Un homme a été tué vendredi 25 avril dans une mosquée du Gard, dans le sud de la France. Le meurtrier a peut-être agi seul, mais l’acte n’est pas isolé. Il est indissociable du climat de haine entretenu autour de l’islam et des musulmans par une partie de la classe politique française et des médias.
L’extrême-droite a fortement progressé en France. Elle est même plus que jamais aux portes du pouvoir. Cette ascension s’est accompagnée d’une stigmatisation systématique des musulmans au moindre fait divers, de la banalisation de l’islamophobie et de la libération de la parole raciste.
Le discours islamiste radical, contre lequel la droite et l’extrême-droite prétendent lutter, a fait ses victimes. La rhétorique raciste anti-immigrés et anti-musulmans fait elle aussi, inévitablement, les siennes.
Et l’homme qui vient de perdre la vie dans une mosquée en est une. Le crime porte la signature, très vraisemblablement, d’un individu empoisonné par le discours omniprésent, à la télévision, sur les réseaux sociaux et chez certains hommes politiques, faisant des musulmans la source des maux de la France et de l’Islam un danger pour son avenir.
Meurtre d’un homme dans une mosquée en France : quand l’islamophobie tue
D’après les premiers éléments de l’enquête, il n’y aurait rien de personnel dans le crime. La victime est connue et estimée de tous les habitants de la localité. Un homme sans histoires. L’assassin, lui, est étranger à la région. Personne n’a pu le reconnaître sur les images des caméras de surveillance du lieu de culte. Ce qui éloigne la thèse du règlement de compte et conforte celle du crime islamophobe.
Les promoteurs du discours raciste ignoraient -ou pas- une réalité : la violence n’est pas l’apanage de l’islam radical et dans tout groupe éthique, religieux ou national soumis à un matraquage médiatique soutenu, il y aura toujours des individus, faibles, déséquilibrés ou trop fortement travaillés, qui franchiront le pas de l’irréparable.
La responsabilité dans ce qui s’est passé vendredi dernier incombe à tous ceux qui, depuis plusieurs années en France, contribuent à promouvoir une islamophobie débridée, sur fond d’amalgames risibles.
Ces deux dernières décennies, les polémiques autour de l’Islam en France ont rivalisé de virulence, sur le voile, l’abaya, le Ramadhan, les cantines scolaires, la prière aux abords des mosquées…
Les musulmans sont accusés avec une légèreté déconcertante de terrorisme après chaque attentat commis par un radicalisé, et d’antisémitisme quand il leur arrive d’exprimer leur avis sur ce qui se passe en Palestine.
Les tenants d’un tel discours sont identifiés, mais rarement inquiétés. Ce sont les partis d’extrême-droite et de la droite dure, des personnages sulfureux de ce courant et de très nombreux médias, ceux de la galaxie Bolloré en tête. Par leur discours ouvertement anti-musulman, ils ont légitimé par anticipation la violence contre cette communauté.
« Incessantes incitations à l’islamophobie »
Jean-Luc Mélenchon, bête noire de ce courant, a mis les mots justes dans sa réaction à ce qui s’est passé dans le Gard : “Le meurtre d’un musulman en prière est le résultat des incessantes incitations à l’islamophobie. C’est un franchissement de seuil indigne.”
Au fil des années, la pression est montée crescendo sur les musulmans de France, au point de ne plus être supportable pour certains.
En février 2024, quatre sociologues français ont publié une étude sous un titre évocateur, “La France, tu l’aimes mais tu la quittes”. Ils ont mis en lumière l’exode des cadres musulmans de France “bien installés”.
L’étude a surtout démontré que l’islamophobie est une exception française, de nombreux cadres qui sont partis ayant choisi de s’installer dans d’autres pays occidentaux, donc pas plus musulmans que la France mais bien moins islamophobes.
Depuis, la surenchère d’une partie de la classe politique qui fait de la stigmatisation de l’Islam et des musulmans un tremplin pour son agenda, ne fait que s’accentuer, entraînant même celui qui est censé garantir la sécurité de tous, le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau, qui fait de l’Algérie et des Algériens un point de fixation.
Si la France ne se ressaisit pas, il est à craindre que ce qui se passe en ce moment ne soit sur le début de quelque chose de plus dramatique pour sa communauté musulmane.