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Manifestations publiques : la gestion « démocratique » continue sans Hamel

Manifestations publiques : la gestion « démocratique » continue sans Hamel

Peut-on parler de nouveauté dans la démarche des autorités après l’empêchement d’une marche citoyenne mardi à Béjaïa ?

S’agissant d’une région – peut-être l’une des rares du pays- où manifester publiquement était plus ou moins toléré ces dernières années, on peut bien, à première vue, crier au durcissement de l’attitude des autorités vis-à-vis des mouvements de contestation.

En Kabylie, et à Bejaïa précisément, marches, sit-in et autres rassemblements sont organisés régulièrement pour porter des revendications, sociales essentiellement.

Il arrive même qu’un axe routier névralgique, comme les RN 12, 9 et 26, soit bloqué pendant plusieurs jours devant l’œil impassible des services de sécurité. Voir la police user de la matraque après tant de laisser-faire, cela interpelle forcément.

Sauf que la marche réprimée mardi dernier portait une revendication plus « sérieuse » aux yeux d’un pouvoir qui n’apprécie que très peu que des mots d’ordre politiques soient scandés sur la place publique.

L’intitulé même de la manifestation, « la marche des libertés », était un motif suffisant pour que soit sorti l’attirail répressif du pouvoir. Parler de nouveauté, c’est avoir la mémoire courte.

En Kabylie ou ailleurs, les marches « politiques » sont interdites et cela ne date pas de ce mardi 20 novembre 2018. Depuis la fameuse marche des Arouchs en 2001, le pouvoir a adopté une démarche méthodique et constante : seules les marches « sociales » sont tolérées à travers 47 wilayas et jamais de manifestation à Alger, quel que soit son objet.

A Béjaïa justement, des conférences-débats du café littéraire de la ville d’Aokas ont été empêchés plus d’une fois. La marche même de mardi dernier avait pour but d’obtenir la libération d’un détenu d’opinion, le blogueur Merzoug Touati, qui purge à la nouvelle prison de Oued Ghir une condamnation à sept ans de prison ferme pour « espionnage ».

Partout ailleurs et de tout temps, c’est la même démarche répressive dès qu’il s’agit de crier sur la place publique un discours dissonant avec les projets du pouvoir du moment.

Hormis le MAK qui organise au moins une marche imposante chaque année à Tizi-Ouzou, aucun mouvement, parti ou association, n’a pu faire de démonstration de force dans la rue ces dernières années.

Le RCD dans les années 2011-2012, le mouvement Barakat, puis plus récemment Mouatana, en savent quelque chose.

Patron de la police de 2010 à juin dernier, Abdelghani Hamel a introduit le concept de « gestion démocratique des foules » qui consiste à recourir aux seuls bras des policiers, mobilisés en grand nombre, pour empêcher les manifestations publiques avant même qu’elles ne débutent.

Cela a plutôt bien fonctionné pour le pouvoir qui a ainsi pu étouffer dans l’œuf toute contestation politique tout en s’épargnant des scènes de violente répression préjudiciables à son image.

Hamel est parti dans les conditions que l’on sait, mais sa trouvaille est trop précieuse pour le pouvoir pour qu’il s’en déleste comme il s’est déchargé du général-major et de ses principaux proches dans la hiérarchie de la police.

Les foules continuent donc à être gérées « démocratiquement » et, sans parler de nouveauté, il y a bien escalade dans la répression depuis quelques mois. L’étouffement de toute voix discordante se fait de manière quasi systématique. Le mouvement Mouwatana, à l’avant-garde de la contestation du cinquième mandat, a été empêché au moins à trois reprises de tenir des rassemblements ces deux derniers mois : deux fois à Constantine et une fois à Béjaïa.

Les arrestations et condamnations de journalistes, notamment de la presse électronique, sont de plus en plus fréquentes. Il est vrai qu’on ne connaît pas à tous les journalistes interpellés récemment de positions hostiles au cercle présidentiel ou à son projet de « continuité », mais la simultanéité de cette escalade avec les tiraillements qu’on prête aux différentes factions du pouvoir, en lien avec l’échéance décisive de 2019, pose question. Signe d’affolement ou expression de l’exacerbation de la lutte des clans, quoi qu’il en soit, cette nouvelle vague de répression n’augure rien de bon.

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