Après son adoption par le Sénat en février dernier, la proposition de loi qui vise à interdire aux sans-papiers de se marier en France va être étudiée par l’Assemblée nationale ce jeudi 26 juin.
Plusieurs associations de défense des droits des étrangers en France ne sont pas restées les bras croisés. Un collectif s’est d’ailleurs constitué et un communiqué a été publié pour exhorter l’Assemblée nationale à rejeter cette proposition de loi.
Plusieurs associations, dont La Cimade, l’Anvita, le Gisti, la LDH, mais aussi le Syndicat des avocats de France ainsi que SOS Racisme ont publié un communiqué où elles soulignent que l’adoption d’une telle loi « reviendrait à créer des discriminations injustifiées » et à « remettre en cause l’universalité des droits humains ».
« Une remise en cause frontale à la liberté fondamentale »
Le communiqué explique que le texte propose l’ajout d’un article 143-1 au Code civil qui stipule que « le mariage ne peut être contracté par une personne séjournant de manière irrégulière sur le territoire national ».
Il s’agit « d’une remise en cause frontale à la liberté fondamentale que représente le mariage », dénonce le collectif, ajoutant que la liberté de se marier est garantie par la Constitution et la jurisprudence en France, par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales en Europe ainsi que par la Déclaration universelle des droits de l’Homme.
L’adoption de cette nouvelle loi implique, précise le communiqué, « une interdiction de portée générale, exempte de tout contrôle a priori ». Ainsi, si l’Assemblée nationale vote oui, « aucune personne en situation irrégulière ne pourrait contracter un mariage », ce qui constitue « une discrimination » à l’encontre des étrangers établis en France et de leurs futurs conjoints, français ou étrangers, estiment ces associations.
Après son passage au Sénat, le texte, qui ne contenait initialement qu’un seul article, a été réécrit. Outre son titre, qui est devenu « proposition de loi visant à renforcer les prérogatives des officiers de l’état civil et du ministère public pour lutter contre les mariages simulés ou arrangés », il a aussi été modifié sur le fond de manière à donner aux maires des outils leur permettant de ne pas officialiser les unions des personnes présentes de manière irrégulière en France.
Mariage des sans-papiers en France : qu’est-ce qui risque de changer ?
Ainsi, le collectif nous apprend que l’article 1.A de cette proposition de loi oblige « les futurs époux étrangers à fournir à l’officier de l’état civil […] tout élément lui permettant d’apprécier leur situation au regard du séjour ». Cela revient à « doter les maires d’un redoutable outil pour discriminer leurs administrés », dénonce le communiqué.
L’application de cet article va « transformer les mairies en organes de police migratoire », soulignent les associations, rappelant que la tâche de contrôler le droit au séjour « relève à ce jour exclusivement des préfectures ».
Il y a aussi l’article 1.B de cette proposition de loi qui stipule qu’un silence de la justice, si elle a été saisie en cas de doute sur le consentement de l’un des époux, dépassant 15 jours, sera considéré comme une décision de suspension du mariage par défaut, pour deux mois renouvelables une fois.
Il est à noter que le procureur dispose déjà actuellement, pour autoriser, suspendre ou s’opposer au mariage, de 15 jours. Mais s’il décide d’une suspension, celle-ci peut durer jusqu’à un mois seulement, renouvelable une fois par décision motivée. La proposition de loi a donc doublé les délais.
Il s’agit d’introduire « un effet suspensif automatique et disproportionné, fondé non pas sur la suspicion de fraude, mais sur le défaut de réponse des parquets », dénonce le communiqué qui ne manque pas de rappeler que les services judiciaires, policiers et administratifs souffrent de « saturation ».
Adopter ce projet de loi, c’est céder à une « politique migratoire aux relents racistes et xénophobes »
Le communiqué estime, par ailleurs, que cette proposition de loi intervient dans un contexte « où des maires se saisissent de la question des mariages pour faire avancer un agenda raciste ou xénophobe », ce qui fait « qu’il ne saurait être question de leur confier la capacité de faire obstacle au mariage de personnes étrangères ».
De plus, le collectif estime que la France est déjà dotée d’un système législatif qui permet « aux pouvoirs publics de s’opposer à la célébration d’un mariage frauduleux », ce qui rend la proposition de loi « totalement inutile et infondée ».
Le communiqué n’omet pas de regretter le fait que le président de la République, Emmanuel Macron, « ait apporté son soutien à cette proposition de loi pourtant anticonstitutionnelle », en déclarant notamment que le droit était « mal fait ».
Pour finir, le collectif assure que cette proposition de loi « cumule décidément toutes les tares », notamment « une discrimination fondée sur la nationalité et le statut administratif », « l’atteinte à une liberté fondamentale », sans oublier « l’enrôlement des maires au service d’une politique migratoire aux relents racistes et xénophobes ».
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