l’Éducation nationale, marqué par une succession de menaces en tout genre, dure depuis plusieurs semaines.

Ni les ponctions sur salaire ni les centaines de radiations signifiées aux enseignants grévistes à Blida et dans d’autres wilayas n’ont eu raison de la détermination de ce syndicat.

Le débrayage national et illimité qu’il mène depuis le 30 janvier dernier se poursuit et rien n’indique qu’il est sur le point d’abdiquer. Mais d’où le Cnapeste, ce syndicat des enseignants du secondaire créé il y a à peine une quinzaine d’années, tient-il sa force ?

Car il est indéniable que ce syndicat dispose d’une grande capacité de mobilisation, bien que les chiffres soient contradictoires concernant le suivi des mots d’ordre de grève, suivant la source qui les émet.

Le Cnapeste revendique autour de 70%, la tutelle, elle, parle d’à peine 4%. Même en ne prenant en compte que les chiffres du ministère, il est facile de déduire que la grève de ce mois de janvier est largement suivie, ou du moins, dans des proportions bien plus élevées que ce qu’avance le ministère.

Que l’on juge : le conseiller au ministère de l’éducation, Chaïb Draa Thani, a révélé la semaine passée le chiffre de 19 000 enseignants ayant reçu la deuxième mise en demeure, la dernière avant radiation, tout en se félicitant, comme le font d’ailleurs tous les responsables du secteur dans leurs sorties médiatiques ces derniers jours, du fait que des centaines d’enseignants reprennent chaque jour le travail à l’échelle nationale. Le nombre initial des grévistes est donc largement supérieur à 19 000. Ce qui n’est pas négligeable. Ensuite, sachant que le Cnapeste est présent principalement dans le troisième palier de l’enseignement (lycées), la proportion des grévistes est bien plus que 4%.

Le Cnapeste mobilise, c’est indéniable. Il revendique près de 100.000 adhérents et affirme être présent dans les 48 wilayas du pays. Même si son action est loin d’être bien perçue chez les autorités. L’organisation syndicale fait l’unanimité contre elle parmi les responsables gouvernementaux, du moins ceux qui ont eu à s’exprimer sur la question.

En première ligne dans ce conflit qui s’inscrit dans la durée, la ministre Nouria Benghabrit a fustigé plus d’une fois les méthodes d’action de ce syndicat. Elle a été confortée par le ministre du Travail Mourad Zemali qui a estimé que « toutes les lignes rouges ont été dépassées » et surtout par le Premier ministre Ahmed Ouyahia, qui n’a pas hésité lors de son dernier discours à Biskra, à qualifier certains grévistes de « pirates ».

D’autres responsables de rang subalterne se sont relayés pour vilipender le Cnapeste et ses méthodes. « Les organisations syndicales doivent comprendre, notamment le Cnapeste, qu’elles ont une responsabilité et que tout conflit doit obligatoirement déboucher sur le dialogue », disait il y a quelques jours Rabah Mekhazni, directeur des relations de travail au ministère du Travail et de la Sécurité sociale.

« Je regrette qu’un syndicat puisse sacrifier des enseignants, qui parfois ne connaissent même pas les règles du droit, pour arriver à ses fins (…) La grève illimitée n’existe dans aucun pays (…) Et on la déclenche en soutien aux enseignants de deux wilayas (…) Voilà les pratiques de ce syndicat », dénonce de son côté le conseiller de la ministre de l’Éducation, Mohamed Chaïb Draa Thani, qui lâche même une phrase vite interprétée par certains comme un signe qui trahit l’existence d’une volonté de museler définitivement ce syndicat par le biais de sa dissolution pure et simple : « Le sort du Cnapeste est entre les mains des pouvoirs publics .»

Même si rien pour le moment ne permet de croire à une telle éventualité, il n’en demeure pas moins que le Cnapeste dérange. Et pas seulement les autorités auxquelles il donne du fil à retordre.

Même les autres syndicats semblent voir d’un mauvais œil sa montée en puissance. Dans le microcosme syndical du secteur de l’éducation, il a fini par être « isolé » par les autres organisations, au nombre de 13 si on compte les sections affiliées à l’UGTA et au Snapap, étant le seul à ne pas signer la charte de l’éthique et de la stabilité, avec le ministère de l’Éducation.

Voyant que le Cnapeste a imposé une situation de quasi monopole sur la grève et la contestation, les signataires de la fameuse charte ont tenté d’occuper le terrain en organisant une grève de deux jours les 20 et 21 février.

La tutelle a donné suite à certaines de leurs revendications, mais les plus importantes, comme celle relative au pouvoir d’achat et au statut particulier, on leur a signifié qu’elles ne relevaient pas des compétences du ministère de l’éducation.

Pendant ce temps, le Cnapeste poursuit la protestation et reste imperturbable devant les nombreuses critiques qu’il essuie de la part de l’administration, des autres syndicats et des parents d’élèves.

Des critiques parfois fondées à cause de ses méthodes d’action, notamment ces grèves illimitées pour des motifs parfois futiles, faisant planer le spectre de l’année blanche pour des centaines de milliers d’élèves.

Cette légèreté, certes condamnable, ne saurait toutefois éclipser la détermination à toute épreuve des dirigeants de cette organisation syndicale et leur capacité à mobiliser. Le ralliement à leur cause des élèves, qui sont sortis dans la rue pour défendre leurs enseignants licenciés, constitue sans doute leur dernier coup de génie.

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