search-form-close
Les leçons d’une grève pas comme les autres

Les leçons d’une grève pas comme les autres

Le Cnapeste a officiellement mis fin à sa grève qui aura duré un mois à l’échelle nationale et bien plus dans certaines wilayas. Les cours reprennent donc normalement ce jeudi 1er mars dans les établissements et c’est tant mieux pour les élèves qui voient ainsi s’éloigner le spectre de l’année blanche.

De vagues promesses

Maintenant que les lycéens et leurs parents peuvent respirer, l’opinion publique, qui a suivi avec un intérêt réel ce long bras de fer, est, elle, en droit de se poser des questions. La première est mêlée de beaucoup de regrets : n’eût-il pas été préférable de prendre cette décision de reprendre le travail plus tôt, du moment qu’aucune revendication n’a été concrètement satisfaite au bout ?

Du moins pas pour le moment puisque cette fois, le puissant syndicat des professeurs du secondaire se serait contenté de vagues promesses, dont une partie tourne autour de la prise en charge des retombées du débrayage lui-même, à savoir la levée des mesures disciplinaires prises à l’encontre des grévistes.

Les conditions de cet « assagissement » soudain du Cnapeste posent aussi question, le conclave qui a débouché sur l’arrêt immédiat du débrayage n’ayant pas fait suite à un round de négociations avec la tutelle.

Pendant des semaines, cette dernière a multiplié les mesures répressives à l’encontre des grévistes, signifiant leur radiation à des milliers d’enseignants, ponctionnant les journées non travaillées, gelant les salaires. Le Cnapeste n’a peut-être pas perdu à l’usure, mais cette pression soutenue a sans doute donné à réfléchir à ses responsables : à ce rythme, seuls les irréductibles continueraient à suivre leur mot d’ordre. Dès la deuxième semaine de la grève et les premières mesures de la tutelle, celle-ci annonce quotidiennement que des milliers d’enseignants reprennent le travail. Des chiffres jamais démentis par le syndicat.

| LIRE AUSSI : Fin de la grève dans les écoles : le gouvernement et le Cnapeste entretiennent l’opacité

Dans la sphère syndicale aussi, « l’isolement » du Cnapeste n’a fait que s’aggraver, au moment où son action, son intransigeance et ses méthodes commençaient à exaspérer dans l’opinion et surtout « en haut lieu ». Le mot est lâché par le porte-parole du Cnapeste, Messaoud Boudiba, ce mercredi sur TSA : « De nombreuses parties nous ont contactés (…). Les hautes autorités du pays nous ont donné des garanties. »

C’est sans doute de ce côté-là qu’il faut chercher l’explication à ce dénouement. Pressions ou garanties, cela importe peu. Ce sont donc les « plus hautes autorités du pays » qui ont pesé de tout leur poids pour mettre fin au conflit, ou du moins le mettre en veilleuse. D’autant qu’avant M. Boudiba, la ministre Nouria Benghabrit avait annoncé sur sa page Facebook que les portes du dialogue étaient de nouveau ouvertes « en droite ligne des orientations de SEM le président de la République sur le renforcement du dialogue et de la concertation avec l’ensemble des partenaires sociaux ».

| LIRE AUSSI : Pourquoi le Cnapeste a suspendu sa grève

Intervention de la présidence

Une incursion de la présidence du reste prévisible dès lors que certains grévistes ont tenté d’utiliser une carte qu’ils croyaient maîtresse : les élèves. M. Boudiba le confirme presque explicitement lors de son passage sur TSA Direct ce mercredi : « Les élèves également sont entrés dans l’équation. »

Rappelons que dès les premières mesures de radiation des grévistes et leur remplacement, des milliers d’élèves ont protesté par diverses formes, allant jusqu’à investir la rue pour « réclamer » leurs enseignants, refusant de suivre les cours dispensés par les vacataires et autres retraités. Ce fut sans doute le tournant de cette longue grève.

Des lycéens dans la rue, de surcroît à Alger, c’est une ligne rouge de franchie dans une conjoncture sociale plus que précaire. Que le Cnapeste en soit l’instigateur ou pas, cette entrée en jeu des élèves aura été déterminante.

Reste maintenant la grande inconnue : qui a remporté le duel ? Pour le moment, il n’y a pas de vainqueur déclaré, mais un perdant certain, les élèves.

En attendant que les « plus hautes autorités du pays » concrétisent leurs « garanties », le Cnapeste et la tutelle pourront méditer les leçons de cette grève et surtout songer au meilleur moyen de rattraper les cours perdus, même si Messaoud Boudiba promet tout juste que « l’enseignant va travailler et faire en sorte que l’élève ait le seuil demandé de connaissances scientifiques pour l’année prochaine ». Une situation qu’un peu plus de flexibilité de part et d’autre aurait permis d’éviter. Dommage…

| LIRE AUSSI : Le Cnapeste, ange ou démon ?

  • Les derniers articles

close