Dans cet entretien, Dr Mohamed Bekkat Berkani, membre du comité scientifique de suivi de l’épidémie du Covid-19, s’inquiète du relâchement dans le respect des gestes barrières anti-Covid par les Algériens, et en particulier le non-respect du port du masque. Le pneumologue prévient qu’une hausse prolongée des contaminations serait préoccupante à la veille de la rentrée scolaire.
Pour le 2e jour consécutif, le nombre de nouveaux cas quotidiens de coronavirus est en hausse. Est-ce que c’est inquiétant ?
Cette fluctuation était attendue. Ce n’est pas inquiétant au sens propre du terme étant donné que les chiffres ne sont pas significatifs. On ne peut pas juger sur deux jours. En revanche, si la tendance haussière se maintient, la situation deviendra inquiétante. Elle dénotera alors d’un relâchement net sur les mesures barrières par la population.
Actuellement, on assiste à un manque de vigilance et en particulier pour ce qui est du port du masque au sein de la population générale. Probablement les Algériens sont confortés par les chiffres bas des contaminations en pensant que l’épidémie est derrière eux. Pour le moment, cette hausse ne concerne que deux jours. Si elle devait perdurer au-delà d’une semaine, elle serait préoccupante.
Ce qui semble avoir favorisé ce relâchement, c’est le manque d’autorité dans l’application de la loi, notamment s’agissant de l’obligation du port du masque. Est-ce que c’est le cas ?
Il y a une mesure barrière essentielle, c’est le port du masque. Tout le monde sait maintenant qu’il ne faut plus se serrer la main. Le port du masque nous a donné des résultats dans la diminution des contaminations et surtout des cas graves. Mais il ne faut pas baisser la garde. Les citoyens doivent savoir que le virus est bien parmi nous et qu’il ne faut pas relâcher sur les mesures de prévention. Il faut apprendre à vivre avec le virus. Il est primordial de maintenir le même niveau de vigilance dans les espaces publics et surtout dans les endroits fermés.
Or, on constate de plus en plus que les commerçants ont cédé sur ces mesures en portant le masque de façon incorrecte voire n’en portent pas du tout. Ils laissent même entrer les clients qui ne portent pas de masque. Si on va avoir une tendance haussière journalière dans les prochains jours, ce serait due à une baisse de la garde et ça ne peut être que préoccupant à la veille de la rentrée scolaire.
Beaucoup de personnes doutent des chiffres avancés sur les contaminations. Dans quelle mesure cela est-il vrai ?
Il faut savoir que les services de la santé ne prennent que les cas qui sont prouvés. Nous savons la difficulté qu’il y a à réaliser un test PCR. Il y a probablement beaucoup de personnes atteintes de Covid mais qui ne sont pas diagnostiquées par PCR, comme au début par le scanner et maintenant par des tests rapides. Seulement, il y a une différence fondamentale : vous avez les cas symptomatiques, notamment les malades qui toussent ont tendance à essaimer à travers les gouttelettes de salive, le virus dans son environnement. Ces cas symptomatiques sont en général dépistés. Il y a des cas asymptomatiques qui passent inaperçus. C’est le moment de réaliser des enquêtes épidémiologiques ciblées par rapport à d’éventuels clusters.
Cette année, il y a conjonction entre la grippe saisonnière et le coronavirus, quels sont vos conseils aux citoyens quant aux mesures à prendre ?
Ce sont des infections tout à fait différentes et dont le traitement est tout à fait différent. Le coronavirus c’est la prévention, puisqu’il n’y a pas de traitement probant, mis à part le protocole thérapeutique (à base de chloroquine et d’azithromycine, Ndlr), et il n’y a pas de vaccin. Ce dernier ne sera pas disponible avant le début du premier trimestre 2021 selon les estimations de l’OMS.
Concernant la grippe saisonnière et pour ne pas faire de confusion en termes de symptômes, étant donné qu’ils sont pratiquement les mêmes que ceux de la Covid, il faut dans ce cas absolument utiliser le vaccin antigrippal de façon sérieuse en particulier dans les cas des personnes vulnérables : personnes âgées, femmes enceintes, malades chroniques. Ces catégories doivent se faire vacciner dès que le vaccin est disponible dans les officines. Aussi, et c’est un élément fondamental : le fait de porter le masque protégera de toutes les infections respiratoires. Exemples de la grippe, la rhinite et la rhinopharyngite, etc. En adoptant les protocoles et les recommandations, on diminuera les infections respiratoires hivernales.
