Politique

Le hirak définitivement invincible : un dialogue réellement « sérieux » s’impose

Le mouvement populaire est en passe de réussir l’épreuve la plus difficile à laquelle il fait face depuis son début il y a bientôt six mois, celle des vacances et de la canicule aoûtienne.

Même sous 40 ou 45 degrés à l’ombre, les Algériens continuent à sortir dans la rue pour porter la même revendication qu’au premier jour, soit le démantèlement du système politique en place. Même les étudiants, pourtant en vacances, trouvent le moyen de se rassembler chaque mardi sans discontinuer depuis vingt-cinq semaines.

Ils ne sont plus des millions à marcher, cela se comprend et était prévisible, mais pour de telles conditions climatiques, doublées d’un dispositif policier dissuasif et une propagande qui ne connaît pas de limites, les dizaines de milliers de citoyens que rassemble encore chaque marche constituent une mobilisation impressionnante qui illustre la détermination du peuple à faire aboutir ses revendications et son rejet des fausses solutions proposées.

On a beau quadriller la capitale et boucler ses accès, des marées humaines déferlent des quartiers mythiques de la ville, de la Casbah, d’el Harrach et de Bab el Oued, dès la fin de la prière hebdomadaire.

La même résilience est constatée dans les autres villes. La marche du vingt-cinquième vendredi à Béjaïa a enregistré une forte mobilisation. Des dizaines de milliers de citoyens ont manifesté au moment de la journée où le soleil tape le plus fort. Au moins 32 villes du pays, dont certaines du Sud, ont marché ce vendredi 9 août.

Cela augure de la reprise des manifestations monstres dès la rentrée et le retour de la fraîcheur. En résistant à toutes les épreuves, notamment la canicule des deux premiers vendredis d’août, le hirak a définitivement montré son invincibilité, ne laissant guère le choix au pouvoir qui voit ses solutions rejetées systématiquement et par la rue et par la classe politique.

La dernière en date est ce dialogue qu’on peut qualifier de tout sauf de « sérieux » à cause d’une partie de la composante de la commission qui le conduit, du refus de la classe politique d’y prendre part, de son objet défini unilatéralement par le pouvoir et des désaveux publics que celui-ci inflige au panel notamment par son refus de décréter un minimum de mesures d’apaisement.

Une conjoncture économique difficile en perspective

Le maintien de la forte mobilisation populaire s’explique largement par les maladresses du pouvoir qui, aux yeux des manifestants, trahissent ses intentions réelles.

Aux mêmes causes les mêmes effets, la reconduction des procédés éculés des faux représentants et du matraquage médiatique par les mêmes canaux et voix dont s’est servi l’ancien président ne peut déboucher que sur un scrutin biaisé et la confiscation de la volonté populaire. Toute la problématique est là et les Algériens l’ont compris.

Au soir de chaque vendredi, il devient un peu plus évident que le dialogue en cours et l’élection qu’il est censé préparer connaîtront le même sort que les scrutins avortés du 18 avril et du 4 juillet, à moins d’un coup de force aux conséquences incalculables.

Vingt-cinq grandes journées de mobilisation, c’est autant de semaines que le pays a perdues dans une conjoncture économique, sociale et internationale pour le moins tendue. Avant même la rentrée sociale que d’aucuns annoncent difficile, les premières actions des travailleurs restés sans salaire suite à l’emprisonnement des patrons de leurs entreprises sont signalées. Et comme un aveu anticipé des jours difficiles qui attendent le pays, le gouvernement vient de décréter une série de mesures visant à préserver ce qui reste des réserves de change qui fondent inexorablement et sans espoir d’être reconstituées dans un avenir proche. Les prix du pétrole ont en effet repris leur dégringolade au plus mauvais moment, coïncidant avec un marasme économique sans précédent aggravé par la tétanisation de l’initiative du privé et de l’administration.

Le pouvoir et la classe politique sont plus que jamais appelés à prendre la voie du dialogue réellement « sérieux ». La leçon de ce vingt-cinquième vendredi n’est peut-être pas difficile à saisir : continuer à miser sur l’essoufflement de la contestation c’est prendre le risque de mener le pays vers l’ « inconnu » contre lequel ne cesse de mettre en garde le discours officiel.

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