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Obsédé par la fonte des réserves de change, le gouvernement multiplie les mesures simplistes

Obsédé par la fonte des réserves de change, le gouvernement multiplie les mesures simplistes

Encore une projection sur le long terme pour le gouvernement Bedoui dont la mission, quoi qu’il arrive, se termine dans un peu plus d’un mois. Son dernier grand projet en date c’est le développement de la filière céréalière pour concrétiser le vieux rêve de l’autosuffisance alimentaire que même l’Algérie volontariste des années 1970 s’est contentée de caresser sans jamais le traduire dans la réalité.

Le Premier ministre n’a pas fait de déclaration dans ce sens en marge de quelque événement, mais au cours d’un conseil interministériel dûment consacré à la question et qu’il a présidé, lundi 4 novembre, en présence de tous les responsables de haut niveau concernés par la filière, y compris le ministre de l’Enseignement supérieur.

Le lendemain de cette réunion, les députés de l’APN ont « débattu » le projet de loi sur les hydrocarbures qui a suscité une levée de boucliers parmi les spécialistes et la société mais que le gouvernement a tout de même présenté. Devant un hémicycle presque vide, faut-il le déplorer, et des députés plus porté sur les loufoqueries et les excentricités que sur l’examen de la teneur du texte et ses enjeux.

La nouvelle loi sera adoptée avant l’élection d’un nouveau président de la République et celui-ci devra faire avec une orientation économique et des outils de gestion qu’il n’aura pas choisis. Noureddine Bedoui vient encore de décider à sa place : la priorité dans la prochaine étape sera de développer la céréaliculture.

Que ce soit pour ce dernier projet, la loi pétrolière ou les autres décisions, le souci du chef de l’Exécutif semble tourner autour d’un seul point : ménager la bourse publique dans un contexte de baisse des revenus des hydrocarbures et de l’érosion des réserves de change qui seront, d’après la dernière prévision, à 51 milliards de dollars dans une année.

Voilà ce qu’a dit Bedoui durant le conseil interministériel, tel que rapporté par l’agence officielle : « Le gouvernement s’emploie à impulser et développer cette filière pour assurer notre sécurité alimentaire, et renoncer graduellement à l’importation, désormais un lourd fardeau pour le Trésor public tout en ouvrant, dans l’avenir, les perspectives d’exportation. »

Une panoplie de mesures à mettre en œuvre a été décidée, entre l’achat du blé à un prix plus confortable pour les agriculteurs, l’élargissement des surfaces irriguées, la mise à contribution de la recherche scientifique…

Le propos n’est pas de discuter de l’efficacité du plan, d’autant que, à en croire les chiffres dévoilés à l’occasion, la filière se porte bien, en tout cas mieux en termes de volumes produits grâce à de précédentes mesures et plans de développement. Il s’agit de souligner, encore une fois, que le gouvernement tente d’apporter à un problème imminent, qui est l’épuisement du matelas des réserves de change, des solutions dont les effets, quand bien même elles en auraient, ne se feront pas ressentir avant plusieurs années.

L’obsession de réduire les importations

D’un autre côté, on sait aujourd’hui d’expérience que cette obsession à réduire la facture des importations a fait prendre aux gouvernements successifs des décisions précipitées, pas toujours réfléchies, parfois rapidement remises en cause et souvent inefficaces.

Au moins deux exemples illustrent la navigation à vue et l’absence de stratégie chez les autorités algériennes ces dernières années : l’encouragement en grande pompe des filières de l’assemblage automobile et de celle de l’industrie du ciment.

Ministre de l’Industrie de 2014 à 2017, Abdeslam Bouchouareb avait étalé toute la simplicité avec laquelle ses services avaient tracé leur stratégie de développement des filières en dévoilant avoir consulté les listings des produits les plus importés et décidé de les produire localement. On importe trop de véhicules, on va donc en fabriquer localement. La production nationale n’arrive pas à satisfaire la demande des chantiers en ciment, on va ouvrir des cimenteries. Bouchouareb est aujourd’hui en fuite à l’étranger et les conséquences de son improvisation sont un fiasco au moins dans ces deux filières. Les usines d’assemblage sont presque à l’arrêt et les cimentiers cherchent des marchés qu’ils ne trouvent pas pour leur surplus de production (près du double des besoins du marché).

Outre le fait que le gouvernement actuel propose des solutions dont les éventuels effets bénéfiques risquent de se faire attendre, la situation des filières de l’automobile et du ciment nous rappellent que la production locale n’est pas toujours une alternative meilleure à l’importation, notamment quand le prix de revient de la marchandise importée est nettement inférieur à celui du produit local. La problématique risque de se poser pour la filière céréalière quand on voit les ressources que le gouvernement compte dégager pour son développement, entre incitations financières directes et investissements dans l’irrigation dans les régions arides du Sud ou semi-arides des Hauts plateaux.

Assurer la sécurité alimentaire du pays est une louable quête, mais projeter d’ « ouvrir des perspectives à l’exportation », c’est ignorer l’impératif de la compétitivité. Il est aussi à se demander si le blé tendre, qui engloutit l’essentiel de la facture alimentaire, pourrait être produit en quantités suffisantes, sachant les conditions climatiques et autres inadéquates.

L’Algérie, pays-continent s’il en est, dispose bien de secteurs aux avantages comparatifs évidents, de certaines filières agricoles au tourisme, en passant par la pétrochimie. Il est curieux qu’ils ne soient pas explorés, mais le plus incompréhensible c’est cette obsession d’un gouvernement de gestion des affaires courantes à tracer l’orientation économique du pays pour les prochaines années, voire pour les décennies à venir.

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