search-form-close
Maroc – UE : les limites d’un partenariat fondé sur la stabilité politique

Maroc – UE : les limites d’un partenariat fondé sur la stabilité politique

DR
UE - Maroc

Il s’agit d’un coup dur pour le secteur agricole du Maroc. La France s’inquiète des effets sur la santé de l’utilisation des engrais phosphatés marocains. Quant à l’Union Européenne, elle s’oriente vers des restrictions à l’entrée sur le territoire des pays membres des tomates en provenance du Maroc.

C’est l’alerte lancée par des médecins français qui a remis sur le devant de la scène la question de la toxicité présumée des engrais marocains. Des analyses montrent qu’ils sont riches en cadmium, un métal lourd cancérogène.

Dans une lettre ouverte au premier ministre français, avec copie aux ministres en charge de la Santé, de l’Agriculture, de la Transition écologique et des Affaires étrangères, la Confédération nationale des Unions Régionales de Professionnels de Santé – Médecins Libéraux (CN-URPS -Médecins Libéraux) indique que : « Des études sur le risque cardiovasculaire montre que, à la valeur de 0.50µg/g de créatinine, le surrisque moyen de pathologies cardiovasculaires est multiplié par 2,79. Des études sur le risque de mortalité globale et le risque de mortalité par cancer montrent que, plus vous êtes contaminé, plus votre surrisque augmente ».

Chez les adultes français, l’intoxication moyenne au cadmium mesurée entre l’étude ENNS (2006-2007) et l’étude ESTEBAN (2014-2016) a augmenté de 75%.

En cause, les engrais phosphatés qui représentent la principale source de pollution en cadmium des sols agricoles en France.

La majeure partie des engrais phosphatés est importée du Maroc. Cette situation résulte d’un accord privilégié entre le Maroc et la France pour la livraison d’engrais exonérés de droits de douane. Autre facteur, la proximité géographique.

Cependant les engrais en provenance du Maroc affichent une valeur importante en cadmium ; entre 38 et 100 mg/kg P2O5 quand ceux d’autres pays comme la Russie en contiennent moins de 20 mg/kg P2O5.

Actuellement l’Union Européenne (UE) a fixé un taux maximal autorisé à 60 mg/kg P2O5 mais il est question de le ramener à 20 mg/kg comme c’est déjà le cas dans plusieurs pays européens.

Déjà, à travers des pétitions, des associations interpellent Catherine Vautrin, la ministre française de la santé avec le mot d’ordre : « NON au cadmium cancérigène importé du Maroc dans notre pain ! »

Côté marocain, sans apporter la moindre référence scientifique, la presse locale comme Medias24 indique que « depuis le 1er janvier 2025, ces engrais présentent une teneur en cadmium réduite à moins de 20 mg/kg de P2O5 ».

La tomate du Maroc sur la sellette

Autre coup dur au Maroc, la presse se fait l’écho « des inquiétudes quant à l’adoption annoncée d’une nouvelle réglementation modifiant les conditions d’importation des fruits et légumes vers l’UE. »

Le média Bladi.net indique que : « Le nouveau texte vise à modifier la réglementation 2017/892 et met à jour les mécanismes de calcul des valeurs à l’importation et des tarifs additionnels. »

Et de citer des observateurs qui « estiment que ce nouveau texte européen pourrait conduire à un dépassement des quotas établis dans l’accord de libre-échange UE-Maroc. » Une mesure qui à terme « ouvrirait la porte à l’application de tarifs supplémentaires, affaiblissant ainsi la compétitivité des tomates marocaines sur le marché européen. »

Les tomates marocaines sont exonérées de droit de douanes en hiver mais sont soumises à des quotas lorsque arrivent en production les tomates françaises. Cependant, au Maroc les investisseurs se sont orientés vers la tomate cerise et leur coût de revient est si bas que, même en payant des droits de douane, ils arrivent à proposer au consommateur français des prix concurrentiels.  En cause, la non-réactualisation des droits de douanes pour les tomates cerises.

Rachid Benali, président de la Confédération marocaine de l’agriculture et du développement rural (Comader) confiait début mai à la RFI : « Aujourd’hui, tout est rentré dans l’ordre. Je pense qu’il n’y a plus de problème entre nous ». Il s’exprimait à la suite à la signature d’une récente déclaration d’intention entre producteurs français et marocains. Présent lors du dernier Salon international agricole de Paris, ce lobbyiste chevronné a multiplié les déclarations dans les médias français.

Cependant, des producteurs français ripostent. Dans les Pyrénées-Orientales, ils mènent des opérations de sensibilisation dans les hypermarchés notamment à proximité d’Avignon avec ce message aux responsables des grandes surfaces : « Avec vos tomates marocaines, vous nous tuez. »

La presse française comme RTL explique l’inaction des autorités françaises et « pourquoi les producteurs français de tomates sont sacrifiés face au libre-échange ».

RTL a repris l’exemple de l’UE quand il y a 20 ans : « Il s’agissait d’arrimer ces pays de l’Est à l’Ouest et donc les éloigner de Moscou. » Aujourd’hui bis repetita : « Le même principe est tout autant louable avec le Maroc » dans un but précis, pour « le stabiliser politiquement, il y a eu un accord de libre-échange agricole, notamment pour la tomate. »

Autres nuages à l’horizon pour le Maroc. La filière marocaine cache à l’UE qu’une partie des tomates exportées en Europe à partir d’Agadir provient des serres installées à Dakhla au Sahara occidental occupé. Des camions frigorifiques rallient en 24 h les 1 200 km séparant les deux villes.

En octobre 2024, la Cour de Justice de l’UE (CJUE) a décidé d’imposer un étiquetage spécifique des produits issus du Sahara occidental ce qui inquiète les investisseurs accourus dans cette région suite à l’annonce par le pouvoir marocain de l’exonération d’impôts. « L’inquiétude monte dans les rangs des opérateurs agricoles de Dakhla », confiait début mai, au média spécialisé FreshPlaza, l’investisseur Fouad Zouhair membre du groupement d’intérêt économique AJIDA. Ces investisseurs tentent de trouver de nouveaux marchés mais continuent à envoyer leur production vers Agadir en l’absence de contrôle de la part de l’UE.

En France, les producteurs de tomates et les consommateurs intoxiqués par le cadmium paient aujourd’hui un lourd tribu à la volonté des pouvoirs publics français de « stabiliser politiquement » le Maroc. À cette volonté des pouvoirs publics, les syndicats agricoles, les associations de médecins et de consommateurs pourraient arriver à contrecarrer et sauvegarder leurs intérêts.

  • Les derniers articles

close