Parmi les mesures prises ces derniers jours par la Banque d’Algérie figure une ancienne connaissance évoquée à plusieurs reprises au cours des dernières années par les responsables de l’institution monétaire. Il s’agit du marché à terme des devises. Il est entré en vigueur hier lundi 9 octobre.
C’est un projet vieux de quelques années qui se concrétise enfin. Voici près d’un an, lors de la réunion de la cellule de suivi des exportations du ministère du Commerce, Mohamed Loukal, Gouverneur de la Banque d’Algérie, promettait « la mise en place, durant le premier semestre 2017, d’un marché à termes des devises pour contrecarrer les risques de change ».
Un dispositif qui se fait attendre
Pour ne parler que de la période la plus récente, Mohamed Laksaci, prédécesseur de M. Loukal au poste de gouverneur de la Banque d’Algérie, assurait, lui aussi, en juin 2015 que « la banque centrale, compte prendre au cours de l’année 2015 de nouvelles mesures pour développer le marché interbancaire des changes et promouvoir la couverture à terme par les banques de la place au profit des opérateurs ».
En dépit de ces promesses, les opérateurs n’ont rien vu venir en 2015. Le 6 janvier 2016, M. Laksaci revenait sur cette question en annonçant que son institution « envisageait d’introduire de nouvelles mesures pour la couverture du risque de change » sans donner plus de détails sur le dispositif envisagé et la nature de ses bénéficiaires éventuels ni sur un calendrier de sa mise en œuvre.
Une revendication des opérateurs
La création d’un marché à terme de la devise est une revendication ancienne des opérateurs économiques algériens et des associations patronales. Le change à terme permet de fixer aujourd’hui un cours d’achat ou de vente de devises pour une échéance future. L’importateur, pour se couvrir contre le risque de change lié à l’appréciation éventuelle d’une devise, achète à terme les devises correspondant au montant de sa dette. Il connaît ainsi avec précision le montant en monnaie nationale qu’il devra payer au moment où il doit s’acquitter de sa facture.
L’impact attendu de cet instrument est la réduction des pertes de change que subissent tous les jours les importateurs en Algérie ( des pertes considérables rapportées aux 45 milliards de dollars annuels du commerce extérieur de marchandises prévus cette année ).
Le marché à terme de la devise, a précisé dimanche M. Loukal, « constitue un jalon important dans l’amélioration du climat des affaires » en permettant aux opérateurs économiques et investisseurs d’avoir »une meilleure lisibilité et visibilité quant à la maîtrise des coûts et risques liés aux transactions internationales, durant toutes les étapes de leur réalisation ».
À la fin de l’année dernière, le Gouverneur de la Banque d’Algérie avait également souligné que ce marché « permettra aux exportateurs d’avoir une meilleure visibilité en maîtrisant leurs coûts et aux importateurs de biens d’équipement et de demis produits de se prémunir contre une éventuelle dépréciation du dinar ».
Cette formulation semblait déjà indiquer que seules les importations destinées à l’approvisionnement de l’appareil de production seront concernées par le nouveau dispositif . C’est ce que vient de confirmer, M. Loukal qui a fait savoir que le règlement de la Banque d’Algérie « concerne uniquement les biens d’équipements entrant dans le cadre de l’investissement stricto sensu, les composants industriels entrant dans des projets d’investissement et/ou de réalisation, ainsi que les matières premières et intrants concourant à la production nationale. Les opérations d’importation liées à la revente en l’état ne sont pas éligibles à ce dispositif ».
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Vers une nouvelle dévaluation du dinar ?
L’urgence d’un dispositif de marché à terme des devises se manifeste particulièrement dans les périodes de forte dépréciation de la monnaie nationale. Son retour dans l’agenda des autorités monétaires algériennes – avec une accélération dans la mise en œuvre du projet- serait-il la traduction d’une intention de reprendre le processus, freiné depuis juin 2016, de dépréciation de la valeur officielle du dinar ?
L’année 2016, tout comme l’année 2015, avaient été marquées par une forte dépréciation du dinar. Une perte de valeur sans aucune comparaison avec celle des années précédentes et qui rappelait déjà à certains les mauvais souvenirs des années 90. Cette dépréciation de la valeur de la monnaie nationale s’est répercutée sur les prix à l’importation.
En janvier 2016, le gouverneur de la Banque d’Algérie reconnaissait que l’impact du choc externe subi par l’économie algérienne a provoqué une dépréciation de 19,5% du cours moyen du dinar contre le dollar américain entre janvier et septembre 2015, et de 2,1% par rapport à l’euro. Une dépréciation qui s’est poursuivie régulièrement au cours du premier semestre 2016 au point d’atteindre près de 30 % en moins de 2 ans selon les estimations d’économistes indépendants.
Depuis le milieu de 2016 et l’arrivée aux commandes de Mohamed Loukal, le cours officiel du dinar a été globalement stabilisé par rapport au dollar mais a continué de se déprécier sensiblement par rapport à l’euro. La reprise du glissement progressif de la parité officielle dinar / dollar depuis le mois de septembre dernier soulève actuellement des interrogations sur la cible recherchée par les autorités monétaires algériennes dans ce domaine.
Le projet de Loi de finance adopté mercredi dernier par le Conseil des ministres donne sans doute une indication en précisant que le cours moyen du dinar sur lequel sont basées les prévisions budgétaires pour 2018 est de 1 dollar pour 115 dinars ( actuellement 1 dollar pour 113,6 dinars ). Une dépréciation par rapport au dollar qui resterait donc, a priori, et conformément aux affirmations récentes du gouvernement, très limitée.
Elle ne préjuge cependant pas de la future parité euro/dinar qui gouverne plus de la moitié des importations nationales .Son évolution au cours des derniers mois s’est déjà traduite par une forte dépréciation imputable, non pas à une décision des autorités monétaires algériennes, mais à la variation de la parité euro/dollar sur les marchés des changes internationaux .