Le Maroc veut rendre rentable le Sahara occidental dont la colonisation lui coûte cher et grâce à l’énergie verte, mais l’électricité qui y sera produite sera entachée du sang des Sahraouis.
Le célèbre magazine américain Forbes a publié dimanche 26 novembre une longue enquête sur les projets illégaux du Maroc d’installer de vastes fermes éoliennes et solaires dans les territoires sahraouis occupés.
Avec un titre très inspiré, qui résume les visées marocaines et la souffrance du peuple sahraoui : « Moroccogate : corruption et sang renouvelable au Sahara Occidental ».
L’objectif du Maroc est de rendre « rentable » le territoire pour l’occupation duquel il dépense des sommes colossales chaque année.
Selon Forbes, le seul mur de séparation érigé entre les territoires occupés et les territoires libérés coûte au Maroc la somme de deux millions de dollars par jour entre frais de personnel et de technologies de surveillance.
En plus des autres dépenses militaires et celles nécessaires pour maintenir coûte que coûte dans un environnement inhabitable une population ramenée du nord du Maroc (stations de dessalement coûteuses, incitations fiscales et autres).
En envisageant de grands projets d’énergies renouvelables, le Maroc vise à rattraper son retard sur l’Algérie en matière d’énergie et de ressources, d’imposer le fait accompli au Sahara occidental et de rendre la colonisation du territoire sahraoui « rentable ».
D’autant plus que toutes les explorations effectuées par la compagnie française Total depuis les années 1970 pour y trouver du pétrole se sont avérées vaines.
Dans son budget pour 2024, le gouvernement marocain prévoit des projets de production d’énergies renouvelables « gargantuesques », pour reprendre l’expression de Forbes.
Des projets éoliens et solaires qui seront implantés majoritairement (à 81 %) au Sahara occidental, qui est sous occupation militaire. Or, cela pose problème au regard du droit international, sachant que les Nations Unies considèrent officiellement le Sahara occidental comme un « territoire non autonome en cours de décolonisation ».
C’est la compagnie d’électricité Nareva, détenue à 100 % par la holding royale marocaine Al Mada, qui possède presque tous les projets de parcs éoliens au Sahara occidental. Les projets, rappelle le magazine américain, ont été présentés en 2012.
Comment le Maroc veut rendre viable la colonisation coûteuse du Sahara occidental
Il est prévu la construction de deux parcs dans les territoires occupés où deux sites sont en développement : un de 100 MW près de Boujdour et un autre de 300 MW à Tiskrad, près d’El Ayoun.
C’est surtout sur l’éolien, plus que sur le solaire que mise l’occupant marocain à cause des vents forts qui balaient constamment les côtes du Sahara occidental, allant de 7 à 11 mètres par seconde.
Mais il y a un sérieux problème. L’occupation du territoire sahraoui étant illégale conformément au droit international, le Maroc n’est pas sûr de pouvoir acheminer l’énergie produite jusqu’en Europe.
Bien que le Portugal, l’Espagne, la France et l’Allemagne ont signé en 2016 une déclaration commune avec le royaume pour une future coopération dans le domaine des énergies renouvelables, l’Union européenne a déclaré qu’elle n’importerait pas d’énergie de ce territoire, distinct du Maroc par la force du droit, rappelle Forbes.
Les produits de la pêche, l’autre ressource du Sahara occidental exploitée abusivement par le Maroc, font face à cet écueil depuis la décision de la Cour de justice européenne déclarant illégale l’exploitation des ressources du territoire sans consultation du peuple sahraoui.
La campagne « le Sahara occidental n’est pas à vendre (WSNS) » est l’une des actions lancées par des organisations déterminées à empêcher le Maroc d’exploiter le potentiel énergétique des territoires occupées
« Le Maroc essaie de se présenter comme un leader de la transition énergétique, mais la plupart de ses nouveaux projets se situent au Sahara occidental. En impliquant des entreprises étrangères, comme Siemens, il rend l’Europe complice et crée un sentiment de normalité dans l’occupation », déclare à Forbes Mahfoud Bechri, coordinateur de WSNS, qui estime que par ces projets, « la monarchie marocaine tente de blanchir son occupation ».
« Ces entreprises sont conscientes que ce qu’elles font est illégal », ajoute-t-il, rappelant que « les accords européens ne s’étendent pas aux territoires occupés ».
Une occupation pas seulement illégale mais aussi brutale. Le magazine américain rappelle que plusieurs ONG et l’ONU ont exprimé leurs inquiétudes concernant les violations systémiques des droits humains au Sahara occidental occupé, répétant au fil des années les accusations d’actes de torture, d’atteintes au droit de manifester et à la liberté d’expression, des procès inéquitables et d’autres violations qui sont « un mode opératoire commun à travers le Maroc, de Tanger à Rabat en passant par Agadir ».