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Le Mali choisit à nouveau l’escalade avec l’Algérie

Poussée par ses nouveaux alliés, la junte militaire au mali poursuit sa politique d’hostilité vis-à-vis de l’Algérie.

Le Mali choisit à nouveau l’escalade avec l’Algérie
Une crise au demeurant susceptible d’un règlement par les canaux diplomatiques / Par aboodi vesakaran / pexels
Karim Kebir
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La décision est autant surprenante qu’inattendue : cinq mois après l’incident du drone malien abattu par l’ANP, près de Tin Zaouatine, le Mali a annoncé jeudi avoir saisi la Cour internationale de justice (CIJ) contre l’Algérie.

Une plainte qui, au regard du contexte géopolitique régional, soulève une interrogation : qui pousse réellement la junte militaire malienne à transformer la crise diplomatique entre les deux pays en bataille judiciaire internationale ?

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Qui a intérêt à voir s’exacerber davantage la crise entre deux pays, confrontés pourtant à beaucoup de défis en commun, vu leur proximité, et qui ont des liens en partage ? Une crise au demeurant susceptible d’un règlement par les canaux diplomatiques.

L’entêtement de Bamako

Tout a commencé lorsque dans la nuit du 31 mars au 1er avril dernier, les Forces de défense du territoire de l’ANP annoncent avoir détruit un drone malien près de Tin Zaouatine, affirmant qu’il avait violé l’espace aérien national sur deux kilomètres.

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« Dans le cadre des efforts consentis pour préserver nos frontières nationales, une unité relevant de la Défense aérienne du territoire en 6e Région militaire, a réussi, la soirée d’hier, le 1er avril 2025, vers minuit, la détection et la destruction d’un drone de reconnaissance armé, à proximité de la ville frontalière de Tin-Zaouatine en 6e Région militaire, après avoir pénétré l’espace aérien national sur une distance de deux kilomètres », a précisé alors le ministère de la Défense nationale dans un communiqué.

Bamako a réagi en dénonçant une « action préméditée », en accusant Alger rien de moins que de collusion avec des groupes terroristes !

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Trois violations de l’espace aérien algérien en moins d’une année

L’Algérie a répondu par le biais d’un communiqué du ministère des Affaires étrangères en affirmant que « toutes les données se rapportant à cet incident sont disponibles dans la banque de données du ministère algérien de la Défense nationale, en particulier les images radar qui établissent clairement la violation de l’espace aérien de l’Algérie ».

Le MAE a ajouté qu’il ne s’agissait pas de la « première violation par un drone malien de l’espace aérien de l’Algérie, mais bien de la troisième en l’espace de seulement quelques mois ». Les deux précédentes ont eu lieu le 27 août 2024 et le 29 décembre 2024, selon la même source.

Et depuis, la crise n’a cessé de s’aggraver : rappels d’ambassadeurs, fermeture réciproque des espaces aériens et retrait du Mali du Comité d’état-major opérationnel conjoint (CEMOC), une structure de coopération militaire basée à Tamanrasset, impliquant l’Algérie, le Mali, la Mauritanie et le Niger pour lutter contre le terrorisme dans le Sahel.

En saisissant la CIJ, la junte malienne a sans aucun doute franchi une étape supplémentaire, dont les conséquences pourraient compromettre sérieusement toute perspective de règlement de la crise et de normalisation de la situation entre les deux pays.

La main d’alliés extérieurs ?

Pour de nombreux observateurs, la démarche malienne est loin d’être anodine et dépasse la simple réaction nationale. D’autant que le régime issu de deux coups d’État, en déficit de légitimité, et en quête de soutien diplomatique et financier semble disposé à toute les compromissions et à toute alliance extérieure pour assoir son pouvoir.

Dans cet objectif, le Maroc, dont l’influence sécuritaire au Mali s’est récemment renforcée, apparaît comme un acteur qui encouragerait Bamako à durcir le ton vis-à-vis de son voisin du nord.

L’objectif du royaume n’est pas d’ailer le Mali, puisqu’il n’a pas les moyens, ni financiers, ni militaires, mais de déstabiliser encore davantage cette région en proie au terrorisme et à la pauvreté.

Illustration du rapprochement entre Bamako et Rabat : la tenue en février 2025 à Bamako d’une commission militaire mixte Mali-Maroc.

À cela, s’ajoutent les visites récurrentes de responsables de la junte au Royaume et la promesse de Mohammed VI d’offrir aux pays enclavés du Sahel un accès à l’Atlantique via le Sahara occidental occupé. Un projet utopique auquel personne ne croit, d’autant qu’il est initié par un pays surendetté et incapable de réparer les dégâts provoqués par un séisme sur son propre territoire.

Rabat, appuyé par l’entité sioniste, trouverait avantage à affaiblir l’Algérie dans son rôle traditionnel de médiateur au Sahel.

Il s’agirait, aussi, comme le relevait le diplomate Abdelaziz Rahabi, d’entretenir autour de l’Algérie une tension permanente qui contraint le pays à mobiliser en permanence ses moyens humains et logistiques.

En portant le différend devant la CIJ, la junte cherche, sous la dictée de ses parrains, à disqualifier définitivement l’Algérie de tout processus de règlement de la crise malienne.

Reste que le recours à la justice internationale ne résout rien aux problèmes multiformes auxquels Bamako est confrontée. Aussi, plutôt que de favoriser l’apaisement, elle entérine une rupture politique profonde dont les conséquences fragilisent un peu plus les chances de stabilisation au Sahel. Et qu’elle soit tactique ou stratégique, la démarche malienne installe durablement la région dans l’instabilité.

TSA +