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Option planche à billets : comment en est-on arrivé là ?

Option planche à billets : comment en est-on arrivé là ?

Anis Belghoul / NEWPRESS

Le Conseil des ministres a adopté, mercredi 6 septembre, un projet de loi portant amendement de la loi sur la Monnaie et le crédit, « pour introduire le financement non conventionnel au profit du Trésor public », annonce un communiqué de la présidence de la République.

Le public et une grande partie des médias algériens découvrent ainsi avec stupeur la perspective inquiétante d’un financement de l’économie par « la planche à billets ».

À travers cette option, un nouveau contexte économique s’installe qui est d’abord celui d’une rareté des ressources financières. C’est l’endettement interne qui est en train de se développer sans qu’on y ait vraiment pris garde et sa problématique spécifique peu familière pour le public et les médias algériens habitués à l’aisance financière des dernières années fait ainsi un retour tonitruant dans le débat économique national. Comment en est-on arrivé là ?

Aisance financière jusqu’en 2014

L’aisance financière des années 2000 n’est aujourd’hui plus qu’un souvenir. Jusqu’à la fin de l’année 2014, la situation financière de l’État algérien était encore extrêmement confortable. Il avait réalisé, pendant plus d’une décennie, grâce à des prix pétroliers élevés, des excédents budgétaires importants. Ces derniers avaient été accumulés dans le Fonds de régulation des recettes (FRR) créé au cours de l’année 2000. Le niveau de cette « cagnotte », réceptacle de l’épargne budgétaire de l’État algérien, a atteint un montant maximum estimé à plus de 6000 milliards de dinars en 2014.

Des déficits budgétaires énormes depuis 2015

À partir de 2015, le changement de décor est complet. L’effondrement des prix pétroliers conjugué au maintien inchangé des dépenses de l’État fait apparaître des déficits budgétaires énormes estimés à plus de 16% du PIB en 2015 et de nouveau proche de 14% en 2016.

Depuis 2015 , le déficit du budget de l’État était financé par des prélèvements importants sur le Fonds de régulation des recettes. Avec un prix du baril compris entre 30 et 40 dollars en 2015 et 2016, les réserves financières n’ont pas tenue plus de 2 années et l’assèchement du Fonds de régulation des recettes est effectif depuis le début de l’année 2017.

Avril 2016 : un premier emprunt d’État 

Pour continuer à financer ses dépenses, qui n’ont diminué que faiblement entre 2014 et 2016, l’État algérien est donc désormais contraint de s’endetter. En fait, il a commencé à le faire depuis le milieu de l’année dernière. En Avril 2016, un grand emprunt obligataire qualifié d’« emprunt national pour la croissance économique » est lancé par l’État. Il rapportera, suivant des bilans communiqués fin 2016, un peu plus de 530 milliards de dinars (environ 5 milliards de dollars) souscrits pour l’essentiel par des investisseurs institutionnels, banques et compagnies d’assurance. Juste assez pour boucler les dépenses et combler le déficit du budget de l’ État en 2016 .

En 2017, l’État récupère l’épargne de banques

Au début de cette année, la situation des finances publiques s’annonçait de toute évidence très périlleuse avec un déficit budgétaire toujours important et fixé à plus de 1200 milliards de dinars (près de 11 milliards de dollars) par la loi de finances pour 2017 en dépit de la réduction des dépenses de l’État. En face, un FRR complètement vide et aucune possibilité de lancer un nouvel emprunt national dont l’échec aurait été assuré .

L’État est alors obligé de racler les fonds de tiroirs. La Banque d’Algérie annonce, le dimanche 13 août, que le taux des réserves obligatoires des banques passera de 8% à 4% à partir du 15 août. Il s’agit de la deuxième décision de baisser le taux de réserves en 15 mois, la Banque centrale ayant déjà diminué en mai 2016 le taux de ces réserves de 12% à 8%.

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L’argent ainsi récupéré, qui est en fait l’épargne des banques algériennes, est aussitôt transformé en bons du Trésor, c’est-à-dire prêté à l’État algérien0 Selon nos sources, la dernière opération, réalisée au mois d’août dernier, a rapporté un peu plus de 350 milliards de dinars (un peu plus de 3 milliards de dollars) au Trésor public. Un montant très insuffisant pour financer le déficit du budget de l’État en 2017 .

Après avoir consommé, au cours des 3 dernières années, ses propres économies, puis celles des particuliers qui ont bien voulu lui prêter de l’argent et enfin celles des banques, l’État algérien, impécunieux et dépensier, n’a donc plus aujourd’hui pour seule ressource que de changer la loi et de faire injonction à l’institut d’émission de faire marcher la planche à billets.

Avec la réforme de la loi sur la monnaie introduite hier, la Banque d’Algérie sera autorisée « à prêter directement au Trésor public, afin de permettre à ce dernier de financer les déficits du budget de l’État, de financer la dette publique interne et d’allouer des ressources au Fonds national de l’investissement ».

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