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« Les conditions d’une élection régulière et transparente ne sont pas réunies »

« Les conditions d’une élection régulière et transparente ne sont pas réunies »

Le 25 septembre, vous avez annoncé que vous ne seriez pas candidat à la présidentielle du 12 décembre, sans toutefois motiver votre décision. Peut-on aujourd’hui connaître les raisons de votre refus d’entrer dans la course ?

Les conditions d’une élection régulière et transparente n’étaient pas réunies, elles le sont encore moins aujourd’hui.

À mon sens, nous ne sommes pas dans un climat de nature à garantir le passage d’un système autoritaire à un système démocratique réclamé par des millions de citoyens et de citoyennes.

Je m’investis depuis longtemps dans le combat pour une transition démocratique, pour favoriser les convergences et rapprocher les positions mais je refuse de cautionner une autre confiscation de la victoire du peuple.

Au moins deux signataires de la plateforme de Aïn Benian ont annoncé leur candidature. La plateforme n’est-elle plus d’actualité ?

Les mesures de confiance et d’apaisement et une autorité véritablement indépendante d’organisation, de contrôle et proclamation des résultats sont les axes de Ain Benian qui est une plateforme responsable et le début d’un dialogue pour un consensus national.

Ain Benian, qui était ouverte et négociable, reste l’offre de sortie de crise la plus complète et la plus pragmatique et s’inscrit parfaitement dans l’esprit de Mazafran. Le pouvoir n’en a retenu que des éléments de langage pour lui substituer l’esprit de la lettre de Bouteflika du 11 mars dernier et organiser un passage en force programmé par le commandement de l’armée et exécuté par le dernier gouvernement des frères Bouteflika.

Dans la gestion des questions d’Etat, le pouvoir de nomination ne suffit pas à lui seul pour changer une situation ou en créer une nouvelle. Seul l’équilibre entre les pouvoirs est en mesure de le faire.

On assiste à un inquiétant recul en matière des libertés avec les arrestations d’hommes politiques et de manifestants. Comment l’expliquez-vous ?

Incontestablement, sur la question des droits fondamentaux comme la liberté d’expression, nous vivons une période pire que celle vécue sous l’état de siège. Les tenants du pouvoir ont des réflexes sécuritaires mais ne réalisent pas que cet épouvantail est peu mobilisateur dans des situations de crise interne et que la nature de la crise est purement politique et sa solution l’est forcément.

En Algérie, la demande de démocratie est endogène, elle n’est pas d’essence étrangère et n’est pas une menace pour nous pas plus que pour l’étranger. En situation de crise, le respect de droits de l’homme est l’instrument de mesure le plus révélateur de la volonté politique des dirigeants qui privent chez nous des opposants de liberté et réduisent le reste au silence en contrôlant les médias publics et privés.

Le hirak revient en force depuis quelques semaines et de nombreux maires ont annoncé leur refus d’encadrer les élections. Le scrutin peut-il avoir lieu dans ces conditions ?

Le hirak, par son caractère massif, national et pacifique, a créé une nouvelle situation et le pouvoir non habitué à des demandes de cette nature n’arrive toujours pas à mesurer la portée de cette accélération de l’histoire de l’Algérie.

À défaut de l’accompagner et en faire un motif de poids pour rompre avec l’ancien système, le pouvoir cherche à l’affaiblir et à le diaboliser et lui propose, huit mois après, la continuité du système Bouteflika sous d’autres formes. C’est la principale raison de son incapacité à établir la confiance avec une partie du peuple.

Quelles options reste-t-il au pouvoir ? Peut-on envisager un autre report de l’élection ?

Le pouvoir est afféré à sa logique, la preuve il n’a tenu compte d’aucune des propositions politiques qui lui ont été faites pour une sortie de crise consensuelle et globale. Un faible taux de participation peut entacher la légitimité, la fraude n’est pas à exclure et la gestion du pays après le 12 décembre sera problématique et même plus tard, les législatives pourraient donner une autre réalité de la représentation populaire. Une élection n’est pas une formalité, c’est un moment clé dans l’articulation et la consolidation des institutions de la Nation.

Vous avez toujours appelé à une solution consensuelle. Une telle solution est-elle encore possible ?

Les phases de pré-transition réclament un sens élevé de l’Etat que l’on rencontre souvent chez les partis, les élites et les citoyens qui font la différence entre l’Etat et le système politique. Le hirak a beaucoup aidé à dépasser les clivages idéologiques et autres pour rendre possible une solution globale et inclusive à laquelle nous étions sur le point d’aboutir et qui a été sabotée par le pouvoir qui se retrouve ainsi en tête-à-tête avec le peuple, que nous considérons comme l’acteur de son histoire et que le gouvernement tient pour une masse de potentiels électeurs.

Le pouvoir, depuis 1962, s’est installé dans une logique de rapports de force et ne mesure pas réellement le changement dans la société et particulièrement au sein de la jeunesse.

À quels scénarios devrions-nous nous attendre au lendemain du 12 décembre, si le scrutin a lieu ?

Un compromis solidaire est nécessaire et urgent car une élection dans les conditions actuelles représente un risque de fragilisation du pays et peut concourir à mettre en place les ingrédients de « l’ingouvernabilité » du pays. Il ne s’agit pas uniquement de sortir du statu quo à tout prix mais de stabiliser le pays pour longtemps.

Mouloud Hamrouche a insinué que le futur président, même s’il est démocratiquement élu, n’aura pas les coudées franches et ne pourra rien faire dans les conditions actuelles. Partagez-vous cet avis ?

Le commandement de l’armée, institution permanente de la République comme partout ailleurs, n’a pas, historiquement, été un élément de promotion de la démocratie mais il a une opportunité de le faire comme dans les expériences de transition démocratique en Espagne, au Portugal et en Corée du Sud.

Il reste qu’en Algérie, si un président tient sa légitimité de l’armée, il aura les pouvoirs que celle-ci voudra bien lui concéder. S’il la tient du peuple, le commandement de l’armée se limitera à ses missions constitutionnelles.

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