Politique

Législatives : les défis socio-économiques qui attendent le prochain gouvernement

La nouvelle carte politique du pays s’est dessinée avec l’annonce des résultats des élections législatives du 12 juin.

Il est peut-être inopportun de parler de nouvelle carte puisque les mêmes forces qui dominaient le Parlement avant le soulèvement du 22 février et le départ du président Abdelaziz Bouteflika sont arrivées en tête du scrutin.

Le trio FLN-RND-MSP a raflé 226 sièges sur les 407 que compte l’Assemblée populaire nationale (APN), soit la majorité absolue.

La nouvelle Constitution prévoit deux cas de figure pour la constitution du gouvernement.

En cas de « majorité présidentielle », le président de la République nomme un Premier ministre pour exécuter son programme.

Si une coalition de partis détiennent la majorité, ils peuvent constituer un gouvernement dirigé par un chef de gouvernement, soit une sorte de cohabitation avec le président, comme cela arrive dans les démocraties à régime semi-présidentiel.

Mais selon toute vraisemblance, c’est vers la première option que l’on se dirige, c’est-à-dire un Premier ministre choisi par le président de la République, avec le soutien des partis arrivés en tête du scrutin.

Même si le MSP décide de ne pas intégrer le gouvernement, le président disposera d’une majorité confortable avec le soutien du Front El Moustakbal de Abdelaziz Belaïd (48 sièges) et le mouvement El Bina de Abdelkader Bengrina (48 sièges), les indépendants (78 sièges) et le FLN (105 sièges).

En somme, c’est une nouvelle coalition nationalo-islamiste qui s’apprête à porter le programme du chef de l’Etat pendant les années qui s’annoncent pour le moins difficiles et aux défis sérieux.

La tâche ne s’annonce franchement pas facile dans une conjoncture économique et financière qui n’a rien à voir avec l’aisance des différents quinquennats de Bouteflika.

Pour ne s’en tenir qu’aux principaux indicateurs, le contraste saute aux yeux : les réserves de change qui avaient frôlé les 200 milliards de dollars dans les années du pétrole cher ne sont plus qu’à une quarantaine de milliards, le pétrole a atteint laborieusement la barre des 70 dollars le baril alors qu’il s’est vendu à plus de 140 dollars en 2008.

Ce n’est pas tant la baisse des prix qui constitue un casse-tête pour l’Algérie, mais le recul de sa production d’hydrocarbures et la hausse continue de la consommation interne.

La loi de finances complémentaire (LFC) pour 2021 prévoit un déficit budgétaire abyssal, à plus de 3 000 milliards de dinars. Pour éviter la dégradation des équilibres macroéconomiques, le gouvernement ne dispose pas de beaucoup de leviers. Il envisage de procéder à des émissions permanentes de bons du Trésor sur formule et de bons et d’obligations du Trésor en compte courant, en sus de la gestion du taux de change.

Avec la crise sanitaire, c’est un alignement défavorable des planètes qui ne pouvait pas plus mal tomber pour le pays qui fait face à des défis énormes.

 Cette baisse des recettes ne pouvait pas plus mal tomber pour le pays qui fait face à des défis énormes. Sur le plan social, il y a autant de poudrières qu’il y a de secteurs et de catégories professionnelles et sociales.

| LIRE AUSSI : « Les défis de l’Algérie sont d’ordre économique et de sécurité régionale »

Ne pas se tromper dans le choix des hommes

L’ébullition a commencé avant même les élections législatives et les revendications mises en veille peuvent être remises sur la table à tout moment.

A défaut d’une manne inépuisable pour se montrer généreux avec les demandeurs d’un meilleur salaire, d’un meilleur pouvoir d’achat, d’un logement, d’eau potable, de gaz ou d’électricité, le futur gouvernement devra savoir se montrer convaincant, ce qui risque de s’avérer compliqué vu les conditions dans lesquelles est élue l’assemblée de laquelle sera issu l’exécutif.

C’est là toute l’importance d’un taux de participation appréciable, notamment dans une élection législative.

Or, cela n’a pas été le cas pour le scrutin du 12 juin qui a connu un taux d’abstention record (23.03% de participation).

Un gouvernement issu d’un Parlement « bien élu » peut aussi prétendre rétablir la confiance qui, dans la conjoncture actuelle, fait grandement défaut, notamment dans le milieu des affaires et de l’investissement.

Déjà très peu performante en dehors de l’exportation du gaz et de pétrole, l’économie nationale a été sérieusement ébranlée par ce qui s’est passé ces deux dernières années et même avant, avec notamment la fermeture de dizaines d’usines appartenant aux proches de l’ancien président, les changements répétés de la législation, l’indécision sur plusieurs dossiers, l’instabilité politique et les entraves à certains investisseurs constatées dans les dernières années du règne de Bouteflika.

L’urgence est effectivement là : mettre en place un nouveau code des investissements et offrir toutes les garanties au capital national et étranger.

Dès le début de son mandat, le président de la République a soutenu que la seule issue pour le pays afin d’atténuer les effets de la baisse des recettes des hydrocarbures c’est de développer les autres secteurs. En août dernier, il a même fixé un chiffre ambitieux : atteindre cinq milliards de dollars d’exportations hors hydrocarbures dès 2021.

 Même si une telle performance semble difficile en l’état actuel de l’économie nationale, l’Algérie est condamnée à la réaliser et à la dépasser tant le pétrole et le gaz deviennent chaque année une ressource plus aléatoire.

Cela doit constituer la priorité du prochain gouvernement et la mission ne sera possible que dans le cas d’une rupture totale avec les pratiques du passé dans la gestion et le choix des hommes.

Lors de la formation de la nouvelle équipe, le président de la République n’aura pas droit à des erreurs de casting.

Les plus lus