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Le Pr Zitouni dit tout sur le cancer en Algérie

Le Pr Zitouni dit tout sur le cancer en Algérie

Le rapport final du Plan cancer 2015-2019 sera remis à Tebboune le 24 mai prochain. L’annonce a été faite par le professeur Messaoud Zitouni coordinateur de ce Plan dans un entretien à l’APS, diffusé ce lundi.

« Le 24 mai 2020, nous allons remettre à monsieur le président de la République, comme prévu, le rapport final de ce plan cancer avec deux grandes composantes », a expliqué Pr Zitouni. La présentation de ce rapport sera accompagnée d’une « feuille de route » pour les 5 ou 10 années à venir.

Le Pr affirme que la première cause du cancer est le tabac. « Le tabac cause plus de 90% des cancers du poumon, près de 70% des cancers de la vessie, etc. Deuxièmement, c’est le comportement en face de l’alimentation. Le troisième facteur social est celui de l’obésité et de l’activité physique et le stress », a-t-il détaillé. « Il y a des cancers qu’on arrive à diagnostiquer tôt, par exemple celui du sein pour la femme. Vous savez qu’on est à 13000 cas par an, ce qui est énorme, d’autant qu’il atteint les femmes jeunes. Il y a le cancer du colorectum, de la thyroïde et de la vessie. Ces quatre cancers représentent 70% des cas », a-t-il ajouté.

« Nous avons des chiffres approximatifs (sur les cas de cancer). Sur les 55 000 cas recensés, les 5 premiers cancers sont : le sein, le colo rectum, le poumon, la thyroïde, la vessie », a encore détaillé le Pr Zitouni.

Le professeur est revenu, à la veille de la célébration de la Journée mondiale de lutte contre le cancer (4 février) sur les facteurs qui entravent le succès du Plan anti-cancer.

« Le premier facteur est lié à l’absence de coordination entre les différentes spécialités et différents secteurs. Ceci ne favorisant pas l’obtention de la cohérence et la cohésion voulues », a-t-il regretté, ajoutant que le deuxième facteur est relatif à la « lourdeur paralysante, étouffante » de la bureaucratie puisque « la majorité des décisions d’une importance stratégique pour le malade sont parfois prises selon le principe de la verticalité ».

Le professeur en oncologie a également évoqué les contraintes et difficultés que rencontrent les cancéreux dans la prise en charge de leur maladie, notamment en matière de qualité des soins et la pénurie des médicaments.

En matière d’accès au traitement par radiothérapie, le professeur déplore « un déséquilibre énorme » entre la répartition des appareils de radiothérapie et la population.

« La raison en est qu’on n’a pas appliqué la stratégie qui a été conseillée par le Plan cancer. Nous avions dit qu’il fallait mettre des appareils de radiothérapie dans les grands CHU (Centres hospitalo-universitaires) où existent déjà toutes les autres spécialités », a rappelé Pr Zitouni.

L’Algérie dispose actuellement de 50 appareils de radiothérapie répartis sur 25 centres (20 dans le secteur public et 5 dans le privé). En 2014, il n’y en avait que 8 centres.

Cependant, relève Pr Zitouni, « le problème avec la radiothérapie, c’est que les professionnels qui les utilisent doivent avoir une compétence très étendue et en même temps très pointue de l’utilisation de ces machines extrêmement sophistiquées. La moindre erreur d’utilisation de ces machines entraîne non seulement une inefficacité du traitement mais en plus des accidents qui peuvent être beaucoup plus graves que le cancer lui-même ».

Au sujet de la qualité des soins de radiothérapie, le Pr Messaoud Zitouni la qualifie de « magnifique » mais déplore que les soins prodigués ne soient pas remboursés.

« Les responsables de ces cliniques privées de traitement du cancer (au nombre de 5) et des experts publics sont parvenus à un texte commun dans lequel ils démontrent que la prise en charge financière au niveau des structures privées de plusieurs milliers de cancéreux en matière de radiothérapie, ne coûtait pas plus que celle des maladies cardiovasculaires », a-t-il fait observer.

S’agissant de la problématique de la pénurie des médicaments anti-cancéreux, le Pr Zitouni a déploré vivement le gaspillage enregistré dans ce domaine. « Il y a 30% des médicaments anticancéreux qui sont gaspillés. Sur 100 médicaments achetés, 30 ne sont pas utilisés ou bien sont jetés », affirme le professeur d’oncologie qui cite trois raisons pour expliquer ces pertes.

La première est « la mauvaise organisation de notre système de santé qui fait que les évaluations nécessaires ne sont pas faites ». La deuxième raison a trait aux personnes habilitées à gérer les traitements de chimiothérapie et notamment les thérapies ciblées.

« Dans tous les pays développés, ceux qui gèrent les traitements de chimiothérapie et notamment les thérapies ciblées sont les pharmaciens ou ceux qu’on appelle les pharmaco oncologues. Or chez nous, cette tâche est faite par les infirmiers avec des oncologues…et cela pose un problème de complications infectieuses, etc. », observe-t-il.

La troisième raison est à chercher dans les déchets qui ne sont pas traités de manière rationnelle « ce qui fait que les médicaments anticancéreux destinés à guérir les malades causent des cancers aux personnels des services d’oncologie médicale du fait que la manipulation n’a pas été bien faite ».

À ce titre, Pr Zitouni a déclaré que le comité qu’il coordonne a proposé la création « d’unités centralisées cytotoxiques sous la responsabilité onco-pharmacologue ».

En ce qui concerne l’accompagnement des malades cancéreux, le Pr Zitouni n’y va pas de main morte. « Il n’y a pas d’accompagnement. Il n’y a pas une bonne orientation des malades qui sont laissés à eux-mêmes. C’est pourquoi nous avons suggéré la création de la formation de médecins généralistes coordinateurs du cancer », a-t-il annoncé.

L’oncologue a déploré en outre ce qu’il appelle « la mauvaise gestion » du Fonds cancer quasiment inexploité depuis sa création par décret en 2012. « Sa gestion a été mauvaise, incohérente, incompréhensible et inefficace. Les ressources dudit fonds proviennent des taxes sur le tabac, l’alcool et les boissons gazeuses. Grâce à cette manne, le fonds peut engranger environ 3 milliards de DA annuellement. Jusqu’à décembre 2018, le Fonds cancer disposait de 38 milliards DA dont 1% seulement sont dépensés. Le reste revient au Trésor public », a révélé Pr Zitouni.

Évoquant les malades cancéreux du sud du pays et des innombrables contraintes qu’ils rencontrent, le Pr Zitouni a suggéré d’adopter le modèle des Canadiens qui ont développé les transports médicaux et une prise en charge particulière du personnel de santé qui accepte d’aller dans les zones éloignées.

« Les distances dans les régions du sud se comptent en centaines de kilomètres, on aurait dû – et on pourrait le faire, cela a été prévu mais n’a pas été appliqué- assurer le transport dans le sud et essentiellement les transports aériens légers comme les hélicoptères médicalisés. En deuxième lieu, il faut assurer les compétences humaines. Les gens ne veulent pas aller dans le sud », a indiqué Pr Zitouni.

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