Économie

Le pétrole va-t-il jouer les trouble-fêtes en 2019 ?

Le prix du baril est de nouveau reparti à la baisse, perdant près de 7% de sa valeur mardi 18 décembre, avant de rebondir timidement mercredi. Depuis son plus haut annuel atteint début octobre, le Brent, référence pour le pétrole algérien, a perdu près de 35%.

En fait, depuis quelques mois, le pétrole joue avec les nerfs des responsables algériens. Ce jeu de yoyo ne pouvait pas plus mal tomber, en ce sens qu’à l’approche d’une échéance électorale aussi cruciale qu’incertaine, le gouvernement ne peut entreprendre des mesures fermes pour amortir l’impact de la baisse des prix sur les équilibres budgétaires sans prendre le risque de contrarier le front social.

Certes, les dépenses de l’exercice à venir sont prévues sur la base d’un prix de référence relativement sécurisant, soit 50 dollars le baril, mais la forte baisse de ces dernières semaines risque de contraindre les autorités algériennes à la navigation à vue, c’est-à-dire à l’immobilisme en espérant que quelque miracle vienne tirer de nouveau les cours vers le haut de manière plus durable.

En attendant, les perspectives ne sont pas rassurantes. À 56 dollars le baril, on n’est pas très au-dessus du prix de référence, et comme rien n’exclut une baisse plus accrue, l’aggravation des déficits prévus dans le projet de Loi de finances 2019 demeure une éventualité très plausible. Le PLF prévoit des recettes de l’ordre de 6508 milliards de dinars, dont 2714 milliards en fiscalité pétrolière, des dépenses qui atteindront 8557 milliards, donc un déficit de 2049 milliards de dinars, soit 24% du total des dépenses. Cela, si l’on considère que le prix du baril se maintiendra à 50 dollars le baril le long de l’exercice. La fiscalité pétrolière ne représente certes que 42% de l’ensemble des recettes prévues, mais la fiscalité ordinaire en est largement tributaire à cause de l’importance de la commande et des investissements publics. Le déficit budgétaire prévu pourrait donc se creuser davantage si le baril descend en dessous de 50 dollars, ce qui pourrait advenir dès les prochaines semaines au vu du maintien de la tendance baissière.

Pour l’exercice 2019, qui commencera dans moins de deux semaines, aucun indice ne permet de prévoir une hausse conséquente des prix du baril, du moins pour les premiers mois, ni une augmentation de la production. Au volume et au prix actuels (56 dollars, soit 4 dollars de moins que le prix du marché prévu), et au même volume des importations, les recettes fiscales pétrolières enregistreront 1,2 milliard de dollars de manque à gagner si l’on considère qu’une variation d’un dollar sur le prix moyen annuel a pour conséquence de faire gagner ou perdre au pays 350 millions de dollars, soit près de 42 milliards de dinars.

À 50 dollars le baril, ce qui n’est pas à exclure à très court terme, le manque à gagner serait de 3 milliards de dollars et termes de recettes fiscales pétrolières (avec inévitablement une incidence sur la fiscalité ordinaire à cause de la relation corollaire entre les deux).

Mais la grande crainte concerne le déficit de la balance des paiements pour laquelle les prévisions sont faites sur la base du prix du marché. Dans le PLF 2019, le prix du marché retenu c’est 60 dollars le baril. À 56 dollars, on est déjà largement en-deçà. Le gouvernement ayant opté pour des prévisions triennales pour l’établissement des lois de finances, celle qui devrait être incessamment promulguée prévoit des déficits de la balance des paiements (différentiel entre les exportations et les importations) de -17,2 milliards de dollars en 2019, -14,2 milliards en 2020 et -14 milliards en 2021.

L’incidence d’une variation d’un dollar du prix du baril est de 500 millions de dollars sur toute l’année. À 56 dollars le baril, soit quatre dollars de moins, le déficit de la balance des paiements sera accru de 2 milliards de dollars et, à 50 dollars le baril, il le sera de 5 milliards. Les réserves de change subiront en toute logique la même incidence étant donné que le gros des exportations algériennes est constitué d’hydrocarbures.

Voilà donc à quoi il faudra s’attendre en termes de chiffres dès l’exercice 2019 si le prix de pétrole atteint 50 dollars : un déficit de la balance des paiements de 22 milliards de dollars au lieu de 17 milliards, et des réserves de changes qui s’élèveraient à 57 milliards de dollars au lieu de 62 milliards prévus initialement.

Chaque dollar de moins accentuera le déficit de la balance des paiements et réduira le volume des réserves de change. A titre d’exemple, un baril à 40 dollars sur toute l’année 2019, que rien n’exclut du reste, sera synonyme d’un déficit de 27 milliards pour la balance des paiements et à peine 52 milliards de réserves de change.

Que fera le gouvernement ? Dans l’immédiat, il faut dire qu’il a les mains doublement liées : par l’imminence d’une échéance électorale décisive et par le fait qu’il ne dispose d’aucun outil juridique à même de permettre des réajustements urgents, en ce sens que la loi de finances est en passe d’être promulguée. Mais la prochaine LFC risque d’être celle de la grande austérité, qu’il y ait continuité ou changement au sommet de l’État.

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