Politique

« Le passage en force est une hypothèse qu’on ne peut pas exclure »

Vendredi passé, on a assisté à un rejet massif par les manifestants sortis par milliers dans les rues d’Algérie. Pensez-vous que les élections ont encore lieu d’être ?

Louisa Dris Ait Hamadouche, politologue. Le flux observé vendredi, à Alger, et dans beaucoup d’autres wilayas, était attendu compte tenu de la fin des vacances, d’une part, et des nombreuses interventions du chef d’état-major, d’autre part.

Ces discours ont, semble-t-il, marqué l’opinion publique puisqu’un nouveau slogan est apparu, et dans lequel les manifestants contestent le fait que des discours leur soient adressés à partir de casernes.

En continuité avec ce premier aspect, les manifestants ont continué d’affirmer que le contexte politique actuel ne se prête ni au dialogue ni aux élections.

Le premier vendredi de septembre est donc une réponse à l’offre politique des autorités (appel à la convocation du corps électoral) et une esquisse de la volonté populaire qui reste la même, un changement politique profond pacifique et négocié.

Face à un état des lieux caractérisé notamment par un rejet massif des élections selon la configuration actuelle – on l’a vu lors des manifestations -, le pouvoir pourrait-il être tenté par un passage en force ?

Le passage en force est une hypothèse qu’on ne peut pas exclure mais qui paraît porteuse de davantage d’inconvénients que d’avantages. En effet, en supposant que des élections se tiennent malgré la crise de confiance, les manifestations et le boycott des principaux partis politiques de l’opposition, ce scrutin ne résoudrait rien. Le nouveau président serait mal élu et la contestation continuerait avec un risque de radicalisation des revendications et de recours à la répression.

Or, absolument personne n’a intérêt à aller vers ce scénario. L’Algérie a la chance d’avoir un soulèvement populaire pacifique et qui fait preuve de maturité. Des propositions réalistes sont faites pour résoudre de façon à négocier l’impasse actuelle. Des initiatives avancent pour faire converger les points de vue. Cela signifie que l’élection par le coup de force peut être évitée.

Qu’est-ce qui fait que les Algériens refusent d’aller voter ?

Les Algériens ne refusent pas d’aller voter, mais refusent que leur voix soit l’objet de fraude. La fraude électorale n’a plus de secret pour personne. Le rôle de l’administration, de l’argent sale, de la propagande médiatique, de la clientélisation, des intimidations et de la répression sont connus de l’opinion publique.

De fait, les Algériens veulent avoir de vraies élections. Des élections qui permettent une alternance politique, pas le remplacement d’anciens clients par de nouveaux.

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