Elisabeth Moore Aubin, ambassadrice des États-Unis en Algérie, est critiquée au Maroc par les relais du palais royal pour s’être déplacée dans les camps des réfugiés sahraouis de Tindouf.
Les attaques, incompréhensibles à première vue, contre la diplomate américaine cachent mal le désarroi des autorités marocaines devant la position de moins en moins tranchée de Washington vis-à-vis de la question du Sahara occidental.
L’ambassade des États-Unis à Alger a été très claire dans son communiqué annonçant le déplacement de l’ambassadrice, le 16 novembre. La représentation américaine avait expliqué que Mme Aubin se rendait à Tindouf dans le cadre d’une mission humanitaire organisée par le Haut-commissariat de l’ONU aux réfugiés (HCR).
Dans son communiqué, l’ambassade avait rappelé que les États-Unis étaient le premier donateur international pour les réfugiés sahraouis, fournissant la moitié du total de l’aide annuelle, à hauteur de 10 millions de dollars par an.
Le caractère humanitaire de la mission a été confirmé par l’ambassadrice dans un message publié sur le réseau social X une fois sur place.
Exploring Tindouf with a UN donor mission to Sahrawi camps, organized by UNHCR. As the largest donor, the U.S. contributes annually for humanitarian aid. Committed to supporting the UN political process on Western Sahara. pic.twitter.com/kQEfjcWeLd
— Ambassador Aubin (@USAmbtoAlgeria) November 16, 2023
« À Tindouf avec une mission de donateurs de l’ONU dans les camps sahraouis, organisée par le HCR. En tant que plus grand donateur, les États-Unis contribuent chaque année à l’aide humanitaire », a écrit la diplomate, accompagnant son message de photos prises dans cette région du sud-ouest algérien.
Ce n’est pas la première fois qu’un ambassadeur américain en poste à Alger effectue un tel déplacement dans les camps de réfugiés de Tindouf. En 2018, John Desrochers s’y était rendu.
Mme Aubin s’est elle-même déplacée à Tindouf en mai 2022. Cette fois, le Makhzen a réagi via ses relais médiatiques. « A quoi joue Washington ? », s’est interrogé le journal marocain en ligne H24 Info, qui s’attarde sur la présence de Mme Aubin à l’aéroport d’Alger avec des responsables de partis politiques algériens, avant le départ pour Tindouf.
Washington n’évoque plus la « marocanité » du Sahara occidental
Si cette visite fait autant de bruit au Maroc, c’est qu’elle suscite des inquiétudes quant à la position des États-Unis sur le dossier.
L’ancien président américain Donald Trump a reconnu en décembre 2022 « la souveraineté marocaine » sur le Sahara occidental en contrepartie de la normalisation des relations du Maroc avec Israël.
Mais son successeur Joe Biden ne s’est jamais montré empressé de donner corps aux engagements de Trump, comme l’ouverture d’un consulat à Dakhla. Joe Biden s’est aussi opposé en 2021 à la tenue d’une partie des traditionnels exercices militaires avec le Maroc, African Lion, au large du Sahara occidental.
En mai dernier, des déclarations d’un porte-parole du Département d’État considérant le plan d’autonomie comme seulement une option parmi d’autres, sans faire référence à la « marocanité » du Sahara, avaient été critiquées par le Maroc qui s’en est officiellement plaint.
Ce qui agace aussi Rabat, c’est la référence désormais systématique dans les déclarations officielles américaines au soutien à la mission de l’Envoyé personnel du secrétaire général de l’ONU pour le Sahara occidental, Staffan de Mistura.
Dans le communiqué de l’ambassade des Etats-Unis à Alger annonçant le voyage de Mme Aubin dans les camps de réfugiés sahraouis à Tindouf, il a été réitéré la volonté des États-Unis de continuer à « soutenir le processus politique des Nations Unies sur le Sahara occidental, y compris les efforts de l’envoyé personnel du SGNU, Staffan de Mistura, pour mener ce processus » afin de parvenir à « une solution durable, digne et soutenue au niveau international au conflit du Sahara occidental ».
« Engagée à soutenir le processus politique des Nations Unies sur le Sahara occidental », a confirmé Elisabeth Aubin dans son tweet à partir de Tindouf.
Le langage des États-Unis n’est pas celui d’un État qui reconnaît le Sahara occidental comme un territoire sous souveraineté marocaine. La confirmation est venue une nouvelle fois ce mardi 21 novembre lorsque le porte-parole du Département d’État Matthew Miller a, même s’il a évoqué le soutien de son pays au plan d’autonomie marocain, douché les espérances de Rabat.
Le responsable américain a réitéré le soutien de Washington à la mission de De Mistura qui, a-t-il dit, « intensifie le processus politique mené par l’ONU afin de promouvoir sans plus tarder une solution durable ».