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Le coup de barre à gauche du PSOE, source d’inquiétudes à Rabat

C’est un autre séisme dans la politique espagnole. Huit mois après sa démission forcée, Pedro Sánchez renaît de ses cendres et reprend les rênes du PSOE avec une victoire sans appel loin devant sa principale rivale, Susana Díaz, qui avait les faveurs du Maroc.

Elle comptait sur le soutien de plus de 70 % des barons locaux du parti, dont les puissants présidents des régions de Valence et de Castille-La Manche. Elle avait l’aval des deux seuls chefs de gouvernement issus du PSOE depuis le retour de la démocratie en Espagne, Felipe González et José Luis Rodríguez Zapatero. Elle était la candidate de certains des médias les plus influents, dont le premier quotidien du pays, El País.

Mais Susana Díaz a lourdement chuté dimanche. L’Andalouse de 42 ans, qui avait enfilé le costume de la favorite dès sa déclaration de candidature en mars, ne sera pas la prochaine secrétaire générale du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE). Pedro Sánchez, déjà vainqueur des primaires du parti en 2014, a obtenu 50 % des suffrages, contre 40 % pour Díaz, et 9,8 % pour Patxi López, l’ancien président du Pays basque. Plus de 80 % des quelque 188 000 militants du PSOE ont participé au scrutin.

Sur les 17 communautés autonomes d’Espagne, elle n’en a remporté qu’une seule, chez elle, en Andalousie (qui est aussi le premier bastion du PSOE, avec le quart des militants inscrits dans cette seule région). Sánchez, lui, est arrivé en tête dans 15 communautés, alors que López, sans surprise, a gagné au Pays basque.

Sánchez a gagné “contre des élites toujours aussi éloignées des citoyens, de leurs préoccupations et de leurs intérêts”, estime eldiario.es, qui rappelle qu’il a dû se battre contre “les dirigeants socialistes, l’appareil du parti, les barons, la majorité des médias, les pouvoirs économiques”. Le journal conservateur El Mundo parle, lui, d’une “rébellion des bases” contre “le PSOE de toujours” que Susana Díaz “prétendait restaurer”. Pour le journal de gauche El Periódico, c’est une victoire contre “l’establishment socialiste” qui “enterre le vieux PSOE”. C’est aussi un vote contre les “vieilles pratiques politiques et la connivence de la grande coalition”, ainsi qu’une “résurrection de la dialectique droite/gauche que l’on croyait dépassée”.

LA PERTE D’UNE ALLIÉE SUR LA QUESTION DU SAHARA

Pour nombre d’observateurs à Rabat, cette réaffirmation à gauche du PSOE à travers un vote de défiance à l’égard de son establishment pourrait modifier quelque peu la politique conciliante du parti à l’égard du Maroc sur la question du Sahara initiée dès l’ère Zapatero en 2004. Susana Díaz, qui avait le soutien des « anciens » du parti avait marché dans leur pas, jugeant la politique de bon voisinage avec le Maroc comme essentielle dans le cadre d’une vision diplomatique inspirée de la doctrine européenne en la matière.

Contrairement à Sanchez, « Diaz prône une autre politique vis-à-vis de Rabat. Comme Zapatero en 2002, elle s’était réunie avec le roi Mohammed VI en septembre 2014 à Tétouan. Une audience surprise, qui ne figurait pas sur l’agenda de la présidente de l’Andalousie, alors en voyage officiel au Maroc », écrivait Yabiladi en octobre 2016, soulignant que deux semaines après ses entretiens avec le souverain, elle s’était opposée à un voyage du vice-président de la région, Diego Valderas, du parti Izquierda unida (Gauche unie) dans les camps de Tindouf.

Aucun gouvernement « ne visitera Tindouf », avait-elle affirmé, soulignait le site d’information. Diaz ajoutait alors que son exécutif n’est pas habilité à « intervenir dans des conflits internationaux » et qu’il est tenu de « respecter la position de l’Espagne » sur la question du Sahara occidental. En sera-t-il toujours ainsi avec son tombeur représentant déclaré de l’aile gauche du parti ?

Ses ambitions sont d’ailleurs déclarées : Durant sa campagne, il n’a pas exclu de présenter une motion de censure contre le gouvernement PP de Mariano Rajoy (minoritaire). Il l’a déclaré, en partie contraint, parce que Pablo Iglesias, le patron de Podemos, vient de déposer une motion de censure au Congrès (qui a, celle-là, peu de chances d’aboutir, puisque le PSOE, jusqu’à présent, s’y oppose). Quoi qu’il en soit, si le parti socialiste dépose une motion de censure, il pourrait, en théorie, construire une majorité sur ce texte (avec Podemos, et des partis indépendantistes catalans, en particulier).

Ce n’est pas le scénario le plus probable à court terme, mais la victoire de Sánchez est clairement une menace pour Rajoy. Et à long terme pour le Maroc une source d’inquiétudes s’il arrive à ses fins.

 

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