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Les accusés dans l’affaire Sonatrach-Saipem condamnés : et maintenant ?

Les accusés dans l’affaire Sonatrach-Saipem condamnés : et maintenant ?

C’est ce que sans doute les autorités algériennes redoutaient le plus. Que les faits de corruption dans le scandale Sonatrach-Saipem soient avérés. Voilà, c’est fait : les principaux mis en cause dans l’affaire viennent d’être condamnés par le tribunal de Milan. Pour la justice italienne, il n’y a pas l’ombre d’un doute, des pots-de-vin ont été versés par des responsables de la compagnie pétrolière italienne pour obtenir illégalement un gros marché en Algérie.

Le procureur italien a conclu qu’il y avait « un groupe criminel organisé avec une composante franco-algérienne et de l’autre côté une structure organisationnelle à l’intérieur d’Eni et de Saipem » et les preuves qu’il a pu rassembler sur le versement de 197 millions d’euros à des responsables algériens ont été suffisamment convaincantes pour que les juges prononcent des sentences plutôt lourdes.

Côté Saipem, son directeur au moment des faits et son ex-directeur en Algérie ont écopé de la même peine, quatre ans et neuf mois de prison ferme, tandis que l’ex-directeur financier de la compagnie italienne s’est vu infliger quatre ans et un mois. Côté « algérien », les peines ne sont pas moins lourdes : cinq ans et cinq mois pour Farid Bedjaoui, quatre ans et un mois pour Samir Ouraied et Omar Habour.

Certes, ce n’est pas encore la case prison pour les condamnés qui pourront toujours faire appel, mais leur condamnation en première instance est suffisante pour mettre les autorités politiques et judiciaires algériennes dans la gêne puisque la preuve est maintenant apportée qu’une entreprise étrangère a obtenu illégalement au moins un marché en Algérie en graissant la patte à des responsables, qui ne peuvent être que des fonctionnaires algériens.

Qui sont-ils, où sont-ils et pourquoi personne n’a été inquiété ? L’opinion publique est en droit de se poser de telles questions et bien d’autres encore. La justice italienne a puni les corrupteurs et les intermédiaires et si elle n’est pas allée plus loin c’est parce qu’elle n’a pas pu mettre la main sur Farid Bedjaoui et les autres intermédiaires, les seuls à connaître la destination finale de l’argent perçu. La justice algérienne, elle, n’a pas bougé le petit doigt et c’est ce que l’opinion nationale retiendra de cette scabreuse affaire.

Que s’est-il passé pour que soit annulé le mandat d’arrêt lancé à l’encontre de Chakib Khelil, ministre de l’Énergie et des Mines au moment des faits ? Tout ce que l’on sait, c’est qu’après avoir été annoncé en conférence de presse, le mandat d’arrêt fut annulé et son auteur, le procureur général d’Alger, relevé de ses fonctions.

L’opinion publique n’a pas eu droit à d’autres explications que celles fuitées via des canaux officieux et présentant toute la procédure comme une cabale montée de toutes pièces par l’ex-DRS à l’encontre du ministre. Mais que dira-t-on maintenant qu’une justice d’un pays étranger a apporté la preuve qu’au moins un marché de huit milliards d’euros a été attribué non pas sur la base des critères prévus dans le code des marchés publics pour préserver les intérêts de la collectivité nationale, mais parce qu’une société étrangère à su acheter des fonctionnaires algériens véreux ?

Quand bien même Chakib Khelil serait ce « meilleur ministre de l’histoire de l’Algérie » comme l’avait qualifié l’ex-SG du FLN, Amar Saâdani, le jugement du tribunal de Milan exprime une terrible vérité : la société italienne Saipem a versé, via des intermédiaires, 197 millions d’euros à des responsables algériens qui sont peut-être toujours en fonction.

Un verdict qui ne pouvait pas plus mal tomber pour les autorités algériennes car intervenant précisément au lendemain de l’appel lancé par le président de la République pour la constitution d’un « front populaire solide » pour la lutte contre les fléaux de la drogue et de la corruption. Il survient surtout simultanément à l’opération « mains propres » qui touche de hauts gradés de l’armée.

Une démarche qui pourrait s’apparenter à une énième chasse aux sorcières si les autorités, politiques ou judiciaires, n’apportent pas de réponse à cette question toute simple : qui a touché les 197 millions d’euros versés par les Italiens ?

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