search-form-close
L’offensive turque en Syrie en cinq points

L’offensive turque en Syrie en cinq points

Des militaires turcs sont entrés ce dimanche dans Afrin, une enclave kurde nichée dans le nord-est de la Syrie et contrôlée par les Unités d’opération du peuple (YPG), une milice considérée comme « terroriste » par Ankara.

Pourquoi Ankara a lancé cette offensive ?

Cet assaut intervient au lendemain d’une opération marquée par des tirs de roquettes qui a tué dix personnes, dont la majorité était des civils, selon Birusk Hasakeh, porte-parole des YPG. « L’opération Rameau d’olivier se déroule comme prévu, l’offensive terrestre a commencé », a indiqué quant à elle l’armée turque.

La décision prise par le gouvernement Erdogan de mener une bataille sur cette zone frontalière à la Turquie s’est faite notamment en réaction au choix des États-Unis d’armer une troupe de soldats inféodés aux forces kurdes de Syrie, un précieux partenaire de la coalition internationale dans le combat face à l’État islamique (EI). Une décision qui évidemment, est restée au travers de la gorge du gouvernement turc, qui considère les YPG comme la branche armée du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), une organisation réclamant à la Turquie l’autonomie des régions kurdes. « Il est regrettable qu’un État, membre de l’OTAN et notre allié dans des relations bilatérales, déclare que les terroristes sont ses partenaires et leur fournisse des armes, sans aucun souci pour notre sécurité », a ainsi commenté Recep Erdogan.

Les Kurdes, l’obsession d’Erdogan

Fini donc, le temps où la Turquie avait fait de la chute de Bashar al-Assad sa priorité. Depuis la tentative infructueuse du coup d’État qui a secoué le pays, le gouvernement turc a abandonné cette idée, la coalition occidentale souhaitant inclure le président syrien dans leurs discussions pour mettre fin au conflit. Tandis que l’influence des forces kurdes s’épaissit dans le nord-est de la Syrie, la Turquie avait fait un pas vers la Russie, qui soutient le régime syrien, en même temps qu’elle tendait une main à l’armée syrienne. Un jeu d’alliance qu’Ankara a jugé nécessaire pour mener à bien son nouveau cheval de bataille : l’arrêt de l’avancée kurde. En août 2016, l’armée de Bachar al-Assad avait ainsi pour la première fois bombardé les forces kurdes dans la province de Hassaké.

Pour rappel, de nombreux Kurdes ont commencé à envisager au début du 20e siècle la création d’une patrie – généralement appelée « Kurdistan ». Après la Première Guerre mondiale et la défaite de l’Empire ottoman, les alliés victorieux occidentaux ont prévu un État kurde dans le Traité de Sèvres de 1920. Cependant, de tels espoirs furent anéantis trois ans plus tard, lorsque le Traité de Lausanne, qui fixait les frontières de la Turquie moderne, ne prévoyait aucun État kurde et laissait à ce peuple un statut minoritaire dans leurs pays respectifs.

Un feu vert russe ?

Jusqu’alors, les analystes consentaient à dire qu’une intervention militaire de la Turquie achopperait face à l’autorité de la Russie, qui contrôle la région et où elle y a établi une base militaire. Mais il semblerait qu’un journal de l’opposition turc a vu juste : « Si l’opération a lieu, ce sera avec l’accord des Russes, qui voudront punir les Kurdes pour leur alliance avec les États-Unis ».

Justement. Samedi 20 janvier, le ministère russe de la Défense a annoncé le retrait de ses militaires déployés à Afrin. Un choix qui n’est pas sans lien avec le réchauffement des relations entre Moscou et Ankara. Le sénateur russe Frants Klintsevich – qui est vice-président du comité de défense et de sécurité – a ainsi déclaré que Moscou ne répondrait que si les bases russes en Syrie étaient menacées, ajoutant que la Russie se trouvait dans une situation difficile, car elle avait « de bonnes relations avec Damas et Ankara ».

De son côté, le département d’État américain a appelé au calme et a tenté de minimiser les représentations d’une nouvelle « force frontalière », qualifiant plutôt le nouveau développement d’entraînement à la sécurité.

Une guerre dans la guerre ?

Au-delà d’une crispation diplomatique entre Washington et Ankara – symbole des dissensions internes auxquelles est soumise l’OTAN –, ces incidents laissent planer l’inquiétante éventualité d’une guerre entre la Turquie et la Syrie. Le gouvernement de Bachar al-Assad s’est montré catégorique. « La République arabe syrienne condamne avec fermeté l’agression turque abominable contre la ville d’Afrin qui fait partie des territoires syriens, assurant que cette agression constitue le pas le plus récent dans les attaques turques contre la souveraineté syrienne », peut-on lire sur l’agence arabe d’informations SANA. La source a ajouté que la Syrie dément formellement les allégations du régime turc qui a annoncé avoir mis au courant le gouvernement syrien de ses intentions.

Une autre crainte n’est pas à exclure : celle de voir ces assauts s’étendre à la Turquie. C’est en tout cas l’idée que soutient l’ancien leader kurde Saleh Moslem, qui en avertit le gouvernement turc. Une annonce qui ressemble à un coup de semonce à peine déguisé. « Depuis que le peuple kurde a réussi à s’unir, leur force est devenue imparable », a-t-il ajouté.

Désamorcer cette poudrière 

Présent à Alger ce 21 janvier pour la rencontre entre les pays du bassin méditerranéen, le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves le Drian a indiqué sur son compte Twitter que « ces combats doivent cesser », la France demandant à ce sujet une réunion urgente du Conseil de sécurité de l’ONU.

La ministre française des Armées, Florence Parly, craint que ces affrontements se fassent au détriment de l’ennemi commun.  Ils pourraient « détourner les forces combattantes kurdes, qui sont au côté et très engagées au sein de la coalition à laquelle la France appartient, du combat primordial contre le terrorisme », a-t-elle commenté.

  • Les derniers articles

close