
Dix mois après les élections législatives du 4 mai 2017, l’APN n’a toujours pas de règlement intérieur. Le texte, qui est toujours au niveau de la commission des affaires juridiques, devrait mettre en place un nouveau mode de fonctionnement pour qu’il soit au diapason avec la Constitution révisée en 2016.
Le Conseil de la nation (Sénat) a adopté son règlement intérieur dès le mois de juin dernier. « La situation au Parlement n’est pas normale. (L’adoption du règlement intérieur) est reporté à chaque fois. Cela retarde la mise en place des nouveaux outils de contrôle (dont bénéficie l’opposition en vertu de la révision constitutionnelle, NDLR) dont la séance mensuelle au cours de laquelle l’opposition propose l’ordre du jour », dénonce Nasser Hamdadouche, chef du groupe parlementaire du MSP.
A lire aussi : Visas diplomatiques : l’Algérie accuse la France de « mauvaise foi »
L’article 114 de la Constitution accorde à l’opposition parlementaire un certain nombre de droits dont la « saisine du Conseil constitutionnel (…) au sujet des lois votées par le Parlement ».
« Chaque chambre du Parlement consacre une séance mensuelle pour débattre d’un ordre du jour présenté par un ou des groupes parlementaires de l’opposition », dispose la Constitution.
A lire aussi : Imane Khelif dément sa retraite et accuse son ex-manager de trahison
Un texte dans le tiroir
Pour certains députés de l’opposition, le retard accusé dans l’adoption du nouveau règlement intérieur de l’APN est même volontaire. « La commission des affaires juridiques a, effectivement, tenu des séances de travail. Elle a étudié le règlement intérieur. Et maintenant, le texte est dans le tiroir ! Le but est d’empêcher l’opposition d’agir en demandant par exemple un débat général sur une question donnée », soupçonne Ramdane Tâzibt, député du PT.
Aujourd’hui, cette institution « fonctionne en dehors du temps et de l’espace », selon lui. « Cela fait dix mois que cette assemblée a été élue. Mais son fonctionnement n’est pas conforme à la Constitution révisée en 2016 », affirme-t-il.
A lire aussi : L’Algérie instaure un triple contrôle des importations
Ce n’est pas le seul dysfonctionnement dont se plaignent les élus des partis d’opposition à l’APN. Beaucoup de députés la comparent à une « chambre d’enregistrement » ou une « cathédrale dans le désert ».
Une année pour avoir une réponse
Nos interlocuteurs citent aussi le problème des questions orales. Les députés doivent attendre plusieurs mois voire plus d’une année avant de recevoir les réponses du gouvernement.
Et le report des séances ne fait qu’aggraver les choses. « Le 6 mars, nous avons reçu un SMS nous informant de la programmation d’une séance de questions orales. Une demi-heure plus tard, on nous dit que celle-ci est reportée sans nous donner une explication », relate M. Tâzibt.
« Durant les précédentes législatures, des députés recevaient parfois des réponses presque deux ans après », poursuit-il. Selon l’article 70 de la loi fixant l’organisation et le fonctionnement de l’APN et du Conseil de la nation, la question orale « reçoit du membre du Gouvernement une réponse dans un délai maximal de trente (30) jours, à compter de la date de sa transmission ».
Absence de certains responsables
Au-delà des réponses, certains responsables de l’Exécutif ne font presque jamais le déplacement au Parlement pour répondre aux élus. Nasser Hamdadouche cite notamment l’absence du Premier ministre, du vice-ministre de la Défense nationale ou encore du ministre des Affaires étrangères.
En décembre dernier, l’absence de Abdelkader Messahel pour répondre à une question orale avait même suscité l’ire d’une députée du RND.
Amira Slim avait alors évoqué un « comportement irresponsable et incorrect ». « Cette absence continue n’est pas justifiée », assure le député du MSP.
Pour lui, elle dénote le « non-respect de la Constitution » et « l’absence de coopération » entre l’APN et le gouvernement. « Certains pensent être au-dessus de l’interpellation du Parlement », lâche-t-il.
« En réalité, on ne s’attendait pas à ce que les choses fonctionnent normalement au sein de l’APN », souligne Aouamar Saoudi, député du RCD et membre de la commission des finances de l’APN.
« L’Exécutif a la mainmise sur l’APN. Il suffit de voir ce qui s’est passé avec le projet de loi définissant les règles générales relatives à la poste et aux télécommunications qui a été retiré par le gouvernement en plein débat au niveau de la commission. On n’a même pas attendu la fin de la séance », rappelle notre interlocuteur.
Une assemblée constituante comme solution ?
« En réalité, la situation politique, économique et sociale du pays exigerait que les institutions de l’État réagissent pour trouver des solutions adéquates et particulièrement l’Assemblée populaire nationale. Force est de constater que, comme un certain nombre d’institutions, l’APN issue du coup de force du 5 mai dernier ne dispose ni de légitimité, ni de crédibilité, pour agir notamment dans le domaine de contrôle de l’action du gouvernement », estime Ramdane Tâzibt.
« C’est pour ça que nous menons une campagne nationale de collecte de signature sur la lettre adressée au président de la République à travers laquelle nous lui demandons de convoquer des élections pour une assemblée nationale constituante qui soit dotée de prérogatives réelles à même de lui permettre de prendre des mesures urgentes pour sauver le pays de la crise actuelle et de contrôler effectivement l’action de l’Exécutif. Le pays a besoin de manière urgente d’un renouveau politique et institutionnel », soutient-il.