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Lutte contre le coronavirus en Algérie : « Il faut favoriser l’immunité collective… »

Lutte contre le coronavirus en Algérie : « Il faut favoriser l’immunité collective… »

Dans cet entretien, l’éminent professeur Idir Bitam, expert des maladies transmissibles et pathologies tropicales, dévoile sa vision de la situation épidémique en Algérie et commente la stratégie adoptée pour lutter contre la pandémie de coronavirus Covid-19. Il préconise de favoriser « l’immunité collective », tout en « protégeant les personnes vulnérables ». Pour lui, « le virus est devenu très contaminant mais moins virulent. »

Le gouvernement vient de prendre des mesures de confinement partiel. Elles font suite à une recrudescence des contaminations au Covid-19. Est-ce que c’est un retour au point de départ en matière de lutte contre l’épidémie ?

Pr Idir Bitam. Il faudrait savoir que le nombre de cas a augmenté suite à l’augmentation des centres de dépistage en PCR. On est à 30 laboratoires ce qui a fait augmenter le nombre de demandes d’analyses et du coup fait augmenter le nombre de cas positifs. Actuellement, on est entre 2 000 à 2 500 tests/jour, on se rapproche du chiffre réel des cas positifs en Algérie. On doit atteindre 3 500 tests jours pour avoir le chiffre de la situation épidémiologique. Le dépistage massif est très important. On a remarqué au niveau des hôpitaux que 80% des demandes proviennent de porteurs sains, peu symptomatiques voire asymptomatiques. Ce sont ces personnes-là qu’il faut dépister. Il faut donc les prendre en charge car elles sont des sujets contaminants et peuvent propager l’épidémie.

Les chiffres annoncés ne reflètent-ils donc pas la situation épidémiologique réelle?

Oui c’est tout à fait ça, on doit atteindre 3 500 tests jour pour avoir la réelle situation épidémiologique en Algérie.

Selon vous, qu’est ce qui n’a pas fonctionné dans le dispositif mis en place au début de l’épidémie ?

Pas assez de moyens, pas assez de structures de dépistage. D’ailleurs, même maintenant on doit augmenter le nombre de laboratoires.

La décentralisation des antennes de l’Institut Pasteur d’Algérie (IPA) et la décision de permettre aux laboratoires privés d’effectuer des tests auraient-elles dû être prises plus tôt?

Il n’y a pas que les antennes de l’IPA qui font le diagnostic moléculaire ; il y a aussi les universités qui dépendent de la Direction générale de la recherche scientifique et du développement technologiques (DGRSDT relevant du ministère de l’Enseignement supérieur). Pour répondre à votre question, oui il y a eu du retard dans la décentralisation. La DGRSDT a contribué considérablement à l’ouverture des centres de dépistage aux laboratoires de recherches aux universités. On a répertorié 14 universités capables de réaliser les diagnostics Covid. Six continuent de le faire.

Et les autres ?

En cours d’approvisionnement en appareils et consommables. La DGRSDT a lancé un appel à toutes les universités algériennes qui peuvent faire une plate-forme de diagnostic biologie moléculaire Covid de se manifester pour les aider à monter le laboratoire. Plus il y aura des centre de diagnostic plus on aura la vraie incidence de l’épidémie en Algérie.

En plus des universités il faudra ne pas oublier les hôpitaux qui font aussi le diagnostic par PCR.

Certains experts estiment que l’augmentation des tests n’explique pas à elle seule la hausse des cas de coronavirus. Ils pointent un défaut de communication qui, selon eux, a fait croire à la population qu’elle pouvait revenir à la vie normale. Même les plus hautes autorités ont pointé ce problème. Que faudrait-il changer en matière de communication ?

Bien entendu, pour ce qui est de l’augmentation des cas, il y a aussi le manque de civisme et de sensibilisation de la population quant au respect des mesures barrières, notamment la distanciation sociale. Vous remarquez que les plages à Alger, à Bejaia, Tizi-Ouzou, etc., sont bondées. On organise des fêtes avec aucun respect et protection. Il y a aussi les visites familiales. C’est terrible. Sans compter les personnes qui ne croient pas au Covid. A mon avis, il faut aller vers une sensibilisation physique. Aller vers la population et la sensibiliser physiquement. Apparemment la médiatisation n’est pas une bonne manière de sensibiliser contre le Covid.

Quel est le qualificatif que vous voyez le mieux indiqué à la situation épidémique actuelle ?

Une persistance du Covid avec mutation probable du virus. Car on compte plus de cas et moins de décès. Le virus est devenu très contaminant mais moins virulent.

Peut-on dire qu’avec les nouvelles mesures de confinement partiel, l’on puisse juguler la situation ?

Non c’est trop tard, le virus a circulé entre personnes porteuses saines. Il faudra plutôt surveiller les personnes âgées, les malades chroniques et les personnes obèses et faire en sorte qu’ils restent chez eux et qu’il n’y ait aucun contact avec les jeunes. Les jeunes en bonnes santé peuvent affronter le virus et développeront leur immunité contre le Covid. C’est ce qu’on appelle l’immunité collective.

Le confinement total est-il à envisager ?

C’est une erreur. On mettra en danger les personnes âgées, obèses et malades chroniques car elles seront en contact direct avec les porteurs sains. On aura plus de personnes dans la réanimation, et de décès.

Sur la base des deux paramètres que vous citez (réanimation, décès), on peut dire que la situation est sous contrôle ?

Pas du tout, du moment que les hôpitaux sont dépassés par le nombre de malades et souffrent du manque de lits.

Que recommandez-vous pour endiguer le virus Covid-19 ?

Personnellement, je recommande d’affronter le virus et de favoriser l’immunité collective tout en protégeant les personnes âgées obèses et malades chroniques.

Et pour faire respecter les mesures barrières ?

Faire appliquer des contraventions des personnes ne respectant pas les mesures barrières avec de fortes amendes et la prison.

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